Izis photographe du rêve / Reporters Sans Frontières
Reporters Sans Frontières a eu l'heureuse idée de publier dans son dernier album "100 photos pour la liberté de la presse" les photographies de Izis, grand photographe de l'après-guerre, injustement ignoré contrairement à ses illustres collègues qu'étaient Henri Cartier-Bresson, Robert Doisneau ou Willy Ronis.
Henri Cartier-Bresson / Jean-Paul Sartre sur le Pont des Arts, Paris 1946
Izis est considéré comme l'un des plus grands photographes humanistes et a été sélectionné avec les trois pré-cités et Brassaï dans le quintet des "Five French Photographers" qui ont exposé au célèbre MoMa de New-York (Museum of Moderne Art) en 1951.
Entre cette date et 1977, il a publié une dizaine d'ouvrages de photographies considérés comme des modèles du genre. Ses oeuvres sont présentes dans de nombreuses collections publiques et privées.
On peut dire de lui qu'il est un poète de l'image, un portraitiste et un reporter. Il est pourtant resté mal connu du grand public. A ce sujet, son ami Willy Ronis évoquait une "mise au purgatoire injuste".
Plutôt que le réalisme dont la photo témoigne, Izis préférait recomposer le monde en le poétisant. Lui, qui se rêvait peintre et qui a très tôt fréquenté les lieux d'art, a inscrit l'esthétique dans sa démarche de travail. Derrière le témoignage premier de l'image, souvent se retrouve un regard attendri, une vision décalée teintée de pensées que chacun peut s'approprier. L'humanité est au centre de ses photos même quand les clichés ne montrent pas de personnages. Ils les suggèrent.
Izis, Jardin des Tuileries, Paris, 1950
Son véritable nom est Izraël Biderman. Il est né à Marijampole dans la Russie Tsariste le 17 janvier 1911. Il changea de nom quand il arriva en Lituanie devenue indépendante en 1918 sous l'appellation de Izraëlis Bidermanas. Son pseudo Izis, il le choisit pendant la guerre.
Il décida à dix-neuf ans de quitter la pauvreté de son pays pour rejoindre la France et le "Paris de ses rêves", capitales des artistes, des peintres, des impressionnistes.
Après plusieurs années de grande misère, il devint gérant d'une boutique de photographie dans le XIIIème arrondissement.
Avec la seconde guerre mondiale et la chasse aux juifs, il doit quitter la capitale. Il rejoint alors le Limousin avec sa famille. Quand Limoges sera libérée en août 1944, il s'engagera dans les FFI (Forces Françaises de l'Intérieur). Ces jeunes résistants sortant de la clandestinité le fascineront. Il en dressera des portraits photographiques d'une grande modernité pour l'époque. Ce sera l'oeuvre fondatrice qui signera la naissance de l'artiste Izis.
Izis, Île du vert Galant et au fond le Pont des Arts, Paris, 1972
A son retour à Paris, il va rencontrer tout ce que la capitale compte d'artistes en tous genres : écrivains, peintres...
Ses talents de portraitistes vont très vite intéresser des revues comme Paris-Match, magazine avec lequel il va collaborer dés le premier numéro en 1949. Durant les vingt années qui vont suivre il abordera des sujets parmi les plus improbables.
A chaque fois qu'il aura du temps après son travail, il flânera dans Paris pour y poser son regard de poète. Ses images des quais de Seine, des quartiers populaires ou des fêtes foraines laissent la sensation d'être hors du temps qui passe. C'est vrai qu'à les regarder aujourd'hui, ils ne donnent l'impression d'être démodés, d'avoir perdu de leur présent. C'est un Paris mythique qu'il nous propose.
Reportage et art de la photographie ont été les bases de son travail avec une réflexion sur la dialogue entre les mots et les images, privilégiant le temps faible et le contrechamp à l'évènementiel et au sensationnel. Il recherchait la cohérence entre le sujet, l'émotion et la forme.
Les dix livres qu'il a publiés montre de lui un artiste doué et attachant dont l'oeuvre cache la douleur de l'exil, la culpabilité aussi d'avoir échappé aux massacres antisémites contrairement à sa famille. Il chercha le repos dans le rêve d'une Ville-Lumière qui devint sa terre d'asile. "Inconsolable mais gai" disait Jean Anouilh.
Il est mort le 16 mai 1980 dans sa maison de la rue Henri pape à Paris.
En 2010, l'Hotel de Ville de Paris lui rendait hommage avec une rétrospective "Izis, Paris des rêves", exposition qui fiut présentée aussi à Berlin. Puis en 2011 à Ambazac, commune où il s'était réfugié pendant la guerre créait un "Espace Izis" permanent en souvenir de cet artiste peu reconnu.
(d'après Armelle Canitrot, critique et responsable du service photo au journal "La Croix")
Izis, Petit Pont, Paris vers 1960
L'album "Reporters Sans Frontières / Izis / 100 photos pour la liberté de la presse" est disponible en librairie et chez les marchands de journaux, ainsi que sur commande à Reporters sans Frontières.
Ambazac / Hommage à Izis
Izis : ses photos d'un Paris des rêves... par mairiedeparis
Présentation de Izis par Armelle Canitrot et Manuel Bidermanas, le fils d'Izis
Lien vers les articles :
Philippe Nouvier / Entre Vues n°2
Photographie / Philippe Nouvier
A découvrir aussi
- Documentaire / "Espèces d'espèces" de Denis van Waerebeke
- Jazz Samba / The Girl from Ipanema / 1964
- Musique - Singall Gospel au Théâtre Mansart à Dijon - 10 avril 2013
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 58 autres membres