THEATRE DU PUZZLE

THEATRE DU PUZZLE

Des murs et des chiens (de garde) / Pascal Marchand

Des murs et des chiens (de garde)

 
 
 
 
En quelques errances passagères entre campagne fragile,
villages désertés et cités aux yeux caméra-mateurs,
 
 
J'ai senti souvent des murs et des barrières, des clôtures,
 
 
Des panneaux à tête de chien sur les entrées,
comme ceux des geôliers de camp d'une époque effroyable 
 
 
"Attention je veille au grain"
derrière un regard qui en dit long
sur l'accueil au-delà de cette frontière privée.
 
 
Parfois, brutalement, retentit un aboiement de bête
autant surprise que celui qui passe,
 
 
Comme s'il était surprenant de passer là,
dans cette rue faite pour passer comme un passant.
 
 
Et derrière la grande palissade,
derrière le portail verrouillé,
un monde clos comme le monde.
 
 
Comme le monde qui a érigé ses murailles cache-misère,
 
 
Ses grandes haies de pierre ou de béton pour cacher le paysage,
 
 
Pour disséquer le paysage,
pour le morceler,
pour le dissoudre dans des titres de propriété.
 
 
A chacun son bout de pays,
sa parcelle de monde, son infime lot de nature,
son minuscule espace à respirer,
 
 
Je pense alors, dans mes déambulations aléatoires,
à ce territoire qui n'avait rien demandé.
 
 
 
 
Partout où se construit un mur de pierre,
se bâtit une autre paroi invisible entre deux humains.
 
 
Partout où l'on ferme l'espace des yeux,
où l'on bouche le passage,
c'est une porte qui claque au nez des passants,
 
 
Et chaque petit mur justifie les plus grands,
les vrais et les invisibles,
 
 
Tous ceux qui donnent de la haine à manger aux peuples,
et un parfum nauséabond,
 
 
Alors je me mets à rêver
pour ne pas me sentir crever de ce monde
qui joue avec les solitudes
 
 
Et je laisse mes mains se tendre
vers d'autres mains tendues.
 
 
C'est souvent là,
dans ces creux et ces bosses enluminés,
que jaillit l'inattendu,
 
 
L'autre mot, l'autre courbe,
la couleur, l'ombre et la lumière,
le regard et le vent...
 
 
 
J'aime ce silence empli d'une infinie présence,
 
abri apaisé des pensées furtives, des temples éteints,
 
Je n'aime pas le silence d'un mot vrai qui n'a pas été dit 
 
Quand ces mots absents muent en maux blessants
 
A l'approche du froid et de la nuit.
 
 
 
Je n'aime pas les murs et les chiens de garde
 
 
J'aime l'horizon lointain et les échos qu'il renvoie,
en esperanto, en braille ou en yoruba
 
 
La nuit offre alors son empire
peuplé de mille et une étoiles
qui n'appartiennent à personne...
 
 
 
 


30/05/2009
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 58 autres membres