THEATRE DU PUZZLE

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Quand Singall fait briller les yeux des aînés

Quand Singall fait briller les yeux des aînés…

 

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En préambule de la semaine bleue, Elefanf’U et Singall Gospel étaient les invités de l’Auditorium à Dijon. Un spectacle pour les personnes âgées dans le cadre d’une semaine culturelle destinée à leur intention. Comme dit le slogan, il s’agit d’une solidarité qui se vit 365 jours et qui se dit avec plus de ferveur pendant sept jours.

 

Cet après-midi musical du dimanche 20 octobre a commencé à 14h30 après presque une heure d’installation tranquille au rythme lent de ceux qui prennent le temps de vivre, le temps ralenti des corps qui commencent à peser du poids des ans.

 

C’est Elefanf’U qui donne le « la» du spectacle. Un voyage vers les bords du Mississipi, vers La Nouvelle-Orléans, les fanfares et les Big Bands de jazz. 22 musiciens font revivre les compositions de Sydney Bechet, Duke Ellington, Count Basie, Tiny Parham et quelques autres au son des saxos et des trompettes, des trombones et des clarinettes, du banjo et du wash-board (la fameuse planche à laver qui complète la batterie dans la famille des percussions), le soubassophone sur lequel  s’exhibe en lettres d’apparat sur fond blanc le nom d’Elefanf’U.

 

Blues et jazz rythment cette première heure d’un swing de haute volée, ponctuée des solos de quasiment chacun des instruments. L’ambiance sur scène est joyeuse. Le public semble ravi, même s’il exprime peu sa satisfaction. De la salle, il apparaît comme une ambiance particulière, étrange avec une foule bien engoncée dans les sièges, presque immobile, qui applaudit à chacun des solos mais qui semble parfois impassible, comme si le bonheur d’écouter et voir la musique se vivait de l’intérieur, loin de la démonstration exubérante qu’on imagine des bals jazz d’après guerre ou des accompagnements des fanfares dans les villes du sud des Etats-Unis. Bon d’accord ! Nous sommes en Bourgogne, à Dijon, dans une région à la culture multiséculaire, loin des champs de coton et des Steamboats ou Sternwheelers (bateaux à roue à aube) qui descendaient le Mississipi vers le Golfe du Mexique. N’empêche, l’impression est troublante, comme un décalage culturel. Peut-être est-ce aussi un horaire de digestion, moment encore plus marqué chez les personnes âgées. Le set se termine et la pause fait redescendre les spectateurs vers le bar installé au rez-de-chaussée. Certains en profitent pour s’approcher des stands de vente de CD d’Elefanf’U et Singall Gospel, et discuter avec les musiciens qui se sont rendus disponibles pour rencontrer le public.

 

Après cette demi-heure chaleureuse et gastronomiquement nourrissante, tout le monde ou presque se retrouve dans la grande salle. Quelques ouailles fatiguées ou un poil râleuses ont déserté les lieux.

 

L’arrivée de Singall Gospel donne le ton. « Walk in the light », lancé par le piano, la guitare et la batterie, puis par les choristes arrivant sur la musique, agit comme un souffle vivifiant qui fait vite oublier les tartes ou les flans consommés à l’entracte. Ce n’est peut-être pas la lumière de Jésus, mais il y a quelque chose de lumineux dans les claquements de mains, dans les voix et le déhanchement des corps. Yeah ! C’est sûr, nous marchons dans la lumière, même assis sur notre siège. Les intermèdes d’Audrey Roger la chef de chœur, entre les morceaux, rapprochent le public dans un partage d’énergie entre la scène et la salle. Bon, c’est sûr, les septuagénaires et les octogénaires ne sautent pas sur les sièges, n’entament pas de grandes farandoles dans les travées, mais quand même, peu à peu, les mains se mettent à accompagner les chants, comme si des lueurs d’énergie enfantine se libéraient du poids des ans. Au balcon, on voit très nettement la transformation : d’une masse d’abord immobile et très attentive, des dizaines de mains se mettent à battre la mesure, comme en bas à l’orchestre. Des spectateurs de plus en plus nombreux répondent aux sollicitations d’Audrey Roger. Un des moments les plus forts fut ressenti au moment du chant « Hosanna ». La chef de chœur de Singall Gospel explique au public l’espoir exprimé dans cette chanson, mettant en lien le savoir et l’expérience d’une vie d'ancien avec celle qui n’est pas encore vécue par la plupart de ceux qui chantent sur la scène. Cela sonne à l’image de la semaine bleue, par un partage et de la reconnaissance. Le public ne s’y trompe pas. On devine autour de soi, dans la salle, l’impact de ces mots sur l’auditoire. La chanson ensuite donne le frisson, entre autres dans ces microtemps de silence entre les couplets. Ce ne sont plus des silences, mais des émotions embellies juste derrière par les voix sans faille des choristes. C’est beau, fort, saisissant, presque indicible comme ces microsilences au moment où la chef de chœur ferme sa main avant de relancer ses bras pour la suite du morceau. On aimerait chanter avec eux tant l'acoustique de la salle est parfaite. On pourrait reprendre dans un registre plus heureux ces mots de Marguerite Duras « Sublime, forcément sublime ». Les applaudissements à la fin de Hosanna sont à l’image du chant, à l’unisson. C’était sans doute l’un des plus beaux moments de ce concert.

 

Quand celui-ci s’achève et que les gens se lèvent, on sait qu’ils rentreront avec du beau à l’âme, avec de la vie, une sorte de sentiment d’éternité qui fait que nos existences sont grandies d’un temps non mesurable mais magnifié.

 

Dans les coulisses, on sent aussi cette joie authentique à l’image des morceaux que le groupe reprend, histoire de boucler la boucle de ces chansons qui avaient été retirées du répertoire pour raccourcir le show. D’une frustration, naît alors une belle fusion de choristes avec l’un des leurs qui s’improvise chef de chœur le temps d’un chant que le public n’entendra pas.

 

Tout le monde semble heureux de cet après-midi dans un lieu extraordinaire au sens premier du terme, un lieu où peu de gens présents ce dimanche avaient l’habitude de chanter. Là encore, c’est une forme de reconnaissance pour Singall, ses musiciens et ses choristes, pour le travail accompli depuis des années et dont profitent les spectateurs et… les derniers arrivés dans ce groupe l’an passé. 

 

Post-Scriptum : La météo avait annoncé un dimanche de pluie. Ah bon ?!?! Un microclimat a sûrement dû s'installer dans le quartier de l'Auditorium.

 

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20/10/2013
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