THEATRE DU PUZZLE

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Cinéma / "Les Cheyennes" de John Ford

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"Les Cheyennes" de John Ford (1964)

 

avec Richard Widmark (Capitaine Thomas Archer), Caroll Baker (Déborah Wright), Edward G Robinson (Carl Schurz, secrétaire de l'intérieur), James Stewart (Wyatt Earp), Kal Malden (Capitaine Wessels),...

 

En 1878, les Cheyennes parqués dans une réserve aride de l'Oklahoma, prennent la décision de rejoindre leurs terres ancestrales après une ultime déception côté politiques américains et des promesses non tenues.

Ils prennent la route, accompagnés de l'institutrice quaker, Déborah Wright, qui a choisi de s'occuper de leurs enfants

Ayant traversé la rivière qui délimite leur réserve, ils sont pourchassés par l'armée avec, à leur tête, le capitaine Thomas Archer qui commence à se poser des questions sur le sens de sa mission, sur la démission des politiques quant à ce qu'ils doivent pour les indiens. Le capitaine ne montre alors aucun empressement à les intercepter, d'autant que les Cheyennes sont composés en majorité de femmes et d'enfants. Mais le major Braden en décide autrement et fait tirer aux canons sur les indiens. C'est le début d'un conflit guerrier qui amènera les Cheyennes à sortir les armes et se défendre, tout en poursuivant leur quête des terres ancestrales...

 

 

C'est un film époustouflant de John Ford (d'ailleurs véritable ami de tribus indiennes et honoré de cela auprès d'elles) qui, pour la première fois dans le western d'après-guerre, prend faits et cause pour la nation indienne. Dans les magnifiques paysages de Monument Valley entre autres, nous partons dans le long périple d'un peuple qui veut survivre dans la dignité.

 

 

 

John Ford signe une oeuvre magistrale et passionnante, truffée de questions toujours d'actualité aujourd'hui : le respect des peuples dans leur culture et leur mode de vie, les lois inhumaines, l'obéissance aveugle aux ordres même les plus stupides, le questionnement sur le sens, la démission des politiques dans ce qui a été leurs promesses et dans ce qui doit être leur devoir de considération et d'assistance, de contribution à l'autonomie et au travail pour tous, dans l'obligation qu'ils ont d'offrir un droit  l'existence digne pour tout un chacun  sur le territoire dont ils ont la charge (il faut savoir que les américains d'origine indienne n'auront le droit de vote qu'en 1912).

 

Tout au long du film, face à ce qui s'apparente à  un génocide organisé au nom de la loi, les personnages principaux se mettent à douter, entraînés par l'enseignante quaker et son oncle qui, au départ, ont peu de poids face à la puissance de l'armée américaine. Mais face à l'évidence et aux nécessités humanitaires, un être humain digne de ce nom ne peut pas rester insensible aux conséquences terribles d'une politique avec des oeillères. Les morts s'accumulent. La révolte gronde davantage, surtout quand il n'y a plus rien à perdre. Et quitte à mourir, autant que ce soit dans la dignité, debout, surtout quand la culture indienne si prégnante pour les Cheyennes donne une énergie immense et une force de survie hors du commun.

 

 

Ce film a été voulu par John Ford à la force du poignet, malgré les réticences de Hollywood. Et c'est une chance que le cinéma puisse offrir au spectateur et aux humains de ce monde un matériau à l'esthétique extraordinaire qui permette de réfléchir  et de s'émouvoir.

 

Les plans sur les visages sont d'une grande puissance, dans l'attente silencieuse sous le soleil. Les regards des gradés militaires se baissent face à la volonté farouche des indiens de rester libres et maîtres de leur culture, comme s'ils sentaient que quelque chose vacillait dans leur foi indéfectible dans la notion d'ordre et de respect de la hiérarchie. Hiérarchie d'ailleurs toujours absente et qui n'envoie ses volontés que par intermédiaires, sans jamais être présente sur le terrain. Mais est-ce que cela a changé ici ou là dans le monde, même en France. Comme s'il fallait être aveugle pour décider pour les autres, de peur de voir en face l'horreur de ses propres choix.

 

 

Et dans le film, quand le secrétaire de l'intérieur se déplace enfin pour rencontrer les Cheyennes, c'est là que se noue le dialogue qui mettra fin à ces massacres inutiles. Mais combien de morts aura-t-il fallu pour en arriver là, pour s'absoudre du mal commis.  Le mal, lui restera toujours dans la chair de ceux qui l'ont vécu. Cette leçon vaut pour toute nation, pour tout peuple, pour tout individu.

 

 

Comment ne pas penser aux Roms aujourd'hui en France, aux Palestinens à Gaza, aux Juifs pendant la Seconde Guerre Mondiale, aux Arméniens dans la Turquie du début de XXème siècle, aux populations  d'origine africaine (Maghreb, Afrique Noire,...) que la crise cantonne pour beaucoup dans des banlieues laissées pour compte sans travail et avec un service public qui disparaît, à tous ces peuples ou ces individus que l'on prive de droits.

 

Le film de John Ford ramène à toutes ces questions que les sociétés modernes refusent de se poser et auxquelles elles ne répondent que par la répression. C'est aussi de cela dont il est question dans ce film visionnaire qu'il est toujours utile de revoir.

 



21/08/2010
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