Livre / "Respire" de Marielle Macé
RESPIRE
Marielle Macé
Editions Verdier
115 pages – 2023
A partir du mot, de l’idée de respirer, Marielle Macé nous entraîne dans un fourmillement riche et questionnant sur ce que la respiration inspire en ces temps d’intoxications en tous genres (pollution de l’air de la terre, de l’eau, des relations humaines et de la vie au quotidien, de la perte de sens du fait de simplement vivre).
Entre poésie, philosophie, mots de l’ordinaire, nous sortons de l’idée basique d’inspiration et d’expiration comme deux éléments qui s’opposeraient. Bien au contraire, nous entrons dans un monde où tout prend sens, notre lien au monde dans une respiration qui dit notre place sur Terre, par le langage, par la nécessité de solidarité qui exprime l’interaction vitale reliant les êtres respirant.
Cette idée de respiration, Marielle Macé l’attelle donc au langage, mais aussi à l’organisation de la société, à notre lien à la nature, à nos relations entre individus. En en pointant les dérives, celles qui créent un monde où on étouffe, où on ne peut plus respirer, dans tous les sens du terme, elle montre des pistes à suivre pour sortir de cet engrenage mortifère.
Puissamment, elle nous engage à penser une autre manière de regarder ce que représentent la vie et sa respiration, à regarder tous les possibles que nous mettons de côté, soit par méconnaissance, soit par fatalisme. Riche de nombreuses références d’auteurs, on comprend que cette réflexion sur la respiration date de très longtemps, depuis l’antiquité même. Respirer n’est pas qu’un acte physiologique, c’est le sens même de notre existence. Sans respiration (au sens large), il n’y a pas de vie, pour personne, quelle que soit sa position sociale, son habitat sur la planète, sa couleur de peau, sa religion, sa culture. Respirer appartient à l’interdépendance qui nous rassemble tous dans le monde vivant des végétaux, des animaux et des humains, à égalité d’importance.
Ce petit opus d’une grosse centaine de pages apparaît comme une urgence. Beaucoup de choses ont déjà été dites sur les sociétés d’aujourd’hui qui détruisent la vie. Regarder cet ensemble sous l’œil de la respiration offre un autre regard qui donne de la clarté à ce qu’il se passe autour de nous, aussi avec notre complicité passive ou active, car, par nos modes d’existence, nous ne sommes pas étrangers à l’étouffement de nos vies. Nous y participons, souvent sans en avoir réellement conscience.
Ce live est un petit bijou éclairant qui fait du bien autant qu’il donne de l’espoir.
Extraits
Page 12
C'est le droit à une vie respirable, c'est-à-dire désirable, une vie qui vaut la peine, une vie à laquelle tenir.
Page 14
Peut-être d'ailleurs qu'on ne parle que pour respirer. Peut-être qu'on ne parle uniquement pour que ce soit respirable, en nous et autour de nous.
Page 18
Certains soulignent que le capitalisme "subit" d'ailleurs pas de crise climatique mais l'organise, la monnaye et en jouit.
Page 41
La santé comme "la vie dans le silence des organes".
Page 52
Tout tourne autour d'une sorte d'écologie du souffle. Une écologie du grand souffle collectif où chaque vie façonne et s'exhale dans et par d'autres vie.
Page 67
On respire moins l'air qu'on le respire avec lui.
Page 76
Consentir à respirer n'est pas seulement vouloir vivre, mais vouloir le monde, vouloir qu'il y ait du monde, et même celui-ci, tel, celui qu'il y a.
Page 97
La vie est nécessairement poreuse (...) la vie verse et boit (...) elle est toute en infiltrations, transpirations, évaporations, percolations, buées, mélanges, filtrages, désimperméabilisation, déprotection, fuites partout.
Page 101
Il est légitime et possible d'"espérer" d'une vie.
A découvrir aussi
- Une femme à Berlin : Journal 20 avril-22 juin 1945 / Anonyme
- Livre / "La ballade de Sean Hopper" de Martine Pouchain
- Livre / "Les élucubrations d'un homme soudain frappé par la grâce" d'Edouard Baer
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 58 autres membres