THEATRE DU PUZZLE

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Roman / "L'Horizon Bleu" de Dorothée Piatek

L'Horizon bleu

de Dorothée Piatek

Editions du Seuil - 2012

Edition Petit à Petit pour l'édition originale - 2006

107 pages

 

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Voici un petit livre passionnant à découvrir absolument tant au niveau du contenu et de l'histoire qu'au niveau de l'écriture.

Un livre qui parle autant aux adultes qu'aux enfants. Une histoire d'humains plongés dans la guerre. Il s'agit de la 1ère Guerre Mondiale. Mais le propos est plus généraliste. Il pourrait être similaire pour n'importe quelle guerre avec son absurdité et ses souffrances inutiles. 

Dorothée Piatek nous fait entrer dans l'univers d'un petit village du nord de la France au début du XXème siècle, Haubourdin. Nous sommes en 1914. L'été est lourd, surtout en raison des menaces qui pèsent sur la paix en Europe. Les rêves de Pierre et Elisabeth vont voler en éclats. Le couple d'enseignants qui voulait découvrir la mer va voir sa vie basculer dans l'enfer de la guerre. Ils rêvaient d'un savoir qui rend fort, qui rend fier. A l'image du film italien "Cuore" de Luigi Comencini (1984) qui aborde un sujet semblable, l'enseignant va perdre ses illusions. Le savoir va sombrer sous les bombes et les tirs de mitrailleuses. Les anciens élèves devenus adultes, les enseignants se retrouveront face à la mort brutale. 

Au lieu d'aller à la mer, Pierre partira au front pour de longues années. Elisabeth se verra, bien malgré elle, prendre la place de son mari dans la petite école d'Haubourdin. 

Le récit de cette séparation douloureuse se présente par des narrations qui nous font pénétrer dans le vécu au quotidien des tranchées, dans cette vie de guerre violente, traumatisante où la peur est la compagne de chaque jour, à laquelle s'associe la folie meurtrière, les haines inutiles et irraisonnées, mais aussi des moments de grâce, d'amitié et de réconciliation, de doute aussi, de questionnement. Nous sommes aussi plongés dans la vie à l'arrière-front avec son cortége de restrictions, de destruction et de mort, d'espoir aussi par le courage de tous ces gens qui cherchent à améliorer l'ordinaire précaire, à rendre vivable ce qui est insupportable.

Entre les parties narratives, des lettres sont retranscrites, celles de Pierre à sa femme Elisabeth, celle d'Elisabeth à son mari, celles de Pierre à ses élèves, de ses élèves à leur enseignant sur le front...

Cela donne beaucoup de rythme au récit, beaucoup de crédibilité. On devine que l'auteur s'est beaucoup documentée. L'épisode de la bataille de Verdun, vue de l'intérieur, loin des chiffres monstrueux que nous connaissons tous, donne l'impression d'être réellement dans la tranchée  ou dans les trous d'obus où se cachent les soldats partis attaquer l'ennemi pour gagner quelques centaines de mètres de terrain. La question d'appartenance aussi est très présente. Que signifie être français ou être allemand quand des deux côtés on vit le même enfer, la même peur, la même souffrance ? 

Il est beaucoup question de courage, de découverte de l'indépendance, de sentiment d'abandon parfois et de désespoir. Mais la vie est toujours là, même dans les moments les plus sombres, qui arrive à se frayer un chemin par les petits interstices que la violence ne peut pas obstruer complètement. De cet enfer, les humains puisent parfois au fond d'eux-mêmes des vertus igorées, une force de vie incroyable pour reconstruire un monde de paix où chacun aurait sa place. 

 

Dorothée Piatek connaît parfaitement son sujet d'autant plus qu'elle est née à Haubourdin en 1969. Elle a écrit là un très beau livre sur la Guerre de 1914-1918, sur l'horreur de la guerre en général et sur la nécessité de savoir vivre ensemble

 

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Extraits 

 

Page 7 

J'aime cette photo où l'on voit la terre du Nord calme et tranquille s'étirer à perte de vue. j'en ai passé des après-midi à courir dans ces champs, à jouer sur les pavés qui dessinent les routes de nos campagnes... J'ai eu une belle enfance...

 

Page 11

Lundi 3 août 1914

A 7 heures, les soldats sont réunis sur le quai de la gare d'Haubourdin. Elisabeth se veut digne et courageuse, son visage est creusé. Elle ne peut imaginer que son mari soit précipité sans un monde régi par l'ordre militaire. 

 

Page 25

Ma chère Elisabeth,

Nous sommes épuisés. Il nous faut chaque jour chercher des forces que nous ne trouvons plus. Hier, on nous a fait chanter des chants patriotiques alors que le ronflement des canons se faisait entendre à moins d'un kilomètre (...) Sois courageuse ma chèrie. Pierre

 

Page 50

Sur le front est, les allemands ont lancé leurs offensives. Les premières lignes françaises sont détruites par les bombardements. Les soldats français viennent de perdre du terrain. Les troupes allemandes progressent en les cernanat avec leurs grenades. Les renforts commencent à arriver, mais le gros des troupes est déjà pulvérisé. 

 

Page 74

Pierre parle au milieu ds troncs arrachés, déchiquetés par les éclats de métaux. Ses camarades l'écoutent sans bouger car sa voix traduit la douleur qu'ils portent tous au fond d'eux. Chacun reconnaît sa propre détresse dans la folie qui le gagne. 

 

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24/02/2015
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