Errance dans Harar sur les pas d'Arthur Rimbaud / Charles Dannaud / Libé Voyages
Errance dans Harar
Dans les pas d'un écrivain.
l'est de l'Ethiopie réinventée par Arthur Rimbaud.
21 AOUT 2008
1ère photo : Ahron de Leeuw / texte: Charles Dannaud
Hauts plateaux éthiopiens
L'entreprise était périlleuse : plus d'un an de préparatifs et quatre mois de marche à travers «l'horreur présumée des paysages lunaires», de Tadjoura jusqu'aux hauts plateaux éthiopiens. Mais, en février 1887, Arthur Rimbaud réussit enfin à rejoindre la cour de Ménélik, l'empereur du plus méridional des royaumes chrétiens d'Abyssinie.
L'ancien poète, honnête négociant de la corne de l'Afrique depuis 1880, y a conduit son unique caravane d'armes. Beaucoup d'efforts pour peu de profits. Floué par le roi, il file vers l'est en direction du port anglais de Zeilah, sur la côte somalienne. Passage obligé : Harar, carrefour des marchandises et des hommes, où le poète a déjà séjourné pendant deux ans. Et où il va de nouveau passer trois longues années.
Cheminant vers la cité, Arthur Rimbaud traverse une «région de magnifiques pâturages et de splendides forêts à une altitude moyenne de 2 500 mètres, jouissant d'un climat délicieux». Et, incorrigible, il échafaude son nouveau plan d'enrichissement : s'installer à ce seuil, au plus près des «produits de ces pays : or, musc, ivoire, café, etc.», expédiés sur les marchés mondiaux via le port d'Aden, au Yémen.
Qu'importe qu'il s'agisse d'un énième mouvement du balancier d'attraction et de répulsion qui anime Rimbaud dans tous les lieux où il se trouve - il a autant conspué Harar qu'il ne l'a encensée -, sachons juste que l'homme n'est jamais à une contradiction près ; et que le voyageur qui, aujourd'hui, suit ses traces est condamné à se perdre dans le dédale des conjectures.
Sur le paysage, pas de discussion : on souscrit à l'enthousiasme du poète reconverti qui vante cette «Suisse africaine, sans hivers et sans étés : printemps et verdure perpétuelle». Mais l'on sourit à cette remarque «visionnaire» : «Ces contrées, très salubres et très fertiles, sont les seules de l'Afrique orientale adaptées à la colonisation européenne.»
Malgré ses efforts, le régime mussolinien ne put s'implanter plus de cinq années, léguant à l'Ethiopie quelques mots de vocabulaire, des pâtisseries, et la fierté d'être le seul pays d'Afrique à n'avoir pas connu la colonisation des blancs.
A l'époque de Rimbaud, Harar, ville sainte de l'islam africain, née aux alentours du XIVe siècle, compte 99 mosquées, vit à l'abri de son mur d'enceinte et les hyènes y nettoient les rues, ce qui n'a pas changé. Le ras Makonnen - le père du négus Hailé Sélassié - en est le gouverneur quand la ville passe dans le giron de Ménélik. Une période trouble où se mêlent «confiscations, extorsions, razzias» et difficultés administratives sans fin. Un des «désagréments» de la vie là-bas, qui rend fou l'aventurier : «Au Harar [.] on y va à chameau, et on y vit au milieu des nègres exclusivement.» «Obligé», qui plus est, «de parler leurs baragouins, de manger de leurs sales mets», jusqu'à «subir mille ennuis provenant de leur paresse, de leur trahison, de leur stupidité !»
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