L'Art en miroir / Sonia Chaine
L'Art en Miroir
de Sonia Chaine
Editions Milan
En introduction du livre, sont cités ces propos de Pontus Hulten, directeur du Centre Georges Pompidou entre 1973 et 1981 :
"Les musées sont pour moi des lieux où les oeuvres du passé devenues mythiques dorment, vivent d'une vie historique, en attendant que les artistes les rappellent à une existence réelle."
Ce livre superbe participe à ce travail des artistes : redonner une existence neuve à des oeuvres très célèbres en leur rendant par les variations qu'ils leur offrent, une place dans l'histoire vivante de l'art.
Ces variations autour d'une oeuvre se jouent des déformations et des provocations, de la désacralisation et de la modernité des styles. Elles permettent de regarder ces tableaux qui font partie de la mémoire collective de l'humanité, avec un oeil neuf, et paradoxalement, en les transformant de façon parfois outrancière, avec un profond respect et une grande reconnaissance.
Ainsi la Victoire de Samothrace, revue en bleu par Yves Klein devient un ange sans tête pour lequel la peinture s'unit à la sculpture.
"L'Enlèvement des Sabines" de Nicolas Poussin, classique et baroque, peint aux alentours de 1637, devient chez Picasso un oeuvre éponyme en 1962 où l'éclat des couleurs est pâli par le blanc, où la violence est beaucoup plus forte, avec des corps déformés. Ce tableau devient un message pour montrer que la violence s'est aggravée au cours des siècles. Ainsi deux tableaux éloignés de plus de 300 ans parlent ensemble de la barbarie des hommes.
"L'Angélus" de Jean-François Millet s'attarde, vers 1857-1859, sur l'interruption du travail des champs et du temps répétitif par la prière. Puissance de la simplicité paysanne, cette toile deviendra très vite une des favorites du public.
Salvador Dali en sera hanté, à force de la voir affichée dans son école, phénomène amplifié par la mort à 22 mois de son frère aîné dont il porte le prénom. Le grand peintre espagnol verra dans le tableau de Millet le recueillement devant une tombe. En 1935, il peindra "Réminiscence archéologique de l'Angélus de Millet". Le champ de 1857 devient en 1935 une terre désertique. Et le désir devient fossile.
Tout le livre de Sonia Chaine met ainsi en parallèle des oeuvres originales et leurs variantes "modernisées". Peintures et sculptures de tous les siècles.
On y retrouve "Les Tricheurs " de le Caravage en 1595 et la version dite des "'Tricheurs à l'as de carreau" de Georges de La tour en 1635.
"La Joconde" (1503-1506) de Léonard de Vinci bien sûr et les versions de Marcel Duchamp en 1919, de Fernand Léger en 1930, de Andy Warhol en 1963...
Egalement "Le Balcon" (1810) de Francisco de Goya, "Le déjeuner sur l'herbe" (1863) de Edouard Manet, et beaucoup d'autres...
Au final un livre passionnant où l'art se regarde au creux de son histoire, de ses époques, de ses styles, en lien avec l'histoire des hommes...
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