Cinéma / "Mandela - A long walk to freedom" de Justin Chadwick (2013)
MANDELA
A long walk to freedom
Un film de Justin Chadwick
Avec Idris Elba, Naomie Harris, Tony Kgoroge
D’après l’autobiographie de Nelson Mandela
« Un long chemin vers la liberté »
Autant le dire tout de suite, c’est un grand et beau film. L’angélisme n’est pas de mise. Autant le monde entier connaît l’icône Mandela, autant ici les spectateurs découvrent l’homme au parcours de vie atypique, né dans un pays où la ségrégation et l’Apartheid feront de lui l’homme qu’il est devenu. Mandela symbole spirituel et politique, l’homme et ses contradictions, son enfance, sa mère, son engagement pour l’égalité des droits, son emprisonnement et la force morale qui lui fera refuser le chemin de la haine malgré les humiliations.
Justin Chadwick réussit un formidable pari. Car raconter la vie d’un homme comme Madiba était un gros risque, tant le personnage est devenu universel.
Pourtant dés le début du film quand nous plongeons avec les enfants dans les paysages époustouflants de l’Afrique du Sud, vers ce petit village perdu au milieu de nulle part, on devine que le pari sera gagné. On entend la voix de Mandela qui évoque la maison de son enfance, tous ces gens qui la peuplaient et qu’il ne reverra plus, entre autres sa mère morte quand il était en prison.
Les personnages sont souvent filmés en proximité à hauteur d’épaule dans le fil rapide des révoltes ou des émeutes. Les regards grand format sont balancés aux spectateurs comme les coups et la violence. Cela fait penser au Bloody Sunday de Paul Greengrass sur le dimanche sanglant survenu à Derry en Irlande du Nord quand la police anglaise avait tiré sur la foule en 1972. La caméra au cœur de l’action, en mouvements rapides avec la respiration presque coupée. Dans le film de Justin Chadwick, on retrouve la même chose comme dans l’évocation des émeutes de Sharpeville en 1960, les humiliations de prisonniers dans la prison de Robben Island, nus toute une nuit sous la pluie, les violences policières dans Soweto. Des images à l’impact direct aussi fortes que les travellings dans les paysages immenses à la beauté sublime, à la suite d’une automobile qui laisse traîner derrière elle la poussière du chemin.
Nous traversons ainsi plusieurs décennies de l’histoire d’un pays (de 1942 à 1995) dans lequel les peuples se sont déchirés depuis la colonisation des Boers et des Anglais. Nous traversons l’histoire d’un homme unique dont l’importance de la vie dépasse les frontières du continent africain, donnant au monde un espoir de changer le lien entre les hommes.
On sent que ce film a nécessité de longues années de préparation. Rien n’a été laissé au hasard. Et le résultat est superbe, très émouvant. Idriss Elba est excellent dans le rôle de Nelson Mandela. La transformation physique à travers les années est bluffante de vérité, au point qu’on pourrait croire parfois qu’il s’agit d’un autre acteur. Naomie Harris est très crédible en cette Winnie d’abord élégante, intellectuelle et raffinée, puis remplie de haine et d’envie de vengeance, le regard dur et implacable après 16 mois d’emprisonnement et d’humiliation. Même les seconds rôles sont excellemment joués. Le film allie avec finesse et intelligence les séquences de fiction et les images d’archives.
Le film de Justin Chadwick est une ode à la liberté des peuples, à la liberté des individus, à la liberté de penser et à l’écoute de l’autre, au besoin de paix absolument nécessaire où que ce soit, quelles que soient les causes de conflits, pour bâtir un monde meilleur.
Le film s’achève d’ailleurs sur un ultime travelling au-dessus de la maison d’enfance de Madiba. Des enfants courent à la suite d’un vieil homme qu’on devine être Mandela. Sa voix se superpose au paysage : « Personne ne naît en haïssant une autre personne à cause de sa couleur de peau, ou de son passé ou de sa religion. Les gens doivent apprendre à haïr, et s’ils peuvent apprendre à haïr, on peut aussi leur enseigner à aimer. Car l’amour naît plus naturellement dans le cœur de l’homme que son contraire. »
Tout est dit. On retrouve un dernière fois l'ancien prisonnier devenu président. Il s'avance vers la foule qui l'attend. Madiba arbore le grand sourire d'un homme heureux. Son visage disparaît petit à petit. La musique s’amplifie tandis que le générique de fin défile.
Chapeau bas Madiba. Chapeau bas Justin Chadwick. Chapeau bas Idris Elba.
Il serait maintenant temps que les hommes apprennent à aimer.
Pascal Marchand
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