Putain... 129 millions d'euros... / Pascal Marchand
« Cent vingt-neuf millions d'euros. Il n'y a qu'Euromillions pour vous faire gagner autant de millions »…
Voilà ! Il est onze heures du matin. Je prépare le déjeuner pour mes enfants. Comme à l'habitude, j'allume la radio, compagne de cuisine et guide vers le monde lointain. France-Info.
Souvent les drames et la mort omniprésente, pour de vrai ou de peu. La peur. Le désespoir. Aussi ces bribes de vie que l'art fait jaillir ici et là. Puis les petites histoires de femmes et d'hommes qui transforment une parcelle de temps en un morceau de mémoire. Des trucs fabuleux et simples, comme la vie.
Et puis il y a la pub, nécessaire productrice d'argent pour financer les programmes, les voyages des reporters, les techniciens de l'ombre dans les studios. Nécessaire dans cette organisation du monde qu'on dit être la seule possible.
Etrange conception de ceux qui s'octroient le droit de décider de tout au nom de la démocratie issue des urnes, en monopolisant par le pouvoir de l'argent les plus gros moyens d'informations et qui vont déclarer sans honte que même la pensée ne doit pas être unique alors qu'ils édifient la leur en dogme unilatéral.
Oui, la fameuse publicité devenue d'une banalité tellement admise qu'on ne s'interroge même plus sur son sens. Et c'est là que j'entends, entre un bilan après un mois en Haïti avec sa misère amplifiée par le tremblement de terre, et des employés d'une usine quelque part qui viennent d'apprendre que leur lieu de travail va être fermé (des types en colère pour des promesses non tenues, même pire des tromperies sur la marchandise), entre ces deux infos, une pub :
« cent vingt-neuf millions d'euros dans la cagnotte… »
pour un ou quelques privilégiés qui auront récupéré l'argent de millions d'humains-pigeons (je demande aux vrais pigeons de bien vouloir m'excuser car je n'ai rien contre ces oiseaux qui font le bonheur des vieilles dames avec leurs miettes de pain), une masse monétaire taxée qui rapportera à l'état des sommes considérables dont on a du mal en tant que citoyen à voir comment elle revient dans les circuits du progrès social.
Qu'aurait-on pu faire en Haïti pour les victimes du séisme, avec une telle somme ?
Combien d'emplois en France ?
Combien de personnes recrutées pour le service à la personne dans la santé, l'éducation, le social ?
Combien de logements décents ou rénovés ? Combien de subventions pour des associations culturelles et sportives ?
Combien pour la recherche sur les énergies renouvelables et la défense de l'environnement ?
Putain... 129 millions d'euros...
Non ! Cette somme sera versée juste à quelques gagnants "du premier rang" (Les 100 % qui ont tenté leur chance, mais qui ne représentent que quelques unités) pour réaliser des rêves matérialistes et de possession sans que cela ne change la face du monde. Bien au contraire, au lieu de faire réfléchir sur la place de l'argent dans notre société, cela endormira une grande partie de la population qui se mettra à jouer à son tour en croyant au grand soir. Une infime poignée de gagnants pour des millions de perdants. Et toujours les mêmes.
Ceux qui possédent déjà l'argent ne s'aventurent pas dans ces jeux " à qui perd, perd". Par la spéculation, l'actionnariat, l'activité boursière, par la connaissance des circuits financiers, l'investissement foncier ou sur des valeurs de relative sécurité, il y a beaucoup moins de risques, quoi qu'on en dise. Et qui plus est, des sommes bien plus importantes à gagner. Le capital appelle le capital...
Le loto et ses frères d'infortune apparaissent clairement comme des jeux de perdants, quoi qu'on en dise... La plupart des joueurs ont déboursé beaucoup plus qu'ils n'ont gagné, un peu comme pour les machines à sous. S'il s'avérait que les jeux de hasard étaient un moyen pour beacoup de gagner de l'argent, la Française des Jeux aurait depuis longtemps fermé ses portes et l'état serait dépourvue d'une bonne manne financière.
Les vrais gagnants dans tout ça ? Ceux qui dirigent ce monde en créant la division entre les plus pauvres pour maintenir par la poigne les rènes de leur règne, en faisant croire qu'avec l'argent comme valeur, les gens seront heureux.
Posséder... Acheter... Pourtant nous sommes simplement de passage sur une terre que des ancêtres ont occupé et que d'autres occuperont après nous...
« Cent vingt-neuf millions d'euros » et pas de quoi en être fier…
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