Livre / "Mon nom est Person - Enquêtes de Léo Tanguy" par Arnaud Le Gouëfflec
MON NOM EST PERSON
Les Enquêtes de Léo Tanguy
Par Arnaud Le Gouëfflec
Editions Coop Breizh – 2010
187 pages
A l’image à la fois des aventures de Nestor Burma, le célèbre enquêteur anarchiste de Léo Malet, et du Poulpe, dont les aventures ont été écrites à plusieurs mains, les éditions Coop Breizh, basées à Spézet (Speied en breton), ont eu l’heureuse idée de créer une série de polars socio-politico-financiers autour du personnage de Léo Tanguy, célèbre enquêteur internaute qui dénonce les scandales sur son blog.
Plusieurs auteurs qui connaissent parfaitement la Bretagne, ont été chargés d’écrire ces romans autour d’un homme d’une quarantaine d’années, quelque peu bedonnant mais toujours plein de charme, amateur invétéré de bière locale, surtout depuis que sa femme Soazig, hôtesse de l’air, a disparu dans un accident d’avion.
Quelque peu dépressif (surtout dans les périodes creuses qui le replongent dans les affres de la douleur), son activité politique sur Internet lui permet de s’investir dans la défense des causes sociales et humanistes, faisant de lui une célébrité de la toile, surtout en Bretagne.
Il circule dans un vieux combi Volskwagen hérité de ses parents à l’époque où ils parcouraient le monde jusqu’à Katmandu, en pleine période hippie.
Voilà planté le décor de ces chroniques bretonnes où morts, complots, histoires louches mettent à mal l’éthique et les droits humains au nom de l’argent et du pouvoir.
Dans « Mon nom est Person », un peu avant 2020, une tempête apocalyptique s’annonce sur Brest alors qu’un militant pour les sans-papiers a disparu et que ceux-ci sont entassés dans des tentes de fortune sur les quais du port sous la menace d’une expulsion par la préfecture et la police.
Où est passé Jean Person ? Les menaces multiples dont celle de la tempête bousculent et échauffent les esprits. Léo Tanguy, directement et par blog interposé, deviendra un homme-clé de cette enquête, au risque même de sa vie.
Arnaud Le Gouëfflec nous embarque dans cette histoire de disparition avec verve, malice et talent, donnant du rythme à ce compte à rebours inquiétant autant concernant la tempête que les mystères d’hommes et de femmes qui ne se dévoileront qu’au moment où les éléments se déchaîneront sur Brest. Le parallèle est évident entre la violence de cette nature maritime sauvage en colère et des personnages troubles dont les sans-papiers en sont les victimes presqu’à leur insu. Un bon moment de lecture et une découverte de la cité brestoise par mots interposés. On s’y croirait. Les amoureux de Brest apprécieront sûrement.
A découvrir également dans cette série, « Irish Confit – Les enquêtes de Léo Tanguy » par Jean-Noël Levavasseur, un polar politique sur le retour en Bretagne d’un ancien militant de l’IRA, devenu musicien pour une tournée dans les petites salles et troquets de la région. Après des années de prison, il s’était installé aux Etats-Unis. Cet ami de Léo Tanguy revient donc en Europe et sa tournée est l’occasion d’une chronique quotidienne sur le blog de l’enquêteur internaute. Mais le passé ressurgit en même temps. Les évènements irlandais ne sont toujours pas oubliés. Les menaces et la mort rôdent autour de cette tournée.
Intéressant au niveau de la trame du récit qui oscille entre présent et flash-back de plus en plus précis sur les évènements irlandais de 1991, Irish Confit manque cependant de surprise et on imagine assez facilement la chute avec un brin d'invraisemblable. Dommage, car ce sujet et son traitement littéraire sont tout à fait passionnants.
Extraits de "Mon nom est Person"
Page 8
Devant lui, la plage est blanche. la plage, c'est la lune. Un immense tapis blafard, sur lequel on discerne des empreintes que le vent éraflera et effacera...
Page 16
Léo longe la voie rapide (...) Il entame sa descente sur Brest. la ville a de la superbe, avec tous ses pourpoints clignotants et ses parures électriques, étalée au fond de sa rade obscure. C'est mystérieux comme tableau. Une ville comme ça, quand c'est pris de loin, la nuit, avec ses myriades de lampadaires en perspective, ça se met à vivre tout seul. Un gros monstre pailleté couché dans son panier, de l'autre côté de ses deux ponts parallèles.
Page 30
- Les gamins n'ont pas fait leur rentrée. Ils vont plus à l'école. Tout le monde s'en fout. Les parents sont au chômage. Plus le droit de travailler. Quand on existe pas, on travaille pas. C'est ça la logique préfectorale. Personne ici n'a commis de délit? Mais c'est le dogme, M. Tanguy.
Pages 43-44
Moi, je crois que les gens, dans leur immense majorité, ils rêvent que d'une seule chose, c'est de rester chez eux. C'est universel. Moi, j'ai jamais voulu quitter Brest, et j'ai eu la chance de pouvoir y faire ma vie.
Page 83
Il était plein de colère contre l'injustice. S'il a jamais pu se résoudre à vendre cette maison, c'est qu'il a toujours espéré, secrètement, que le gosse reviendrait habiter ici. Il m'a dit : " Tu laisseras la porte ouverte." Alors c'est surtout pour ça que je suis là. je garde la porte ouverte.
Page 101
Il redécouvre les joies de se perdre. Il y a tellement de gens qui s'échinent à rester sur les rails. A fonctionner, à minuter. A croire que plus ils se mécanisent, plus ça les soulage. A Léo aussi, c'est arrivé de vouloir turbiner comme une mécanique bien réglée, surtout au début, quand il lançait son site et qu'il voulait que ça tourne. Mais depuis la disparition de Soazig, il a déraillé.
Page 148
Il met les voiles. Le vent le prend en charge. Il se laisse pousser dans les rues comme un ballot. Il souffle à décaper les crépis. Le ciel est en chantier. Au loin, la rade est blanche.
Brest - Pont de Recouvrance
Lien vers un autre article sur ce thème :
Livre - "L'immobilier flambe, le SDF brûle - Les enquêtes de Léo Tanguy" de Sylvie Rouch
Arnaud Le Gouëfflec
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