Cinéma / "Fleurs du mal" de David Dusa / Ciné-soirée à Quetigny
Le Point Information Jeunesse de Quetigny, à côté de Dijon, propose lundi 3 décembre à 20h30 salle Méliès au Ciné Cap Vert, une soirée ciné-débat sur le thème d'Internet et des réseaux sociaux autour du film "Fleurs du mal" de David Dusa, une manière ouverte de s'interroger sur la place et l'utilisation de l'outil informatique, avec tous les avantages que cela procure en termes d'informations et d'échanges, mais aussi dans le respect de chacun.
Ciné / débat
"Fleurs du mal" Film de David Dusa
suivi d'un échange autour de l'usage d'internet et des réseaux sociaux
Lundi 3 décembre à 20h
Salle Méliès - Ciné Cap Vert
Entrée libre
Paris-Téhéran. Une histoire d'amour entre deux déracinés : Gecko, jeune affranchi dont chaque pas est une danse, et Anahita, iranienne en fuite, accrochée à l'actualité de son pays. En juin 2009, suite aux élections controversées en Iran, les rues sont envahies par les manifestants. Le régime islamique, soucieux de contrôler son image, arrête les journalistes. Les citoyens décident de témoigner en filmant et diffusant les événements sur YouTube. Ces images sont livrées brutes et choquantes. A Paris, Anahita affronte ces images et y cherche ses proches. A son contact, Gecko est renvoyé à sa propre histoire, et ensemble, ils entament un combat identitaire, mus par la volonté de s’affranchir. Peu à peu leur histoire individuelle est contaminée par l'Histoire et sa médiatisation incessante et inédite sur Internet.
Rachid youcef acteur du film ou une représentante des Francas interviendront autour des réseaux sociaux et de l'impact d'internet aujourd'hui.
Pour tout renseignement:
Point Information Jeunesse
3, rue de l'Espace à Quetigny
03.80.48.29.96
Du lundi au vendredi de 14h à 18h.
Quelques photos du film
Interview de David Dusa
sur Télérama le 29 mars 2012
Extraits commentés de “Fleurs du mal”
par son réalisateur, David Dusa
A L’AFFICHE | La répression du printemps 2009 en Iran vue à travers un collage de fiction et d'images glanées sur le Net. David Dusa commente pour nous trois extraits de “Fleurs du mal”, son premier film.
Né en Hongrie en 1979, l’année de la révolution islamique en Iran, David Dusa a grandi en Suède, avant de travailler comme serveur en Angleterre puis de s'installer à Paris... « Partout où j'allais, il y avait toujours quelques Iraniens parmi mes amis. J’ai toujours été fasciné par la culture perse. » Quand arrivent les élections iraniennes du printemps 2009, il suit, via Internet, l’évolution de la situation sur place. « Tout le monde pensait que c’était un moment de bascule pour le régime, qui allait finir par se réformer tout seul. Quand Ahmadinejad a fait le coup de force, malgré les protestations de son peuple, et que la situation a commencé à dégénérer, mes comptes Twitter et Facebook se sont retrouvés submergés par des centaines de vidéos et de textes. J’étais sidéré par l’ingéniosité et le courage du peuple iranien, qui a très vite compris que l’image et la réactivité sont le nerf de la guerre. Ces jeunes gens ont littéralement hacké Facebook, qui, initialement, était tout sauf un outil de résistance et de subversion politique. Très vite, j’ai décidé de tricoter un projet à partir de cette matière. » Cela a donné Fleurs du mal. Véritable kaléidoscope visuel, cette histoire d'amour à Paris entre une Iranienne en exil et un jeune beur sans famille est émaillée de vidéos YouTube et d'incrustations de tweets. David Dusa en commente trois extraits.
« Rachid, que l'on voit ici, est un personnage « bigger than life », assez proche de son personnage de Gecko dans le film. Je l'avais rencontré pour un tout autre projet, laissé de côté entre temps. Le film est né de ma rencontre avec ce street danseur hors pair et la déferlante des vidéos venues d’Iran. Quand les événements ont commencé là-bas, j’ai montré des images et des petits films à Rachid. Je me suis vite rendu compte qu’il ignorait tout de ce pays et de cette culture. Sa réaction m’a donné l’idée et l’envie de l’histoire d’amour du film : comment raconter l’Iran et sa complexité à quelqu’un, sans parler géopolitique ? Comment lui faire comprendre que ces Iraniens qui meurent sous les coups des Mollahs pourraient aussi bien être ses amis ? Pour moi c’est ça l’essentiel : aujourd’hui, pour communiquer, les Iraniens utilisent exactement les mêmes outils que nous, et ça nous les rend encore plus proches.
Quant à la danse… Je cherchais quelqu’un de très à l’aise dans son corps. Comment exprimer des émotions avec son corps ? Comment celui-ci adapte son langage en fonction des situations de la vie ? Ces questions me passionnent.
Au début de cet extrait, on voit Rachid-Gecko prendre appui sur les murs, sauter de façade en façade à la manière des Yamakasi, ces créateurs de « l’art du déplacement » en milieu urbain. Pour inventer sa manière de danser, très personnelle, il s’est aussi inspiré de la dimension acrobatique du Break et des Tricks, les arts martiaux artistiques. Je l’ai amené voir des spectacles de danse contemporaine, ceux d’Alain Platel, de Wim Vandekeybus : il a adoré et s’en est inspiré. Rachid n’est pas un intellectuel, son rapport au monde passe par le corps, l’émotion et la sensibilité. Aux yeux de mon héroïne iranienne, la danse de rue pratiquée par Gecko est le symbole absolu de la liberté. En Iran, ce serait un acte totalement transgressif. Et puis, il y avait cette incroyable juxtaposition visuelle : montrer comment les jeunes Iraniens ont réussi, hélas temporairement, à posséder la rue, et filmer Gecko en train de transformer Paris en gigantesque piste de danse à ciel ouvert. »
« Là, il s’agissait encore de créer une autre ambiance visuelle. Sur la caméra HD avec laquelle on a tourné, on a mis un « shutter delay », qui imite la captation iPhone, le côté « pris sur le vif ». Cela illustre le déchirement de l’héroïne : mentalement, elle est toujours en Iran même si physiquement, elle se trouve à Paris. Elle est divisée. Le flux d’informations venu d’Iran est si riche qu’il lui donne l’impression d’être là-bas, émotionnellement. C’est aussi cela dont parle le film. Il s’agit de mettre le spectateur dans sa peau.
Les élections iraniennes ont eu lieu le 12 juin. Le 1er juillet, je savais que j’allais en faire un film. J’ai commencé à collectionner les vidéos : j’en ai mis plus de 8 000 de côté, un disque dur entier. L’un des défis du film était d’héberger une multitude de points de vue différents : les vidéos-témoins iraniennes, les clips de danse de Gecko, mes propres prises de vue, etc. Comment construire une fiction homogène à partir de cette matière disparate ? D’où le concept de « bataille des médias », dont l’idée est de mimer l’expérience internet. C'est une façon de multiplier les supports, les points de vue et les temporalités pour élaborer un récit homogène.
De ce point de vue, l'utilisation de la musique, le montage son puis le mixage étaient cruciaux : ce sont eux qui assurent le liant entre tous les registres visuels du film. Ça va du rap iranien à Monsieur Oiseau, en passant par Philip Glass, John Cage, The Disco Boys ou Chilly Gonzales. Ce foisonnement de styles est encore un hommage à l’Internet, qui nous rend toutes les musiques du monde accessibles en un clic. Quand j’étais jeune, j’écoutais du punk mais dans la petite ville suédoise où j’ai grandi, il fallait prendre le bus une heure durant pour trouver un magasin de disques avec un rayon punk. Aujourd’hui, il me suffirait de télécharger les meilleurs albums de Punk sur Pirate bay. Passer de Debussy à Sepultura sur un iPod, c’est ça aussi la culture numérique. »
« Dans (cette) scène de dispute, l'héroïne reproche à son amant de ne pas comprendre sa situation. C'est un reproche qu'on a pu me faire à moi aussi, un Occidental qui réalise une fiction sur l'Iran sans jamais y avoir mis les pieds. Comme me l'a dit Reza Serkanian, le réalisateur de Noces éphémères, un Iranien n'aurait pas eu la distance nécessaire pour faire un tel film. En tant qu'étranger, je peux me permettre un certain nombre de libertés qui offrent un autre éclairage au spectateur.
Dans cette séquence, on voit aussi comment les tweets sont incrustés dans l'image. Là encore, c'est un choix motivé par la volonté de montrer qu'Internet a multiplié les temporalités : Anahita est présente ici et mentalement là-bas, ce qui d'ailleurs ne la rend pas moins impuissante. Via les réseaux sociaux, les communications humaines évoluent radicalement. Est-ce bien ou mal ? Le film n'est pas fait pour répondre à cette question mais pour rendre ces mutations perceptibles et montrer comment, aujourd'hui, la toile est devenue un véritable vecteur de résistance.
J’ai travaillé avec deux monteurs en même temps, qui ont procédé par couches. On s’est heurté à plusieurs difficultés. D’abord il fallait veiller à ne pas mettre trop de violence dans le film, sinon l'histoire d’amour devenait totalement anecdotique. Mais l’inverse aurait abouti à minimiser la situation en Iran, avec le risque que l’utilisation des vidéos vire au gimmick, ce qui aurait été encore bien pire. Je n’ai choisi que les vidéos libres de droit, en partant du principe que tant que mon but serait le même que celui des Iraniens qui postent ces petits films sur le net – alerter le monde sur la situation dans leur pays – je serais dans mon droit. Ma conviction est qu'en les incrustant dans une histoire, en leur donnant une épaisseur intime, ces vidéos ont d'autant plus de poids. Pour moi, la fiction est le meilleur moyen de lutter contre nos réflexes de défense face à l'horreur du monde. Sur le Net, on regarde, on est choqué puis on oublie. Dans le cadre d'une histoire qui nous touche, ces images prennent une autre dimension. »
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