Serial Killer licite
Est Serial Killer qui ne croit pas l’être…
Etrange sensation l’autre soir en regardant une série policière américaine. A priori, rien d’extraordinaire, un épisode bien ficelé avec un tueur qui tente de manipuler un policier pour lui faire porter le chapeau de ses crimes répétitifs. Le méchant est un vrai méchant, sans cœur et sans pitié. Le policier manipulé, un chouette type à qui on donnerait le bon dieu sans confession. Impossible pour ses amis de croire qu’il ait pu faire une chose pareille malgré les preuves qui s’accumulent contre lui. Bref, un classique des séries policières.
Pourtant, un point a retenu mon attention. Vers la fin de l’épisode, le serial killer s’introduit dans la prison où est incarcéré le policier en attendant d'être jugé. Il lui explique qu’en attirant l’attention sur un faux coupable, cela lui permet de pouvoir continuer de tuer, de détruire sans états d’âme et sans pression. Juste pour le plaisir de tuer.
Le téléviseur éteint, cette phrase me fait gamberger un bon moment. Cela éveille quelque chose en moi. Je pense à d’autres serial killers auxquels on ne pense jamais ou rarement, peut-être parce qu’ils n’apparaissent pas comme des serial killers tels qu’on les imagine, peut-être parce qu’ils se cachent derrière des costumes cravates et des discours bien léchés qui font prendre des vessies pour des lanternes, qui pointent du doigt de pauvres bougres comme bouc-émissaires des soucis qu’ils ont créés. Et le monde bien manipulé les croit dur comme fer. Peut-être parce que la mort qu’ils inspirent ne ressemblent pas à ces meurtres rituels de série télévisée, qu’ils n’en ont pas l’horreur brutale quand on la découvre.
Il y a pourtant quelque chose du serial killer en eux comme il y a quelque chose de Tennessee en Johnny Hallyday. Ils amassent de sommes colossales d’argent comme les tueurs massacrent leurs victimes. Ils n’ont plus besoin d’argent. Ils en ont déjà un pactole gigantesque. Cela obéit plutôt à une sorte de pulsion comme les serial killers, le crime appelle le crime, l'argent appelle l'argent, une force incontrôlée qui fait de chaque nouveau billet, de chaque nouvelle transaction financière un nouveau but à atteindre, juste pour le plaisir et le besoin de puissance, le besoin de maintenir sa puissance, absolument pas pour le besoin matériel alors que ce n’est que du matériel.
Charles Manson disait :"Je suis Jésus. Quoi que vous pensiez, je n'en ai rien à faire."
De la même manière, le haut dirigeant, le financier disent :"Je suis le maître du monde. Quoi que vous pensiez, je n'en ai rien à faire."
Depuis longtemps on sait que cette course invétérée au profit conduit la planète à sa perte, l’environnement à sa destruction, les peuples à la misère, le monde à la guerre. Pourtant rien ne peut empêcher cette classe dirigeante de poursuivre ce vil dessein alors même qu’il en va de l’équilibre du monde.
On vilipende l’arracheur de chemise, l’employé qui défend son salaire, le chômeur découragé qui ne cherche plus de travail, le petit fraudeur ou le travailleur au noir, celui qui refuse la flexibilité qui le précarise, bref tout ce petit monde qui ne sait plus quoi faire pour s’en sortir, qui pète parfois les plombs ou qui profite des petites failles du système. Pendant ce temps-là, le serial killer de la finance continue son œuvre destructrice avec une jouissance toujours plus forte pour des bénéfices toujours plus grands. Un argent complètement inutile au vu des fortunes qu’ils possèdent déjà.
Mais c’est un serial killer licite. Il est à la société ce que le corrupteur argenté est au justiciable sans le sou, ce que l’ancien émigré devenu riche et oubliant son histoire est au petit syrien sur une plage d’Italie. Il se sert de la loi pour mieux la contourner, pour la détourner à son profit, pour en faire un moyen de sa puissance et de sa domination.
On le sait serial killer qui assassine à coups de billets de banque et de chômage, à coups de fausse honorabilité, de faux cris indignés et d’espoirs vains. Cette mort-là est moins visible mais elle est bien là.
A ces serial killers sans nom apparent, la société de l’argent leur donne le pouvoir d’être trop souvent blanchi des drames qu’ils trament en douce en focalisant les regards sur les futilités du monde, sur la fausse lègereté du monde médiatique, sur des combats sportifs de millionnaires dans des stades aux entrées souvent trop chères.
Peut-être serait-il temps de les prendre pour ce qu’ils sont vraiment, d’ouvrir enfin les yeux. Ce n’est pas parce qu’au bout de la vie, il y a la mort annoncée qu’il faut pour autant accepter qu’elle soit trop précoce.
Pascal Marchand
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