Récits d'humanisme / Michel Serres
RECITS
D'HUMANISME
de Michel Serres
Editions Le Pommier / 2006
244 pages
Michel Serres, philosophe, professeur d'histoire des sciences, chroniqueur à France-Info pour "Le Sens de l'Info" avec le journaliste Michel Polacco (rubrique diffusée le dimanche) propose un voyage philosophique sur la quête de l'identité. Qui suis-je ? Qui sommes-nous ? Que faisons-nous ensemble et individuellement dans notre périple terrestre.
Il nous entraîne dans le Grand Récit de l'histoire des hommes et dans nos petits récits personnels, comme les fractals, à l'image de la grande histoire de l'humanité.
Le professeur de Stanford et membre de l'Académie Française nous replace dans notre lien à notre environnement, non comme un décor mais dans l'unité de la vie en général où l'homme ne peut se définir sans les choses qui l'environne, sans ce que la nature lui a fourni comme support à sa vie.
Ainsi, nous arpentons les grandes questions au regard des réalités et des mythes fondateurs des peuples, au regard du grand voyage des humains, de leur berceau en Afrique Australe jusque dans les parties les plus lointaines qu'ils ont investi par leur présence et leur descendance dont nous faisons partie.
Nous comprenons alors notre lien avec la géographie qui nous environne, avec le passé qui a forgé ce que nous sommes, avec les récits légendaires qui disent par des histoires individuelles et collectives ce qui meut les groupes d'individus à travers les monde. Il est question du hasard et de la nécessité, de la culture et de la spiritualité, de tout qui parle de notre réussite ou notre échec à devenir humain.
Michel Serres
La Bible côtoie les dieux aztèques. Les récits de l'Antiquité croisent les mythes modernes et les muses. Et nous, dans tout ce chambardement perpétuel, nous avançons dans des sociétés réelles qui trouvent des reflets dans ces grands récits.
Michel Serres raconte l'homme dans ses identités multiples, forcément multiples, comme un refus des idées exclusives qui enferment dans des identités fausses et réductrices. Le "petit" humain en devient "grand" parce qu'il est placé dans son humilité et son besoin d'être à la fois lui-même et compagnon de ses congénères.
Dans les sources de notre vie, nous retrouvons un sens à ce que nous sommes aujourd'hui. l'humanité a changé, c'est évident. Cependant ce qui nous pousse en avant puise son énergie dans les mêmes forces que les premiers peuples de la Terre ont utilisé pour leur marche de conquête.
Philosophie et sociologie se mêlent à toutes les sciences humaines donnant à l'ensemble une cohérence et une limpidité à l'image du livre d'Albert Einstein "L'évolution des idées en physique" qui parlait de sciences avec le sens d'une histoire qu'on raconte.
C'est un essai riche et savant, puissant et lumineux qui pose autant de questions qu'il ouvre de pistes de réflexion.
Extraits
Page 30
Chaque langage dit une partition de la musique humaine
Page 36
L'humanisme n'eut jamais lieu parce que l'homme universel n'existait pas.
Page 45
Le récit accompagne l'angoisse et l'efface parfois.
Pages 51-52
Avant de me comprendre, avant de savoir, je m'entends.
Pages 52-53
Le temps se nomme à partir de la coupure.
Page 60
Le "JE" surgit de l'autobiographie. Nous avons besoin d'un récit pour exister.
Page 69
Le langage, avant de servir à la communication, nous construit comme sujet.
Page 81
J'écris comme la lumière, cristal ou ruisseau ; je me raconte comme le monde.
Parce 86
Le temps coule rarement de manière linéaire ; le plus souvent, il percole.
Page 90
Pas de mémoire sans outre-tombe.
Page 94
Qui sommes-nous ? Des participants à notre appartenance.
Page 108
Ouvrons moins les yeux que les oreilles. Vous désirez voir ? Que ne cherchez-vous à ouïr.
Page 115
La vibration du bruit défie l'infini.
Page 124
Notre besoin de pouvoir se mesure à la peur que nous fait notre bruit.
Page 139
Pas de récit sans son pays, pas de Grand Récit sans univers.
Page 146
Ma langue a fait ma chair et ma chair a fait des livres de ma langue.
Page 152
Nous avons transformé les sujets en objets.
Page 169
Le sujet du récit se répète presqu'autant que le format.
Page 182
Jacques Monod disait :"Le hasard se mêle à la nécessité"
Page 193
Du mime découlent nos désirs (...) Nous désirons le même, le désir nous fait mêmes, le même fait le désir.
Page 201
Tout récit exige un décrochement de la répétition.
Page 207
Toutes les sciences racontent.
Page 224
Je ne dis pas que la culture ignorera le meurtre, mais au moins tuer lui posera question.
Page 227
L'innocence suppose l'ignorance (...) le savoir devient la condition humaine.
Page 242
Nous sortons des fétiches. Les fétiches sortent de nous.
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