Appel à la Résistance Mars 2004 / Lucie et Raymond Aubrac
A l'heure où les services publics sont gravement menacés par les dérives libérales de la société, cet appel lancé le 15 mars 2004 par Lucie et Raymond Aubrac , résistants de 1939-1945, a encore beaucoup d'écho aujourd'hui.
Lucie et Raymond Aubrac
Résistance d'hier et Résistance d'aujourd'hui
Au moment où nous voyons remis en cause le socle des conquêtes sociales
de
forces combattantes de
générations à faire vivre et retransmettre l'héritage de
et ses idéaux toujours actuels de démocratie économique, sociale et
culturelle. Soixante ans plus tard, le nazisme est vaincu, grâce au
sacrifice de nos frères et sœurs de
contre la barbarie fasciste. Mais cette menace n'a pas totalement
disparu et notre colère contre l'injustice est toujours intacte.
Nous appelons, en conscience, à célébrer l'actualité de
non pas au profit de causes partisanes ou instrumentalisées par un
quelconque enjeu de pouvoir, mais pour proposer aux générations qui nous
succéderont d'accomplir trois gestes humanistes et profondément
politiques au sens vrai du terme, pour que la flamme de
s'éteigne jamais :
Nous appelons d'abord les éducateurs, les mouvements sociaux, les
collectivités publiques, les créateurs, les citoyens, les exploités, les
humiliés, à célébrer ensemble l'anniversaire du programme du Conseil
national de
mars 1944 : Sécurité sociale et retraites généralisées, contrôle des
"féodalités économiques", droit à la culture et à l'éducation pour tous,
une presse délivrée de l'argent et de la corruption, des lois sociales
ouvrières et agricoles, etc.. Comment peut-il manquer aujourd'hui de
l'argent pour maintenir et prolonger ces conquêtes sociales, alors que
la production de richesses a considérablement augmenté depuis la
Libération, période où l'Europe était ruinée ?
Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle
dictature internationale des marchés financiers qui menace la paix et la
démocratie.
Nous appelons ensuite les mouvements, partis, associations, institutions
et syndicats héritiers de
et à se consacrer en priorité aux causes politiques des injustices et
des conflits sociaux, et non plus seulement à leurs conséquences, à
définir ensemble un nouveau "Programme de Résistance" pour notre siècle,
sachant que le fascisme se nourrit toujours du racisme, de l'intolérance
et de la guerre, qui eux mêmes se nourrissent des injustices sociales.
Nous appelons enfin les enfants, les jeunes, les parents, les anciens et
les grands-parents, les éducateurs, les autorités publiques, à une
véritable insurrection pacifique contre les moyens de communications de
masse, qui ne proposent comme horizon pour notre jeunesse que la
consommation marchande, le mépris des plus faibles et de la culture,
l'amnésie généralisée et la compétition à outrance de tous contre tous.
Nous n'acceptons pas que les principaux médias soient désormais
contrôlés par des intérêts privés, contrairement au programme du Conseil
national de la résistance et aux ordonnances sur la presse de 1944.
Plus que jamais, à ceux et celles qui feront le siècle qui commence,
nous voulons dire avec notre affection : "Créer, c'est résister.
Résister c'est créer".
15 mars 2004
Signataires : Lucie et Raymond Aubrac, Henri Bartoli, Daniel Cordier,
Philippe Dechartre, Georges Guingouin, Stéphane Hessel, Maurice
Kriegel-Valrimont, Lise London, Georges Séguy, Germaine Tillion,
Jean-Pierre Vernant, Maurice Voutey.
Merci à la personne qui nous a envoyé cette contribution à la rubrique "Penser la Vie"
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