Livre / "Le Mahabharata" de Jean-Claude Carrière
Le Mahabharata
de Jean-Claude Carrière
Editions Belfond collection Pocket
1989 / 316 pages
A l'image du Râmâyana, c'est un des textes sacrés de l'Inde, écrit originellement en sanscrit et raconté ici par Jean-Claude Carrière en français pour les besoins de l'adaptation théâtrale de Peter Brook (9 heures de spectacles), présentée lors du Festival d'Avignon à la fin des années 80, puis devenu une série télévisée et un film.
Le Mahabharata est l'un des textes les plus vieux du monde. Il compte dans sa version complète plus de 12 000 pages, soit environ 15 fois la Bible. Ce poème épique et populaire est composé de 200 000 vers. Le Mahabharata est à l'origine même de la religion, de l'histoire et de la pensée indienne.
Dans cette version raccourcie, Jean-Claude Carrière l'a rendu accessible sans en perdre sa substantifique mëlle. Avec passion, nous suivons le récit de Vyasa, un vieil homme sale et mal vêtu, sortant des profondeurs de la forêt, dont l'histoire est liée à celles des Dieux et héros indiens. Ce récit est un long poème qui raconte les origines, les ancêtres et la guerre entre les Pandavas et les Kauravas. Un enfant que le vieil homme rencontre écoute cette histoire que le dieu à tête d'éléphant , Ganesha, écrit.
Vyasa, Ganesha et l'enfant dans la version filmée de Peter Brook
Ce trio se retrouve mêlé à l'intrigue du récit comme si les narrateurs pouvaient apparaître dans l'histoire qu'ils racontent, apostrophant les personnages mais sans pouvoir pour autant changer le cours des choses.
Si au départ, on peut se perdre un peu dans les noms des personnages nombreux dont il est question dans cette épopée divine (Vyasa, Ganesha le dieu à tête d'éléphant, Shiva, Krishna, Bhisma, Madri, Satyavati, Santanu, Salva, Amba, Pandu, Kunti la mère des Pandavas, Draupadi, Gandhari, Dhritarashtra, Dharma le dieu de la droiture, Yudishsthira, Arjuna, Bhima, Nakula, Sahadeva, les Pandavas, les cinq fils du roi Pandu, fils venus des dieux, Duryodhana l'aîné des cents frères, chef des Kauravas, Drona, et beaucoup d'autres), très vite on comprend ce conflit entre deux familles, deux clans farouchement opposés et dont l'issue ne peut être que fatale. On retrouve l'idée de destruction et de rédemption, l'idée du chaos qui n'est pas une fin en soi mais la possibilité d'un nouveau départ. Au travers des mots du Mahabharata, on peut autant percevoir en écho des textes de la Bible que des pensées d'Extrême-Orient, une sagesse née de la déroute.
Le livre qui se lit comme une légende extraordinaire, déroule son théâtre guerrier page après page, théâtre guerrier seulement dans l'apparence, car derrière les assauts, les drames, les vengeances, les luttes pour le pouvoir, c'est toute une sagesse de la vie qui se découvre en filigrane, avec des propos puissants dont notre époque contemporaine pourrait tout à fait s'enrichir tant le climat du XXIème siècle trouve des parallèles avec des parties de ce récit.
Au-delà du religieux, de l'idée du divin, on peut lire ce texte dans sa puissance évocatrice des relations humaines. La violence y est crue, les sentiments sont passionnés. Le Mahabharata parle des conflits qui déchirent les hommes, où les vainqueurs sont autant détruits que les vaincus, où le bien et le mal sont portés par tous les combattants.
Un texte à découvrir parce que c'est un des plus grands livres du monde et parce que Jean-Claude Carrière est un formidable conteur d'histoire...
Extraits
Page 20
Aucun homme ne peut être sûr qu'il achèvera la lecture de ce livre avant la destruction inévitable de la Terre.
Page 24
Une musique légère semblait animer la forêt. Une musique sans musiciens visibles.
Page 29
- Il devenait donc immortel ?
- S'il le désirait.
- C'est possible ? demanda l'enfant.
- C'était possible en ce temps-là.
Page 43
La science ne détruit pas le destin, c'est le destin qui détruit la science.
Page 45
Gandhari (...) Elle vint avec son escorte joyeuse, traversant tout le pays au milieu des fêtes, des chants, des jets de poudres de couleur.
Page 64
- Tais-toi, et ne parle pas de naissance. Une naissance est une source obscure. les hommes sont comme les fleuves, dont l'origine est souvent inconnue.
Page 72
Il est admis que la terre se comportait comme une personne vivante, avec ses espoirs et ses craintes, et que certains savaient se mettre à son écoute.
Page 73
On ne voit venir la destruction avec une arme brandie. Elle vient en faisant croire mauvais ce qui est bon, et bon ce qui est mauvais.
Page 74
Résiste à ce qui résiste en toi. Deviens toi-même.
Page 115
On dit que pour un homme plongé dans la méditation une année passe comme un jour.
Page 132
Partez. Profitez de l'exil pour voir et pour entendre, marchez, arrêtez-vous auprès des hommes sages, interrogez aussi les sauvages et les fous.
Page 133
- Il y a des gestes que la parole arrête, et d'autres que rien ne peur arrêter.
Page 187
- Une guerre sans vainqueur est-elle une guerre ? lui demanda Krishna. Quelle homme intelligent se lancerait dans une guerre en sachant que tous vont mourir ?
Page 205
L'homme qui va mourir va tous les arbres couverts d'or.
Page 288
- Aucun homme bon n'est tout à fait bon. Aucun homme mauvais n'est tout à fait mauvais. Je te salue, Duryodhana. je ne trouve dans ta souffrance aucun plaisir. Mais ta défaite est une joie.
Page 292
Les chacals et les vautours se disputaient la chair, et la terre elle-même dégageait une odeur de mort. La beauté des héros disparaissait dans la gueule des bêtes.
Page 293
Ce que tu désires, tu l'as. Ce que tu ne désires pas, tu l'as. Personne ne comprend pourquoi.
Bande-annonce du film de Peter Brook "Mahabarata"
Le début du film de Peter Brook
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