THEATRE DU PUZZLE

THEATRE DU PUZZLE

Looking for Nicolas Sarkozy / Arte

 

L'ancien président français Nicolas Sarkozy vu par les correspondants de médias étrangers en France.

 

Une vision très intéressante et très instructive du quinquennat 2007-2012 diffusé sur la chaîne  Arte dans les mercredis de l'histoire  pour une approche critique des évènements et des épisodes importants de notre histoire récente.

 

Looking for Nicolas Sarkozy

 

Pour ceux qui n'auraient pas le temps de visionner le reportage d'une durée d'une heure et 17 minutes, vous trouverez en dessous une transcription écrite du film.

 

Voici un autre lien vers la vidéo sur Nemesis TV

http://mega-streaming.info/video/1D6131KS22N7/LOOKING-FOR-NICOLAS-SARKOZY

 

Vu part les journaliste étrangers travaillant en France, le parcours de Nicolas Sarkozy, président de la république, est un peu comme un miroir dans lequel on peut voir en plus clair ce que l'on savait, avec une parole libre de toute compromission ou d'appartenance partisane. Et c'est troublant de cette vérité que l'on sait sans l'avoir complètement vue.

 

ça commence par un Nicolas Sarkozy en parade à cheval dans les marais de la Camargue  avec une foule de journalistes dans une carriole tirée par un tracteur comme des paparazzis devant une star de cinéma. Car, oui, le quinquennat de Sarkozy colle à l'image médiatique qu'il a voulu qu'il soit.

Mais derrière le film, il y a les réalités, en particulier dés 2007, à Dakar le 26 juillet, précisément ce fameux discours :

" (...) Le drame de l'Afrique, c'est que l'homme africain n'est pas entré dans l'histoire (...) Jamais l'homme ne s'élance vers l'avenir, jamais il ne lui vient à l'idée de sortir de la répétition pour s'inventer un destin. Le problème de l'Afrique (...), il est là."

Incroyable ! Non, ce ne sont pas les propos d'un colonisateur. Non, ce n'est pas l'interprétation d'une pensée ; ce sont les mots même de Nicolas Sarkozy à Dakar au micro devant la jeunesse africaine le 26 juillet 2007, les paroles d'un président de la république française, paroles que l'on peut retrouver dans le film de William Karel.

L'Afrique s'est trouvée outragée. "L'Afrique est considérée comme une nuisance et non comme une opportunité" dira une journaliste de Africa International.

 

 


Discours de Dakar de Nicolas Sarkozy, 26 juillet... par LePoint

 

Et d'autres journalistes internationaux d'ajouter que les paroles du président français correspondent à des choses dites comme des slogans ; ses initiatives sont prises dans le désordre sans aucune cohérence, sans continuité avec une pensée construite.

 

Ces journalistes anglais, américains, africains, belges, israëliens, espagnols, italiens, chinois, russes... de la presse écrite ou parlée, de la radio et de la télévision expliquent dans le film de William Karel comment ils ont vécu et vu le quinquennat Sarkozy. Ce qui suit  est une transcription fidèle des propos du film "Looking for Nicolas Sarkozy":

 

2007, c'est le début de la période Bling-Bling quand le président a foncé tout de suite dans une mauvaise direction. Il disait moraliser le capitalisme, mais dés le départ, ce fut le Fouquet's, le yacht de Bolloré, l'affichage avec le monde et les gens qui représentent l'argent, dont celui "mal acquis" et qui corrompt. Lui qui se disait le président du pouvoir d'achat est devenu aux yeux de la population celui qui fait des cadeaux aux riches  comme le bouclier fiscal par exemple. Il y a comme une  impression de tromperie amoureuse si tant est que les journalistes internationaux voient l'élection comme un acte d'amour envers un homme providentiel. Cette image de tromperie s'est révélée très tôt.

 

 

Et puis, dans ces premières années du quinquennat, il y eu ses histoires personnelles qui sont venues semer le trouble dans son image de président : la rupture avec Cécilia, en octobre 2007, la liaison avec Carla Bruni en novembre, le tout très fortement médiatisé, le people se mêlant à l'image du politique. Les journalistes interrogés parlent d'information-spectacle qui ressemble à du soap-opéra, à une version française de Dallas, loin du discours électoral du candidat Sarkozy. La question qui arrive alors est :

"Mais qui est donc cet homme ? Qui est-il vraiment ?"

 

 L'image de l'homme est d'autant plus troublée qu'il s'engage sur des terrains très glissants comme lors de son discours au palais de Latran devant les autorités religieuses, son fameux :"L'instituteur ne remplacera pas le...(Nicolas Sarkozy regarde son auditoire, fier de lui)...pasteur". Un discours qui remet en cause le fondement laïc de la société française, qui vient semer le doute sur le lien entre religion et état. Pour les journalistes interviewés dans le film, il ne s'agit pas d'une conviction, mais d'un intérêt pour des groupements de voix qui travaillent derrière lui, autrement dit, un intérêt électoraliste. Ces propos ont suscité en France une grande crainte de la remise en cause de la laïcité. Comme souvent, le président s'est cru plus important que sa fonction. Comme pour le "Casse-toi pauv'con", ces initiatives ont plutôt amené à une désacralisation de la fonction de président de la République. Il voulait se présenter comme un homme du peuple, mais il ne l'est pas ; il n'est jamais sorti du sérail parisien et de Neuilly-sur-Seine, pas Neuilly-sur-Marne, le Neuilly de l'antithèse. Entre médiatisation, bling-bling, people et effets d'annonce, le choc est brutal.

Un journaliste italien se rappelle de l'enfant de Carla Bruni, monté sur les épaules de Nicolas Sarkozy, se cachant les yeux tandis que le nouveau couple fait du tourisme au soleil entouré d'une nuée de journalistes avec des flashs qui crépitent de toutes parts. L'image de l'enfant montre l'écart entre le réel et l'histoire médiatisée. Bouleversant.

 

 

Les journalistes notent que Nicolas Sarkozy fait de la politique comme du story-telling, une histoire qu'il s'invente et qu'il met en scène devant les caméras. Tout est bon pour qu'une caméra bien placée "raconte" ses faits d'armes, à l'image d'un monarque. Ce fut le cas lors de sa conférence de presse, devant le gouvernement et les photographes quand il annonça "Carla et moi c'est du sérieux" en parlant d'un prochain mariage à venir, sans encore en donner de date. Proprement hallucinant. En gros, les journalistes devenaient les temoins de mariage du président, dit l'un d'eux. Un autre évoque un comportement enfantin. Un troisième parle d'une superproduction avec une brochette d'acteurs , au premier rang desquels, bien sûr, Nicolas Sarkozy. Un essai de se créer l'image d'un Kennedy à la française.

 

Derrière la fausse idée de simplicité dans la communication, tout est verrouillé, codifié avec une main-mise directe ou indirecte sur la télévision : utilisation de ses amis propriétaires de chaînes, d'autres influents dans le monde des médias, nominations des directeurs de chaînes du public, intervention dans les nominations dans les rédactions, tout y passe.

Son crédo : chaque jour un titre, une image.

Il réagit à tous les faits divers avec des phrases du genre "Plus jamais ça" et en s'incarnant héros du monde moderne, sauveur du peuple, dans une compassion surjouée. Autant il courtise et fait courtisans les journalistes français, autant il se méfie de la presse étrangère plus libre d'exprimer ses opinions. Elle peut être source de piège comme ce fut le cas pour lui lors d'un entretien avec une journaliste du New York Times qui a évoqué publiquement aux USA des propos tenus en off avec lui. L'Elysée sous sarkozy a fait barrage aux interviews des correspondants étrangers. Le journal britannique "The Economist" qui est loin d'être révolutionnaire écrira "Le personnage de Sarkozy prend le pas sur l'homme politique".

 

Sarkozy, l'homme qui rétrécit / Une de "The Economist"

 

Parodie Sarko-Coco 

 

Le seul domaine dans lequel ces journalistes estiment que Nicolas Sarkozy a été à la hauteur, c'est dans la politique étrangère lors de médiations internationales, par exemple entre la Géorgie et la Russie, lors de sa présidence du G20 en 2008 et pour la crise grecque en 2011.

En fait Sarkozy a horreur du vide. Dés qu'il voit un espace, il s'y glisse. Ce fut le cas en ce qui concerne la gouvernance de la France. Il a assumé le rôle multiple de président, 1er ministre, ministre de la défense, des affaires étrangères etc... selon les situations.

Les ministres ne sont plus que des subalternes qu'il utilise, voire même méprise. Quand certains peuvent le desservir, il les "jette" (mot utilisé par un journaliste étranger).

Un des interviewés du film dit que Sarkozy possède des traits de caractère pas très convenables pour un chef d'état. Il décide seul et l'Elysée fonctionne comme une cour royale. Grande différence avec l'Ancien Régime, le roi est élu. Et les faveurs d'un roi sont très importantes.

Un journaliste fait la comparaison suivante :

La France est une république monarchique

Le Royaume-Uni est une monarchie parlemantaire.

Quel pays a la monarchie la plus absolue ? C'est la France.

 

Notre bien-aimé Souverain, par « Le Grec » version Sarkozy (Huile sur toile (montage Rue89))

 

Un journaliste britannique ajoute que notre république est dirigée par une classe d'élite, de privilégiés encore plus fort qu'il y a deux cents ans après la Révolution Française. Il existe une forme d'apparât qu'on ne voit pas ailleurs en Occident.

A la différence de la démocratie américaine, il n'existe pas de contre-pouvoir. La justice et le parlement dépendent du gouvernement. Une partie des médias est à sa botte.

 

 

Cette forme de monarchie déguisée est apparue en grande pompe lors de l'épisode dit du "Prince Jean", quand Nicolas Sarkozy, par proches interposés, a proposé la nomination de son fils Jean, à la tête de l'EPAD. Le jeune homme n'avait que 23 ans, n'avait pas fini ses études de droit et il se voyait attribuer, par la volonté du père-président-monarque, la direction d'un complexe financier énorme à la Défense à côté de Paris, entreprise très lucrative.

Les journalistes parlent d'une forme de népotisme : "Je suis le président, et j'ai le droit de faire ça". Mais ça ne passait plus dans la population française. Il a dû renoncer. C'était d'autant plus fort et impardonnable qu'il avait promis une république irréprochable. Cela a encore plus bousculé sa réputation parmi ceux qui avaient voté pour lui en 2007. Avec d'autres erreurs qu'il a commises, les journalistes en viennent à dire qu'il est plus doué pour les paroles que pour les actes. Il a géré la France au jour le jour, dans tous les sens, en variant en fonction des évènements du jour.

 

Nicolas et Jean Sarkozy

 

Une anecdote évoque bien le personnage : Angela Merkel a eu beaucoup de mal à comprendre Nicolas Sarkozy. Aussi, son mari lui a offert un film pour qu'elle saisisse facilement la façon de fonctionner du personnage. C'était un film avec... Louis de Funés. Surnom qui a été repris en Allemagne pour Nicolas Sarkozy. Certains disent même  qu'ils n'ont jamais rencontré d'homme politique aussi agité que le président français.

Dans ses excès de caractère, il se trouve aussi sa jalousie pour Barak Obama. Sarkozy venait d'être élu depuis peu quand ce fut le cas d'Obama. Dans le monde, ce n'était plus Super sarko, mais Super Obama. Sarkozy a besoin qu'on l'aime alors qu'Obama s'en moque.

Pour compenser ce sentiment d'infériorité, Sarkozy aime les effets d'annonce, même si sur le fond, ce n'est pas lui qui a pris les décisions, même si ce n'est pas vraiment lui qui a géré la situation. Mais c'est lui qui l'annonce. Cela a gêné bon nombre de chefs d'état.

 

30 juillet 2010 / Discours de Grenoble

 

Sarkozy joue avec la peur des gens. Les Roms deviennent les boucs-émissaires à grand renfort médiatique avec des caméras qui accompagnent les descentes de police. Ces images en rappellent d'autres à une autre époque. Les journalistes parlent d'un discours déplorable dont on voit à quoi il sert : raccoller les voix lepenistes. Ce qui était intolérable, inimaginable en France devenait possible. Un journaliste américain utilise même le mot "dégueulasse" (en français dans le texte). D'autres parlent d'une attitude pitoyable pour chercher les voix de l'extrême droite. Ceci est d'autant plus ignoble que les Roms sont des proies faciles. Un autre dit que c'est une "dégueulasserie". C'était politique, pas un problème d'immigration. Pour une journaliste belge, jouer avec l'électorat lepeniste est un jeu dangereux. Même à l'UMP, en off, certains disent la même chose qu'au front national. Il est évoqué un rapprochement dans les deux sens, une alliance pas totalement inimaginable pour la droite. C'est une perspective qui fait peur. La journaliste emploie même le mot de perspective "terrifiante".

 

évacuation d'un camp de roms

 

ça sent la curée. L'idée d'un échec aux présidentielles de 2012 avance avec plus de crédit. dans les rangs de la droite, le tabou se brise. Y a-t-il d'autres choix que Nicolas Sarkozy ?

Avec la perspective des élections législatives après la présidentielle, plusieurs députés s'inquiètent de l'impact de l'échec sarkoziste sur leur électorat: "Est-ce que quelqu'un d'autre ne ferait pas mieux ?"

 

Comme pour l'Impératrice Catherine de Russie, les tournées de Nicolas Sarkozy en province sont organisées comme à l'image d'un monde idéal. On évacue les détracteurs des zones de visite et c'est une foule sympathique et en liesse qui accueille le président. Une de ces images est troublante : Nicolas Sarkozy est salué par des hommes en bleu, sans doute des ouvriers, derrière un grillage. Ils essaient de passer la main par-dessus pour serrer celle du président. Mais le grillage est trop haut. Ils ne ressemblent plus qu'à des animaux en cage tandis que le président continue sans plus les regarder. Image-symbole très forte surtout pour un homme qui a construit son personnage sur l'image.

 

 

Quelque chose a cassé entre Sarkozy et l'électorat français, plus que ce qu'il a fait ou pas fait. Beaucoup de gens ne l'aiment pas tout simplement.

Lui, il pense au court terme, aux alliances, il est obsédé par les sondages. Il n'a pas de vraies convictions. Face aux premières révolutions arabes (Tunisie, Egypte), il n'oppose que l'image de ses anciennes amitiés avec les dictateurs Ben Ali et Moubarak, et la fausse bonne idée de Michèle Alliot-Marie d'envoyer des policiers français en Tunisie au titre de l'aide formative, à l'image de la "stupidité" (mot du journaliste) et la lenteur de la réaction des autorités françaises qui n'ont rien vu venir. Il y a eu une incapacité à sentir et à comprendre la force des printemps arabes.

 


ALLIOT-MARIE propose d'aider la Tunisie dans la... par SuperBeurkMan

Discours de Michèle Alliot-Marie à l'Assemblée Nationale proposant d'aider la dictateur tunisien Ben Ali.

 

Sarkozy a essayé de se rattraper avec la Lybie dans ce paradoxe qu'il avait reçu en grande pompe et par deux fois... le dictateur Kadhafi à l'Elysée.

 

Nicolas Sarkozy et le colonel Kadhafi à l'Elysée

 

Sarkozy et Kadhafi 

 

Sur le fin du quinquennat, une stratégie nouvelle s'affine. Finis, les apparitions quotidiennes, les titres réguliers dans les journaux. Des conseillers ont osé lui dire que pour gagner, il lui fallait changer d'image. Il était qu'il soit plus en retrait. Les journalistes évoquent l'entourage de Carla Bruni dans ce virage comportemental. En même temps, un certain nombre d'éditorialistes se demandent s'il ne s'agit une nouvelle fois d'une politique de communication pour montrer commele président a changé, à l'image de cette conférence de presse pendant laquelle Nicolas Sarkozy a énuméré les films qu'il avaient vus, les livres qu'il avait lu, une façon (selon certains) d'étaler une pseudo-culture. Mais personne ne semble dupe que l'homme est le même.

Même la naissance de sa fille a servi pour signifier médiatiquement qu'il était devenu un homme apaisé, plus humain, plus proche des français, plus responsable. Un "bébé électoral" (expression d'un des journalistes. Il surjoue son rôle de président. Sarkozy paie le dégoût de la classe politique et de la crise financière. la déception est là. Il a trop promis. Il est rejeté.

 

Les journalistes sont unanimes pour dire que, comme candidat, comme bateleur de foire, il est excellent. Il a l'acharnement de réussir. "Il n'est pas bon au pouvoir, mais il sait le conquérir."

Parmi eux, plusieurs pensent que "perdre les élections serait extrêmement traumatisant [pour lui] sur le plan personnel, plus que politique", "Ces 5 ans de Sarkozy auront été une catastrophe. La parole politique a été totalement décrédibilisée".

Un des interviewés déclare même :"Peut-être que Sarkozy sera le destructeur de la Vème république"

 

Cette analyse provenant de journalistes, correspondants étrangers en France, a le mérite de regarder le quinquennat avec un certain recul. Ce sont des hommes et des femmes de toutes tendances politiques, représentant des journaux d'informations générales, d'économie, la télévision et la radio, en provenance de plusieurs continents (Europe, Amérique, Asie).

Cet ensemble hétéroclite au départ  en arrive à un portrait cohérent de Nicolas Sarkozy. Comme souvent, on en apprend plus par des yeux extérieurs que par ceux qui vivent de l'intérieur et au quotidien, sachant que les informations en France passent au crible du secret de l'état (exemples : les affaires toujours bloquées en justice : Bettencourt, Karachi et tant d'autres...) 

 

 


Portrait d'un inconnu, Nicolas Sarkozy (Looking... par dilbert_est_class

 

 

 Autre reportage de la RTBF sur une visite de Nicolas Sarkozy

dans une usine de Flers en Normandie

 

Reportage de la télévision suisse romande sur les rapports entre Nicolas Sarkozy et les médias

 

 

 


25/12/2011
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