Cinéma / "Les Huit Salopards" de Quentin Tarantino
Les Huit Salopards
Un film de Quentin Tarantino
USA – 2015 - 2h47
Avec Samuel L. Jackson, Kurt Russell, Jennifer Jason Leigh, Tim Roth, Michael Madsen, Bruce Dern, Walton Goggins, Zoë Bell, Demián Bichir, James Parks, Dana Gourrier, Channing Tatum…
Nous voilà pleinement dans un film de mauvais genre, entre puritanisme de façade et violence extrême. Ce type de film qui nous fait replonger dans le côté obscur de l’Amérique, son histoire regardée au-delà des grands idéaux de liberté et de conquête.
Racisme, sexisme, petits intérêts, « amitiés » de circonstance vite retournées pour une autre qui rapporte davantage.
La lettre d’Abraham Lincoln dont se vante le chasseur de primes noir, l’un des huit salopards (formidable Samuel L. Jackson), ressemble à l’habit d’honorabilité d’une Amérique trouble où règne la loi des colts.
Dans des décors enneigés, grandioses, magnifiés par la pellicule
Nous sommes dans un huit-clos sur fond de blizzard qu’on entend en permanence, même dans le silence du relais de diligence.
La musique d’Ennio Morricone, puissante et parfois angoissante, renforce l’idée d’un piège dont il semble difficile de se sortir.
Il n’y a pas de bons ou de méchants. Tous autant qu’ils sont se débrouillent comme ils peuvent pour s’en sortir au mieux, si possible avec le plus d’argent, même par des moyens illégaux (surtout par des moyens illégaux). Le respect humain ? L’égalité des races ? La place de la femme ? Ils n’en ont rien à faire, femme comprise.
Ce qui compte, ce sont les dollars qui rempliront les poches au bout du compte, quitte à en mourir avant.
La réussite de Quentin Tarantino réside dans le fait qu’il enferme le spectateur dans un récit en plusieurs chapitres (comme un livre) avec la longueur d’un temps pesant qui porte la violence en lui. Et quand elle éclate, alors que plus personne ne s’y attend, cela devient un opéra de sang, à la manière d’un Sam Peckinpah dans « La Horde sauvage » ou d’un Stanley Kubrick dans « Orange Mécanique ».
L’histoire est aussi prenante et obsédante que les montagnes enneigées qui entourent le relais de diligence, cette prison de nature dont les barreaux serrés et les matons s’appellent le blizzard. Mais les personnages sont tellement excessifs qu’il en jaillit presque une comédie, sanglante certes mais très drôle. Certaines scènes deviendront de toute évidence des scènes d’anthologie comme la rencontre presque flegmatique entre Samuel L. Jakcson et Kurt Russell sur un chemin de neige alors que la tempête menace ou celle où Tim Roth, censé être un bourreau, explique le sens de la loi à Jennifer Jason Leigh.
Tous les acteurs sont remarquables, Samuel L. Jackson bien sûr, mais aussi Kurt Russell (un chasseur de prime à la violence exacerbée), Jennifer Jason Leigh (stupéfiante de vérité dans le rôle d’une femme avilie, salie, condamnée à la pendaison mais toujours avec une sorte de détachement ironique). Citons également Tim Roth, faussement british, Michael Madsen dont la voix grave sert à merveille son personnage, Walton Goggins en rebelle sudiste et Bruce Dern en ancien général de l’armée des confédérés, sans oublier Demian Bichir en faux mexicain énigmatique.
Les seconds rôles sont tout aussi réussis. Dana Gourrier dans le rôle de Minnie, souriante, provocante et généreuse, Zoé Bell dans le rôle de Judy ou James Parks dans le rôle du cocher OB Jackson.
Un film à ne pas manquer.
D’un certain point de vue, c’est aussi un certain regard sur l’Amérique d’aujourd’hui qui vit encore avec ces démons de l’époque de la conquête.
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