THEATRE DU PUZZLE

LES ENQUÊTES DE LEO TANGUY

L'IMMOBILIER FLAMBE,

LE SDF BRÛLE

de Sylvie Rouch

Editions Coop Breizh

2008 - 166 pages

Léo-Alistair Tanguy est breton. C'est un journaliste indépendant, qui anime un blog célèbre sur la Toile. Il dénonce les scandales politico-financiers sur sa région. Autant admiré par la population des internautes qui trouvent sur son site les informations qu'on ne trouve pas ailleurs, il est redouté par les tenants du pouvoir politique, économique et financier.

C'est dans ce contexte que se situent les romans de cette série d'anticipation (autour des années 2020) comme une manière de dénoncer les dérives du temps présent, ce début de XXIème siècle. 

Dans "Mon est Person" de Arnaud Le Gouëfflec, l'intrigue se passait à Brest, notamment sur la rade quelques jours avant une méga tempête. Dans "Irish Confit" de Jean-Noël Lavavasseur, nous nous baladions dans la Bretagne intérieure au gré des concerts mouvementés d'un musicien irlandais, ancien militant de l'IRA, poursuivi par d'anciens membres de la police britannique. 

Lien direct  : Livre - "Mon nom est Person - Enquêtes de Léo Tanguy"

Dans "L'immobilier flambe, le SDF brûle" de Sylvie Rouch, nous nous trouvons en Pays Malouin vers les rives de la Rance, territoire convoité par les riches propriétaires et dont le littoral est défendu par quelques militants bretons. ça sent une histoire de gros sous, d'abus de pouvoir autour d'une grosse propriété occupée par les membres d'une association de défense du littoral et qui vient de brûler opportunément. Dans l'incendie, on retrouve un mort, un SDF pour lequel on ignore les raisons de sa présence sur ces lieux. A la suite de cela, Yann Jolivet, le porte-parole du FLLB (Front de Libération du Littoral Breton) est accusé d'avoir mis le feu. Il semble être la proie idéale pour porter le chapeau de ce drame.

Derrière ce fait divers, se cache une affaire bien plus complexe qui va révéler quelques secrets bien gardés sur les transferts de propriété sur la côte bretonne. Evidemment, notre journaliste-blogueur-enquêteur ne restera pas insensible à cette histoire dans laquelle il s'investira sans compter.

Avec une écriture directe et imagée, Sylvie Rouch nous fait pénétrer en territoire malouin. Comme dans d'autres opus de la série, on se sent bien en Bretagne. On imagine déjà les embruns, le mer, la lande, les bateaux qui rentrent au port, les petites routes qui descendent vers le rivage.

L'enquête de Léo Tanguy devient passionnante parce qu'elle est enracinée dans un territoire dont le nom des lieux s'accroche à la mémoire (Plouguer, Dinard, Dinan,  Cancale, Saint-Briac, Saint-Jouan-les-Guérets...). On entre dans les métairies, les longères, les malouinières.

L'identité régionale est très forte. Pourtant cette histoire pourrait être universelle tant les magouilles et les escroqueries ne sont pas l'apanache d'un coin de Bretagne. C'est aussi pour cela que ce récit peut interpeller n'importe quel lecteur.

Pour les addicts de Léo Tanguy, sachez que la série compte une dizaine de titres. 

Extraits 

Page 5

Les idées noires sont à l'esprit éveillé ce que les taupes sont au gazon anglais : un fléau. D'obstinées foreuses de galeries obscures où la raison s'épuise en considérations stériles et s'anémie avant de revenir à l'air libre, crevarde, pantelante, échevelée, inapte à faire la part des choses. Les idées noires, c'est bien simple : il ne faut jamais les laisser germer.

Page 8

(...) Et de deux, ton temps est compté puisqu'en moins de vingt-quatre heures, tu vas devoir expédier les affaires courantes, en l'occurrence ouvrir la tonne de vœux qui ont dû dans la nuit s'agglutiner à ta boîte mail comme des mouches à un tortillon. 

Page 11

Il n'est pas araignée. pas plus qu'il n'est poète. Il est juste un peu las. De la vie qui l'envoie sur des pentes savonneuses sans que rien ne le retienne jamais. De l'amour qui n'est pas un bouquet de violettes. Et des années perdues. Y'a des matins comme ça. 

Page 35

Naviguer sur la Rance serait donc aussi périlleux à la belle saison que faire du Vélib' à Paris aux heures de pointe ? 

Page 37

En tous cas, ça va être énorme et ça en aura déplacé du monde. A commencer par les journalistes et les curieux. C'est fou ce qu'un fait divers, ça vous attire comme asticots sur le fromage.

Page 60

Et la paix du matin est au célibataire ce que la douceur du foyer est à l'homme marié.

Page 106

Des piles de bédés et quelques livres sont à disposition sur la tablette qui court tout au long, Une version poche, cornée, du "Pour en finir une bonne fois pour toutes avec la culture" de Woody Allen s'appuie sur "La marque des bannis" de Thorgal. Dans un bistrot de campagne entouré de champs de choux, ça surprend. ça change de l'écran plat et ça fait du bien.

Page 113

- Prenez le sentier du littoral entre Cancale et Saint-Briac et comptez le nombre de propriétés de bord de mer que vous serez amené à contourner, parce que leurs terrains ont été clôturés de manière à ce que personne ne puisse plus accéder au littoral, sauf par l'estran et à marée basse. Pareil sur la Rance. Le plus souvent, ce sont des maisons de famille, ouvertes un mois par an. les gens qui ont hérité de ces villas sont des privilégiés qui, depuis leur plus tendre enfance, ont toujours considéré les rochers ou la plage en bas de chez eux comme les leurs. Ce qui était vrai au début du siècle dernier ne l'est plus aujourd'hui, mais ils refusent d'obtempérer.

Page 115

Quand on est sur le fil du rasoir, il y a toujours un copain de copain pour vous prédire une catastrophe, vous demander ce qu'est devenue votre petite amie, vous déclarer, de but en blanc, que vous devriez vous mettre au régime ou consulter un cardiologue. Bref, vous sabrer le moral. 

Sylvie Rouch