"Douce" violence brutale / Pascal Marchand
Répression des manifestations en Iran (2009)
On évoque souvent les violences quand elles prennent des formes brutales, visibles et cruelles.
Elles nous retournent le coeur. Les images abominables qu'elles ramènent à nos regards nous bousculent, nous émeuvent rien qu'à imaginer qu'on aurait pu en être les victimes. Elles parlent de la mort et de la destruction de la vie.
Ces images nous rappellent la précarité de celle-ci, l'extraordinaire chance que nous avons d'avoir les yeux ouverts chaque matin quand nous savons que nous rencontrerons quelqu'un et quelqu'une, que nous aurons des occasions d'apprendre de la vie et des autres, que cette journée apportera peut-être ou sans doute un ou plusieurs petits bonheurs de plus, et que, si celle-ci est remplie de difficultés, elle sera quand même une expérience dans notre vie pour des jours meilleurs.
Centre de Rétention Administrative pour personnes sans papiers
Et puis il y a des jours où le mal-être est présent sans que l'on sache vraiment pourquoi, des jours où la violence prend des formes pernicieuses, des jours où d'autres décident pour nous de ce qui est notre intérêt sans qu'on nous demande quoi que ce soit, autant au niveau social qu'au niveau individuel, avec le sentiment que les cris de révolte sont volontairement ignorés pour l'ntérêt personnel d'une personne ou d'un petit nombre de personnes.
Car la violence commence insidieusement quand quelq'un ou quelques uns décident de ce qui est bon pour les autres sans que ceux-ci n'aient leur mot à dire. Tout semble "doux", tout est fait pour le bien de l'autre, avec beaucoup de bienveillance, comme pour la réforme des retraites.
On parle d'intérêt général, de nécessité, de devoir, d'unique solution. Cela se fait au nom de la loi ou de la morale, au nom de l'état ou au nom de Dieu, cela détruit mais cela se fait.
Pourtant, dans l''esprit, l'état n'existe que pour que les gens vivent mieux ensemble, en se respectant. Du point de vue du spirituel, Dieu est d'abord amour quels que soient les textes qui s'y réfèrent.
Dans la réalité, il semblerait que morale, spiritualité et état sont souvent utilisés comme source de domination d'un certain nombre d'individus sur les autres, d'un être humain sur un autre. Comme des barricades rigides au bord des chemins de vie.
Et ainsi la violence peut s'enraciner dans la terreau des individualismes. Les racines sont là à l'abri dans un sol fertilisé par les haines et les peurs, et qui n'attendent que l'eau des misères et des replis sur soi pour faire jaillir une floraison de possibles conflits.
ça ne rate pas. Les conflits sont partout, nés de la division de la gente humaine que certains instrumentalisent pour prendre ou conserver un pouvoir.
Camp de roms
Et nous, dans nos petites vies discrètes, n'avons-nous pas aussi tendance à reproduire ces modèles sociaux défaillants qui défilent sous nos yeux chaque jour ?
Ne nous appproprions-nous pas les peurs qui ne nous appartiennent pas sans nous en rendre compte ?
Nous avons appris la défiance de l'autre, de l'étrange, de l'étranger, du différent, de ce que nous ne comprenons pas et nous avons tendance à chasser de nos vies ce qui ne nous ressemble pas.
Et nos réponses sont le rejet, l'indifférence choisie, les violences invisibles qui font autant mal que les coups, ces violences douces qui préfigurent les autres, les plus brutales.
Ce n'est qu'une question de degré, mais le fond est le même : un refus de regarder l'autre dans son entier et de se remettre soi-même en question dans ses contradictions.
Il est toujours plus facile de regarder le "mal" chez les autres que chez soi.
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