THEATRE DU PUZZLE

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Roman / "Le Vieux qui lisait des romans d'amour" de Luis Sepulveda

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« Le Vieux qui lisait des romans d’amour » (1989)

Luis Sepulveda

Titre original : « El viejo que leia novelas de amor »

1992, Editions Métailié, pour la traduction française

Traduction : François Maspéro

129 pages

 

 

Attention ! Chef d’œuvre !

Voici un ouvrage petit en nombre de pages mais un très grand roman en termes de puissance et d’impact.

 

« Le vieux qui lisait des romans d’amour » est une fable humaniste sur le sens d’une vie, à travers l’histoire d’un vieil homme sur l’immense territoire d’un petit village amazonien de l’Equateur, El Idilio. Un lieu sacré pour les uns (les indiens Shuars), un lieu de perdition pour les autres (les chercheurs d’or et de diamants). Le tout sur fond de menace sourde et invisible d’une femelle ocelot dont on a tué les petits et blessé le mâle.

La mort est toujours présente dans ce paradis ou cet enfer végétal selon la manière de se l’approprier.

 

Le vieil homme, José Antonio Bolivar, avait fui l’autre monde, celui des villes et des apparences. Il s’était installé en plein territoire Shuar où il avait tout appris de la vie dans ce territoire sauvage aux règles nettes et sans détour parce qu’absolument nécessaires à la vie ou à la survie. Dans cette forêt humide où la canopée cache la lumière, où la pluie se transforme en brouillard qui rend tout invisible, les Shuars ont appris à José Antonio Bolivar les mille et unes petites choses qui permettent de savoir répondre à ses besoins de nourriture, de chasse, de déplacements, de protection face aux menaces multiples, de respect de cette nature qui offre tout ce qui est nécessaire pour vivre.

Comme dirait l’indien en crachant bien fort pour qu’on sache qu’il dit la vérité : « (…) Tu es le chasseur des blancs, tu as un fusil, tu violes la mort en l’entourant de douleur. (…) »

Et dans cette façon de considérer la nature environnante comme une personne nourricière à part entière, les Shuars ajoutent : « Le jour, il y a l’homme et la forêt. La nuit, l’homme est forêt. »

 

C’est dans cette atmosphère prégnante et belle à la fois que se dessine une lutte sans merci entre les hommes et l’ocelot, entre les fusils et les griffes, entre ceux qui s’imaginent puissants parce qu’ils ont un fusil  et l’autre puissance tapi dans l’ombre d’un lieu qui est le sien.

 

 

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José Antonio Bolivar sait tout cela comme il sait aussi lire (pas très bien, mais il sait). Et son imagination est emplie de ces romans du monde entier qui parlent de l’amour, ces livres qui débarquent au quai d’El Idilio par les barques en provenance des villes en amont du fleuve, si lointaines et si proches à la fois.

Les amants de la littérature occidentale de Venise et d’ailleurs traînent quelque part dans l’Amazonie d’un vieil homme qui cherche « cet amour pur, sans autre finalité que l’amour pour l’amour. Sans possession et sans jalousie », celui qu’il avait trouvé dans sa vie avec les Shuars.

 

Ce roman pourrait presque ressembler à un parcours initiatique qu’on commencerait par la fin quand le savoir acquis sert de point d’appui pour comprendre l’incapacité de l’homme moderne qui croit dominer le monde dans d’illusoires concepts de domination.

 

C’est là où l’histoire particulière avec l’ocelot prend toute sa puissance parce qu’elle est portée par ce riche univers de pensée autour du personnage de José Antonio Bolivar.

 

Tout apparaît alors avec l’évidence que nous aussi, lecteurs, nous avons quelque chose à apprendre de cette histoire pourtant si loin de  nous, dans l’Amazonie d’outre-Atlantique. Nous aussi, lecteurs d’un autre continent, nous avons notre El Idilio, notre ocelot qui nous pourchasse quelque part sans que nous le chassions. Nous aussi, nous feignons de ne pas voir alors que nous voyons, alors que nous savons…

 

 

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Luis Sepulveda a écrit là un chef d’œuvre de la littérature. Et ce n’est pas par hasard que des millions de lecteurs dans le monde ont « dévoré » ce roman.

 

Le monde d’aujourd’hui rend encore plus urgent la lecture de cet ouvrage.

 

 

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Extraits :

 

Page 11 :

Le ciel était une panse d’âne gonflée qui pendait très bas, menaçante, au-dessus des têtes. Le vent tiède et poisseux balayait les feuilles éparses et secouait violemment les bananiers rachitiques qui ornaient la façade de la mairie.

 

Page 14 :

La différence était énorme entre un Shuar hautain et orgueilleux, qui connaissait les régions secrètes de l’Amazonie, et un Jivaro tel que ceux qui se réunissaient sur le quai d’El Idilio dans l’espoir d’un peu d’alcool.

 

Page 33 :

Il lisait en épelant les syllabes, les murmurant à mi-voix come s’il les dégustait, et, quand il avait maîtrisé le mot entier, il le répétait d’un trait. Puis il faisait la même chose avec la phrase complète, et c’est ainsi qu’il s’appropriait les sentiments et les idées que contenaient les pages.

 

Page 45 :

Sa connaissance de la forêt valait celle d’un Shuar. Il nageait aussi bien qu’un Shuar. Il savait suivre une piste comme un Shuar. Il était comme un Shuar, mais il n’était pas un Shuar.

 

Page 56 :

Ce fut la découverte la plus importante de sa vie. Il savait lire. Il possédait l’antidote contre le redoutable venin de la vieillesse. Il savait lire. (…)

 

Page 84 :

Il repéra d’abord le colon. Il le reconnut à son crâne sans dents. L’américain gisait quelques mètres plus loin. Les fourmis avaient fait un travail impeccable et n’avaient laissé que les os, nets, pareils à de la craie. Elles étaient en train de terminer le squelette. Telles des bûcheronnes minuscules et cuivrées, elles transportaient un à un les cheveux jaunes paille pour étayer le cône d’entrée de leur fourmilière.

 

Page 88 :

Il pleuvait moins, mais l’eau tombait en lourdes rigoles. La pluie était arrêtée par le toit végétal. Elle s’accumulait sur les feuilles et, quand les branches finissaient par céder sous son poids, l’eau se précipitait, chargée de toutes sortes de senteurs.

 

Page 107 :

Quelque chose lui disait que la bête n’était pas loin. Peut-être qu’en ce moment précis elle était en train de les observer. En outre, depuis quelque temps, il se demandait pourquoi toutes ces victimes le laissaient indifférent. C’était probablement sa vie passée avec les Shuars qui lui faisait voir ces morts comme un acte de justice. Un acte sanglant, mais inéluctable, œil pour œil.

 

Page 109 :

Souvent les habitants parlent de toi en t’appelant le Chasseur, et tu leur dis que ce n’est pas vrai, parce que les chasseurs tuent pour vaincre la peur qui les rend fous et les pourrit de l’intérieur.

 

Page 111 :

« Si la piste est trop facile et que tu crois tenir l’ocelot, c’est qu’il est derrière toi, les yeux fixés sur ta nuque » disent les Shuars, et c’est vrai.

 

Page 122 :

L’ocelot capte l’odeur de la mort que beaucoup d’hommes portent sur eux sans le savoir.  

 

 

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Petite biographie de Luis Sepulveda

 

L'auteur est né au Chili en 1949. Il vit actuellement dans les Asturies, une région au nord-ouest de l'Espagne. Il a aussi habité à Hambourg, au nord de l'Allemagne et à Paris. 

Cet écrivain voyageur a entre autres écrit "le Vieux qui liait des romans d'amour", mais aussi "Un nom de torero", Le Monde au bout du monde", "le Neveu d'Amérique".

Ces romans sont publiés dans plus de 50 pays et ce sont des best-sellers. 

Luis Sepulveda est aussi scénariste, réalisateur, producteur et même acteur pour le cinéma. 

"Le Vieux qui lisait des romans d'amour" a reçu le prix France-Culture étranger et celui du Roman d'évasion. Il a été adapté au cinéma en 2001 avec Richard Dreyfus dans le rôle principal. 

 

 

 

Le Vieux qui lisait des romans d'amour, réalisé par Rolf De Heer.
Titre original : The Old Man Who Read Love Stories
Date de sortie : 07-03-2001

 


Le film en VO



26/12/2016
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