Cinéma / "Anatomie d'une chute" un film magnifique de Justine Triet
« Anatomie d’une chute »
Un film de Justine Triet - 2023
Avec
Sandra Hüller, Milo Machado Graner, Swann Arlaud,
Samuel Theis, Antoine Reinartz, Jenny Beth,
Sophie Fillières, Arthur Harari, Anne Rotger…
Scénario de Justine Triet et Arthur Harari
Palme d’Or au Festival de Cannes 2023
Autant le dire tout de go, « Anatomie d’une chute » est un film magnifique et puissant qui ne peut pas laisser indifférent. Les deux heures cinquante de cette œuvre cinématographique se déploient sans aucune résistance tant le spectateur est happé dans cette histoire dés les premières séquences. Crime ou suicide ? Telle est la question soulevée très vite par la mort de Samuel Maleski, tombé du balcon d’un chalet près de Grenoble. Car il s’agit bien d’une mort étrange autant par les indices découverts par la police que par la situation du couple et de leur enfant malvoyant suite à un accident. La femme de Samuel, Sandra, la seule personne dans le chalet au moment de la chute, se retrouve au centre d’une accusation et d’une enquête méticuleuse qui s’empare de tous les détails de leur vie, qui en décortique chaque fragment sans aucune pudeur, pour les besoins de la justice qui doit impérativement décider s’il y a culpabilité ou non, s’il y a condamnation ou non.
Le spectateur se retrouve plongé dans la même situation que celle des jurés, pénétrant dans l’intimité d’une famille, de son passé, de ses difficultés et de ses questions. Il s’agit bien d’une fiction. Pourtant, avec la caméra qui suit pas à pas les comédiens, qui fixe intensément les regards dans les petits bruits du quotidien, il émane une sensation de gêne comme dans un documentaire dont nous serions les voyeurs face à une approche presque chirurgicale d'un évènement. Les dialogues sont justes, forts, sans fioritures, ni trop, ni pas assez, une sensation d’improvisation portée par la puissance des sentiments dans une situation réelle. Les regards silencieux nous font plonger dans l’âme des personnages, dans leurs douleurs ou leurs interrogations sans réponse évidente.
Peu à peu, l’histoire distille, sans cesse, des éléments nouveaux qui font que notre propre opinion trouve difficilement de quoi satisfaire le besoin de compréhension et de vérité, si ce n’est celle des personnages et leurs souvenirs parfois incertains. Au final, peu importe ce que la justice décide, l’essentiel se trouve dans ce déroulement d’un fait divers qui broie les âmes, qui réveille le besoin de résilience. L’homme et la femme, l’avocat, l’avocat général, les personnels de la police et de la justice, même le chien Snoop, on entre dans l’esprit de chacun d’eux à la recherche d’une vérité qui, pour beaucoup, ne trouvera sans doute jamais de certitude. Ce serait tellement plus simple de pouvoir dire : oui, ça s’est passé comme ça, pour cette raison, dans ces circonstances précises. Point. Sans doute, toutes nos vies sont ainsi faites. Il n’y a jamais rien de simple.
Scotché à son fauteuil, le spectateur, yeux grands ouverts, cherche aussi à comprendre, à se faire une idée. Chacun se fera la sienne. La justice, elle, prendra sa décision parce qu’elle doit en prendre une. La parenthèse doit se refermer pour que la vie puisse reprendre son cours, se reconstruire, chacun comme il pourra.
Image de tournage
Ce film est puissant parce qu’il nous rappelle notre propre complexité. Les choses ne sont pas blanches ou noires mais dans une infinité de gris plus ou moins clairs ou plus ou moins foncés, selon les gens, selon le moment, selon l’endroit où on se trouve. Oui, ce film, en évoquant ses trois personnages principaux, parle aussi de nous. C’est pour cela qu’il se dégage au final une impression d’inachevé nécessaire et bienvenu, parce que, même quand la parenthèse se referme, il reste en soi un flot d’images, de pensées, de questions. On peut difficilement se faire un avis ou une opinion sans, au préalable, porter un regard profond sur sa propre existence.
« Anatomie d’une chute » est porté par des comédiennes et comédiens dont le jeu est sans aucune fausse note tout comme le récit narratif de cette histoire. Pas de longueur, pas de sur jeu, une sorte de dialogues comme on pourrait en avoir soi-même au sujet de choses graves, de questions qui nous taraudent, de souvenirs dont on n’est plus sûrs, de choses qu’on a du mal à avouer, à s’avouer. Une mention spéciale pour Milo Machado Graner qui interprète le fils du couple avec brio, dans la simplicité d’un jeune garçon qui cherche à trouver du sens à ce qui lui arrive, à ce qui arrive à ses parents.
Pour ceux qui ne l’ont pas encore vu, profitez encore des salles où il est programmé. C’est un film à ne pas rater.
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