«Titanic» la croisière bling-bling / Fabrice Drouzy / Libé Voyage
"TITANIC" La Croisière Bling-Bling
En date du 12 avril 2012, à cette occasion, le site Libération.fr propose un article intéressant sur le voyage du Titanic. Texte de Fabrice Drouzy (Photos : DR), avec à la fin de l'article deux vidéos sur le drame du paquebot.
Cherbourg, 10 avril 1912, la majorité des passagers embarque sur le navire ultra-moderne. Cap sur New York. Le 14 au soir, la mer est d’huile, le capitaine ignore les alertes et discute du dîner. L’insubmersible file, lui, sans ralentir…
On crie, on siffle, on s’interpelle. Le géant des mers s’ancre dans un glissement de ferraille perpendiculairement à la passe Ouest. Vingt et un coups de canons couvrent les vivats, tandis qu’un détachement d’artilleurs rend les honneurs de part et d’autre des forts voisins. Un peu à l’écart de la mêlée, avec cet air de nonchalance ennuyée qu’ils aiment prendre en toutes circonstances, 151 passagers de première classe et 28 de seconde montent dans le Nomadic, un petit transbordeur. Les troisième classe – essentiellement Syriens et Libanais – se pressent, eux, dans un second bateau où l’on a chargé le courrier et quelques fromages frais. Le Titanic peut accueillir plus de 3 500 personnes, mais pour cette première traversée, ils ne sont que 1 316 passagers – dont les 281 qui embarquent de Cherbourg – et 885 membres d’équipage. Soit les deux tiers de la capacité totale. On ne se bousculera pas dans les coursives pendant le voyage, et le bateau illuminé dans la nuit qui tombe n’en paraît que plus immense.
Car la White Star Line et les autres compagnies transatlantiques ont définitivement basculé dans le gigantisme. De 1897 à 1904, les Allemands ont mené la course avec le Kaiser Wilhelm der Grosse, le Deutschland I, le Kronprinz Wilhelm ou le Kaiser Wilhelm II. L’Hexagone n’est pas en reste avec le France. Les Britanniques, eux, ont contre-attaqué avec le Lusitania et le Mauretania de la Cunard Line. Maintenant, c’est au tour de l’Olympic et son jumeau le Titanic, fraîchement sortis des chantiers navals d’Harland & Wolff, à Belfast, en Irlande du Nord. Ce dernier explose tous les records. Il mesure 269 mètres de long (l’équivalent de trois Airbus A 380), 28 de large et plus de 52 mètres de haut. Vingt-neuf chaudières consomment de 700 à 800 tonnes de charbon par jour. Un bateau qu’on dit «insubmersible», grâce à ses seize compartiments étanches. Et la compagnie ne dément pas. C’est d’ailleurs pour cela que l’on n’augmente pas le nombre des canots de sauvetage. Sur le Titanic, il y en a dix-neuf, comme le prévoit la législation, pouvant accueillir un peu plus de mille personnes. Un tiers des passagers. Mais dans le pire des cas, un navire de cette classe doit pouvoir flotter pendant au moins dix heures. Largement le temps d’être secouru par un autre bateau.
En 1907, alors qu’il venait d’être désigné aux commandes de l’Adriatic, autre fleuron de la White Star, le capitaine Edward John Smith, actuel commandant du Titanic, déclarait d’ailleurs : «De toute ma carrière, je n’ai jamais connu d’accident d’aucune sorte qui vaille la peine d’être mentionné […]. Je ne peux pas imaginer qu’un désastre quelconque se produise avec mon navire : la construction navale moderne a dépassé ce stade.» Alors, tant pis pour les inquiets et les envieux qui répètent que tout cela va mal finir, qu’on ne peut pas impunément défier les éléments. Depuis le début du siècle, on compte à peine une soixantaine de morts sur l’océan. Un demi-million de migrants traversent l’Atlantique chaque année. Où est le problème ? Non, décidément, Joseph Bruce Ismay peut être fier du travail accompli. Il va avoir 50 ans, le Titanic sera le couronnement de sa carrière. Et alors que le lourd bateau quitte lentement la rade de Cherbourg, l’armateur ne boude pas les félicitations de ses prestigieux hôtes qui l’entourent au pied du grand escalier menant aux restaurants.
Car la White Star Line et les autres compagnies transatlantiques ont définitivement basculé dans le gigantisme. De 1897 à 1904, les Allemands ont mené la course avec le Kaiser Wilhelm der Grosse, le Deutschland I, le Kronprinz Wilhelm ou le Kaiser Wilhelm II. L’Hexagone n’est pas en reste avec le France. Les Britanniques, eux, ont contre-attaqué avec le Lusitania et le Mauretania de la Cunard Line. Maintenant, c’est au tour de l’Olympic et son jumeau le Titanic, fraîchement sortis des chantiers navals d’Harland & Wolff, à Belfast, en Irlande du Nord. Ce dernier explose tous les records. Il mesure 269 mètres de long (l’équivalent de trois Airbus A 380), 28 de large et plus de 52 mètres de haut. Vingt-neuf chaudières consomment de 700 à 800 tonnes de charbon par jour. Un bateau qu’on dit «insubmersible», grâce à ses seize compartiments étanches. Et la compagnie ne dément pas. C’est d’ailleurs pour cela que l’on n’augmente pas le nombre des canots de sauvetage. Sur le Titanic, il y en a dix-neuf, comme le prévoit la législation, pouvant accueillir un peu plus de mille personnes. Un tiers des passagers. Mais dans le pire des cas, un navire de cette classe doit pouvoir flotter pendant au moins dix heures. Largement le temps d’être secouru par un autre bateau.
En 1907, alors qu’il venait d’être désigné aux commandes de l’Adriatic, autre fleuron de la White Star, le capitaine Edward John Smith, actuel commandant du Titanic, déclarait d’ailleurs : «De toute ma carrière, je n’ai jamais connu d’accident d’aucune sorte qui vaille la peine d’être mentionné […]. Je ne peux pas imaginer qu’un désastre quelconque se produise avec mon navire : la construction navale moderne a dépassé ce stade.» Alors, tant pis pour les inquiets et les envieux qui répètent que tout cela va mal finir, qu’on ne peut pas impunément défier les éléments. Depuis le début du siècle, on compte à peine une soixantaine de morts sur l’océan. Un demi-million de migrants traversent l’Atlantique chaque année. Où est le problème ? Non, décidément, Joseph Bruce Ismay peut être fier du travail accompli. Il va avoir 50 ans, le Titanic sera le couronnement de sa carrière. Et alors que le lourd bateau quitte lentement la rade de Cherbourg, l’armateur ne boude pas les félicitations de ses prestigieux hôtes qui l’entourent au pied du grand escalier menant aux restaurants.
Parmi eux la crème de la crème. L’élite WASP (White Anglo-Saxon Protestant) des Etats-Unis et quelques lords d’Angleterre. Il y a là des magnats des chemins de fer ou des mines, des artistes et des hommes politiques, quelques milliardaires comme John Jacob Astor IV ou Benjamin Guggenheim, accompagnés de leur femme ou de leur maîtresse. Tout le gotha de New York semble s’être donné rendez-vous pour ce voyage hors norme.
Nous sommes en 1912, mais l’Europe vit encore au rythme du XIXe siècle. La société de classes issue de l’Ancien Régime est une évidence qui ne sera remise en cause que quelques années plus tard, dans les tranchées de la Grande Guerre. En attendant, avoir une particule, afficher sa richesse donnent des droits qui semblent naturels. La Russie des tsars semble éternelle, l’empire victorien domine de sa morgue la moitié des terres émergées, les Etats-Unis découvrent le capitalisme sans limites, le colonialisme et ses bienfaits sont des valeurs universellement partagées…
Le bateau est à leur image. Un symbole parfait de la société. Chacun doit rester à sa place. Dirigeants, ouvriers, domestiques. L’appartenance à une catégorie sociale se note par mille détails : l’accent, les manières, la tenue qui, à cette époque, est essentielle – on se change jusqu’à quatre ou cinq fois par jour pour se promener, faire du sport, dîner ou assister à un spectacle. Les séjours sont codifiés pour chaque saison : l’hiver sur la French Riviera, à Biarritz, en Grèce ou en Egypte. Une répartition des lieux que l’on retrouve jusqu’à la caricature à bord du Titanic avec sa verrière, ses ponts supérieurs et ses suites réservées à l’élite. Les secondes classes bourgeoises sont, elles, servies sans esbroufe dans des espaces cosy. Les passagers les plus pauvres se contentent d’un minimum spartiate (les prestations sont cependant très correctes et n’ont plus rien à voir avec les bateaux du siècle précédant où les migrants s’entassaient dans des dortoirs puants). Tous ensemble mais séparés. On ne se mélange pas et des grilles cadenassées séparent les différentes coursives.
Vendredi 12 avril. Le paquebot file sur l’Atlantique.
Nous sommes en 1912, mais l’Europe vit encore au rythme du XIXe siècle. La société de classes issue de l’Ancien Régime est une évidence qui ne sera remise en cause que quelques années plus tard, dans les tranchées de la Grande Guerre. En attendant, avoir une particule, afficher sa richesse donnent des droits qui semblent naturels. La Russie des tsars semble éternelle, l’empire victorien domine de sa morgue la moitié des terres émergées, les Etats-Unis découvrent le capitalisme sans limites, le colonialisme et ses bienfaits sont des valeurs universellement partagées…
Le bateau est à leur image. Un symbole parfait de la société. Chacun doit rester à sa place. Dirigeants, ouvriers, domestiques. L’appartenance à une catégorie sociale se note par mille détails : l’accent, les manières, la tenue qui, à cette époque, est essentielle – on se change jusqu’à quatre ou cinq fois par jour pour se promener, faire du sport, dîner ou assister à un spectacle. Les séjours sont codifiés pour chaque saison : l’hiver sur la French Riviera, à Biarritz, en Grèce ou en Egypte. Une répartition des lieux que l’on retrouve jusqu’à la caricature à bord du Titanic avec sa verrière, ses ponts supérieurs et ses suites réservées à l’élite. Les secondes classes bourgeoises sont, elles, servies sans esbroufe dans des espaces cosy. Les passagers les plus pauvres se contentent d’un minimum spartiate (les prestations sont cependant très correctes et n’ont plus rien à voir avec les bateaux du siècle précédant où les migrants s’entassaient dans des dortoirs puants). Tous ensemble mais séparés. On ne se mélange pas et des grilles cadenassées séparent les différentes coursives.
Vendredi 12 avril. Le paquebot file sur l’Atlantique.
On fait connaissance, on discute on s’émerveille des prouesses du navire qui, dans moins de cinq jours, aura atteint les Etats-Unis. Un exploit quand on pense qu’il en fallait vingt-six un siècle plus tôt. Et, depuis une décennie, on bat presque chaque année de nouveaux records. L’océan, comme toute chose, doit s’incliner devant la volonté humaine. L’époque est à la compétition, aux paris et aux bookmakers, servis par une technologie qui n’en finit pas d’émerveiller l’Europe au sommet de sa puissance. Le télégraphe, la photographie, le chemin de fer ont réduit les distances et le temps. La première transmission radio au-delà des mers a à peine 10 ans. Le 12 décembre 1901, Guglielmo Marconi a réussi à envoyer de la station de Poldhu en Cornouaille trois coups saccadés correspondant à trois signaux de code morse reçus à Terre-Neuve, à 3500 kilomètres de là. La rotondité de la Terre n’est donc pas un obstacle insurmontable aux communications longue distance. On ne parle pas encore de mondialisation mais, désormais, toutes les grandes choses, guerres comprises, peuvent se concevoir à échelle des continents.
Pour l’heure, les passagers profitent de leur croisière. Accompagné de son valet et de son secrétaire, John Ismay occupe la plus belle suite, traditionnellement réservée au président de la compagnie lors de la première traversée. On ne reviendra pas ici sur le luxe, mille fois décrit du paquebot. «D’ailleurs c’était très laid, s’amuse Clémence Farrell, scénographe de l’exposition «Titanic, retour à Cherbourg» à la Cité de la mer. Il y avait un côté bling-bling qu’heureusement on ne retrouvera pas sur les bateaux qui viendront ensuite.» Et de fait, la juxtaposition de bains turcs orientaux, de styles Louis XIV pour les salons, Louis XV pour les cabines, et Louis XVI pour le restaurant, ainsi qu’une piscine moderne, laissent rêveur…
Côté gastronomie, il faudrait également un livre pour rendre hommage aux mets et vins servis durant la traversée. On se contentera de feuilleter le menu du dîner de première classe et ses onze services, proposé le dimanche 14 avril. «Premier service : hors-d’œuvre variés et huîtres. Deuxième service : consommé Olga et crème d’orge. Troisième service : saumon poché et sa sauce mousseline, concombres. Quatrième service : entrées avec filets mignons Lili, sauté de poulet à la lyonnaise, courgettes farcies. Cinquième service : gigot d’agneau et sa sauce à la menthe, Caneton rôti et sa sauce aux pommes, Aloyau de bœuf rôti…»
Mais les plaisirs de la table ne sont pas l’essentiel. Dès le départ, Ismay s’est entretenu avec le chef mécanicien au sujet d’un éventuel essai de vitesse. Il en parle aussi au commandant Smith. Le dimanche 14, dans l’après-midi, un communiqué affiché dans le fumoir a provoqué une intense excitation. Le nombre de milles parcourus entre le samedi et le dimanche matin est de 546, soit vingt-sept de plus que la veille. La nouvelle devient le sujet de conversation de ces hommes vivant au rythme des Bourses. Et les paris se multiplient. Car la vitesse est un des musts de ces grands paquebots dont le nom est précédé par les initiales RMS – Royal Mail Ship – qui désignent les navires transportant le courrier de la poste britannique. Un honneur et des devoirs impliquant des normes de ponctualité. Une distinction spéciale récompensant les bateaux les plus rapides– le Ruban bleu – a d’ailleurs été créée au XIXe siècle par les compagnies de navigation transatlantiques. Une source de publicité et d’émulation entre la Cunard Line et la White Star Line qui l’ont emportée à maintes reprises.
A bord, on spécule sur l’heure d’arrivée. Peut-être dès le mardi 16 dans la soirée ? Ce serait extraordinaire ! Les plus riches se pressent dans la cabine du télégraphe pour avertir leurs proches, le commandant Smith lui-même est légèrement euphorique. Si le beau temps persiste, tout est possible. D’ailleurs, au cas où, il a donné l’ordre d’allumer des chaudières supplémentaires.
Concours canin
Côté gastronomie, il faudrait également un livre pour rendre hommage aux mets et vins servis durant la traversée. On se contentera de feuilleter le menu du dîner de première classe et ses onze services, proposé le dimanche 14 avril. «Premier service : hors-d’œuvre variés et huîtres. Deuxième service : consommé Olga et crème d’orge. Troisième service : saumon poché et sa sauce mousseline, concombres. Quatrième service : entrées avec filets mignons Lili, sauté de poulet à la lyonnaise, courgettes farcies. Cinquième service : gigot d’agneau et sa sauce à la menthe, Caneton rôti et sa sauce aux pommes, Aloyau de bœuf rôti…»
Mais les plaisirs de la table ne sont pas l’essentiel. Dès le départ, Ismay s’est entretenu avec le chef mécanicien au sujet d’un éventuel essai de vitesse. Il en parle aussi au commandant Smith. Le dimanche 14, dans l’après-midi, un communiqué affiché dans le fumoir a provoqué une intense excitation. Le nombre de milles parcourus entre le samedi et le dimanche matin est de 546, soit vingt-sept de plus que la veille. La nouvelle devient le sujet de conversation de ces hommes vivant au rythme des Bourses. Et les paris se multiplient. Car la vitesse est un des musts de ces grands paquebots dont le nom est précédé par les initiales RMS – Royal Mail Ship – qui désignent les navires transportant le courrier de la poste britannique. Un honneur et des devoirs impliquant des normes de ponctualité. Une distinction spéciale récompensant les bateaux les plus rapides– le Ruban bleu – a d’ailleurs été créée au XIXe siècle par les compagnies de navigation transatlantiques. Une source de publicité et d’émulation entre la Cunard Line et la White Star Line qui l’ont emportée à maintes reprises.
A bord, on spécule sur l’heure d’arrivée. Peut-être dès le mardi 16 dans la soirée ? Ce serait extraordinaire ! Les plus riches se pressent dans la cabine du télégraphe pour avertir leurs proches, le commandant Smith lui-même est légèrement euphorique. Si le beau temps persiste, tout est possible. D’ailleurs, au cas où, il a donné l’ordre d’allumer des chaudières supplémentaires.
Concours canin
Dans la salle radio, le travail s’accumule pour les deux télégraphistes. La faute à cette fichue panne de transmetteur qui leur a fait perdre de précieuses heures. Il s’agit de rattraper le retard. Jack Phillips et Harold Bride ont expédié plus de 250 messages personnels depuis le début de la traversée. Il faut dire que les deux hommes ne sont pas payés par la White Star, mais par la société Marconi, chargée de l’installation télégraphique du paquebot, et qui en tire de substantiels bénéfices.
C’est si moderne d’envoyer un télégraphe du beau milieu de l’océan pour dire où l’on se trouve ou pour régler quelque affaire financière urgente. Officiellement, la sécurité du navire est prioritaire mais dans les faits… Alors, tous ces messages alarmants, lancés par les bateaux croisant dans la zone et signalant des glaces dérivantes, s’amoncellent sur le bureau et ne montent pas toujours à la passerelle. Joseph Ismay lui-même en a gardé un dans sa poche, après une discussion avec le commandant Smith. Les deux hommes s’entretenaient une fois encore de l’allure du bateau. Quant à ce dernier, il a annulé la réunion quotidienne de son état-major. Ce dimanche, le temps est beau, le navire sans défaut, et puis il faut s’accorder sur le menu du soir, cela prend du temps. Demain, on organisera un concours canin sur le pont supérieur. Un événement mondain dont on se réjouit déjà.
La nuit et le thermomètre commencent à tomber, le froid s’abat sur le navire. Dans les cabines, on se change pour le dîner. Tous les bateaux qui naviguent dans le secteur – le Caronia, le Baltic, l’Amerika, le Mesaba… – signalent de fortes banquises et nombre d’icebergs. Un énième message parvient, transmis cette fois par code optique, du cargo Rappahannock qui se trouve à quelques milles du Titanic. Il vient de traverser une zone dangereuse, un véritable champ de glace et, malgré sa vigilance, il s’en est sorti avec un gouvernail abîmé. Une fois encore, le Titanic accuse réception.
Peu avant 23 heures, le Californian revient à la charge. Il avertit qu’après avoir repéré de gros icebergs, il a stoppé ses machines afin de ne pas avoir à naviguer dans l’obscurité. Excedé, l’opérateur – qui a désormais une bonne liaison avec Terre-Neuve et des dizaines de messages de passagers à expédier – l’envoie balader : «Dégagez ! Taisez-vous ! Je suis en liaison avec la station de Cape Race.» Vexé, le télégraphiste du Californian éteint sa liaison et part se coucher. Le Titanic maintient son allure. Le commandant Smith a lui aussi rejoint son lit. Minuit approche. Joseph Bruce Ismay est dans sa cabine. Tout est calme. Le navire avance sans bruit sous le ciel étoilé. Pas un souffle de vent ne vient rider l’eau noire. Demain sera encore un beau jour pour la White Star et le Titanic...
Epilogue
C’est si moderne d’envoyer un télégraphe du beau milieu de l’océan pour dire où l’on se trouve ou pour régler quelque affaire financière urgente. Officiellement, la sécurité du navire est prioritaire mais dans les faits… Alors, tous ces messages alarmants, lancés par les bateaux croisant dans la zone et signalant des glaces dérivantes, s’amoncellent sur le bureau et ne montent pas toujours à la passerelle. Joseph Ismay lui-même en a gardé un dans sa poche, après une discussion avec le commandant Smith. Les deux hommes s’entretenaient une fois encore de l’allure du bateau. Quant à ce dernier, il a annulé la réunion quotidienne de son état-major. Ce dimanche, le temps est beau, le navire sans défaut, et puis il faut s’accorder sur le menu du soir, cela prend du temps. Demain, on organisera un concours canin sur le pont supérieur. Un événement mondain dont on se réjouit déjà.
La nuit et le thermomètre commencent à tomber, le froid s’abat sur le navire. Dans les cabines, on se change pour le dîner. Tous les bateaux qui naviguent dans le secteur – le Caronia, le Baltic, l’Amerika, le Mesaba… – signalent de fortes banquises et nombre d’icebergs. Un énième message parvient, transmis cette fois par code optique, du cargo Rappahannock qui se trouve à quelques milles du Titanic. Il vient de traverser une zone dangereuse, un véritable champ de glace et, malgré sa vigilance, il s’en est sorti avec un gouvernail abîmé. Une fois encore, le Titanic accuse réception.
Peu avant 23 heures, le Californian revient à la charge. Il avertit qu’après avoir repéré de gros icebergs, il a stoppé ses machines afin de ne pas avoir à naviguer dans l’obscurité. Excedé, l’opérateur – qui a désormais une bonne liaison avec Terre-Neuve et des dizaines de messages de passagers à expédier – l’envoie balader : «Dégagez ! Taisez-vous ! Je suis en liaison avec la station de Cape Race.» Vexé, le télégraphiste du Californian éteint sa liaison et part se coucher. Le Titanic maintient son allure. Le commandant Smith a lui aussi rejoint son lit. Minuit approche. Joseph Bruce Ismay est dans sa cabine. Tout est calme. Le navire avance sans bruit sous le ciel étoilé. Pas un souffle de vent ne vient rider l’eau noire. Demain sera encore un beau jour pour la White Star et le Titanic...
Epilogue
Le choc avec l’iceberg eut lieu à 23 h 40. L’insubmersible Titanic coulera en moins de trois heures. 2 201 personnes étaient à son bord, 1 490 personnes ont perdu la vie. Il y eut 711 rescapés. Les deux tiers des premières classes ont survécu (quasiment toutes les femmes et les enfants), près de la moitié des secondes classes (là encore presque toutes les femmes et les enfants), un quart de l’équipage, un quart des troisièmes classes. Ces derniers ont tout simplement été «oubliés». Aucune évacuation n’a été organisée pour eux. La plupart ne parlant pas anglais, ils n’ont réalisé que trop tard que le bateau coulait. Seul point pour sauver l’honneur dans ce bilan caricaturalement inégalitaire : les hommes de première classe ont globalement agi en «gentlemen» (deux sur trois ont péri).
Après avoir participé du mieux qu’il pouvait à l’évacuation des passagers, Joseph Bruce Ismay monta dans un des derniers canots. Endossant à jamais le rôle du lâche et du salaud aux yeux de l’opinion publique, tandis que l’inconséquent et désinvolte capitaine Smith fut sanctifié par sa mort «héroïque». Joseph Bruce Ismay démissionnera de la White Star un an après le naufrage et mourra en 1937 à l’âge de 74 ans.
Proue du Titanic au fond de l'océan
La véritable histoire du Titanic / France 2
A l'intérieur du Titanic au fond de l'océan
La tragédie du Titanic / Texte et Montage Photos
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