Pirates ! Vous avez dit Pirates ! / Pascal Marchand
Octobre 2011 / Retour sur un article du magazine Politis que nous avions mis en ligne en 2009. Au large de la Somalie, les problèmes de piraterie sont toujours les mêmes, avec en plus, dans le pays même, une grave crise humanitaire en raison d'une nouvelle famine due à la sécheresse. Les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. Et la mort de masse est de retour...
PIRATES !
VOUS AVEZ DIT PIRATES !
VOUS AVEZ DIT PIRATES !
Un très bon article du magazine Politis revient sur les prises d'otages de marins et de plaisanciers au large du Golfe d'Aden.
Les pirates somaliens sont présentés comme le nouveau mal absolu, la nouvelle peste des voyageurs de la mer.
Pourtant il est intéressant de regarder le problème par l'autre côté de la lorgnette, d'observer de plus près ce qui se passe dans ce coin du monde si éloigné de nous.
La mer qui débouche sur le goulet de Djibouti et s'ouvre sur l'océan Indien, entre les côtes du Yémen et de la Somalie est le dépotoir mondial du transport maritime.
20 000 navires de commerce y transitent chaque année, après avoir emprunté le canal de Suez. Un bon nombre d'entre eux déversent dans ces eaux des containers, des futs qui répandent sur les côtes des produits répertoriés par le Programme des Nations Unies pour l'Environnement : dérivés de plomb, de cadmium, de mercure, d'autres produits chimiques mal identifiés qui se mélangent avec des déchets hospitaliers, à des produits de traitements de métaux ou du cuir, quand ce ne sont pas des déchets radioactifs retrouvés il y a un peu plus d'un an par les experts du Pnue un peu plus au sud aux abords du Kenya.
Les conséquences de tout cela ne vont étonner personne.
Au fil des années, les pêcheurs somaliens ont vu s'échouer sur leurs côtes, des poissons aux nageoires rongées. D'autres espèces ont changé leur comportement comme les tortues de mer qui autrefois regagnaient la mer après la pérode de ponte et qui, à présent, se réfugient sur les rives.
Parmi la population aussi, les conséquences se font sentir. De nouvelles maladies apparaissent : affections respiratoires, hémorragies abdominales, cancers de la peau. Ces maladies ont des centaines de morts.
Certains navires n'hésitent pas à débarquer une partie de leurs déchets comme des produits phytosanitaires périmés qui sont ensuite enfouis avec la complicité de chefs de guerre en échange de contrepartie.
Au bilan, de nombreux points d'eau sont empoisonnés. Et à ces endroits, on retrouve des cadavres de troupeaux de bétail, vaches, chèvres ou chameaux, mais aussi des animaux domestiques ou sauvages.
A l'origine de cette hécatombe, on retrouve les pesticides depuis longtemps interdits en Occident. Ces déchets largués en mer font l'objet de trafics organisés par une branche de la mafia italienne. Le prix des déchets éliminés illégalement est compris entre 25 et 35 € la tonne, alors que le prix d'une éliminination légale varie entre 250 et 350 € la tonne.
Paradoxalement, les navires français qui croisent au large des côtes somaliennes n'ont jamais procédé à une quelconque vérification sur les navires pollueurs. Pourtant sur cette zone, y patrouillent 34 bateaux français, américains, japonais, britanniques et italiens.
Les Occidentaux qui pourfendent la piraterie ne sont pas gênés par ces trafics qui permettent depuis des années aux chefs de guerre locaux de se fournir en armes et en 4X4, et surtout, avec l'argent fourni par les "intermédiaires" des navires poubelles qui circulent dans le secteur.
Aujourd'hui, la piraterie maritime est devenue un commerce plus rentable que la pêche, au large des côtes de la Somalie. C'est un phénomène qui va s'amplifiant. On constate même cela plus au sud de Mogadiscio, la capitale, où 17 navires sont retenus avec environ 250 marins de toutes nationalités à leur bord.
Comme on peut le constater, les pirates ne sont pas forcément ceux qu'on croit. D'autant qu'un autre secteur est en train de prospérer dans cette zone maritime : la LLoyd's de Londres propose désormais aux armateurs dont les navires fréquentent le Golfe d'Aden et l'Océan Indien... une "assurance antipirates de la mer". Ce produit connaît un succés miraculeux.
A cela, il faut ajouter la totale impunité dans laquelle agissent certains gouvernements comme le gouvernement français.
Lors de l'affaire du Ponant par exemple, les militaires français ont capturé les "pirates" sur le sol somalien en toute illégalité. Le ministre de la justice et le président de la République se sont ensuite prévalus de l'accord des autorités somaliennes, sans autre précision. Et pour cause : il n'existe pas d'autorités somaliennes. Il n'y a donc jamais eu d'accord et les somaliens incarcérés en France (sans parler le français, donc dans un isolement linguistique et culturel total) le sont en toute illégalité.
Pour mieux comprendre encore ce qui se passe dans le golfe d'Aden, il faut savoir que la mortalité infantile en Somalie est de 126 pour 1000, l'espérance de vie est de 46 ans, que le taux d'analphabétisme atteint les 50 % chez les hommes, et les 74 % chez les femmes. Le PIB par habitant est de 600 dollars (il est de 28 000 dollars en France). Et pour complèter le tout, les chalutiers occidentaux pillent les ressources de pêche de ces régions.
Et les informations en France ne relatent que la mort de quelques pirates sans importance qui ont voulu faire du mal à de gentils plaisanciers français.
Non pas que ces plaisanciers ne soient pas gentils, ce n'est pas le problème ; mais quand on réduit les réalités à des raisonnements simplistes qui justifient toutes les mesures sécuritaires et font taire les révoltes nécéssaires, alors nous prenons la responsabilité de perpétuer un système d'exploitation géré par des dirigeants à qui nous donnons le blanc-seing.
Vous pouvez retrouver des infos plus complètes dans le très intéressant article de Claude-Marie Vadot, Denis Sieffert et Sébastien Fontenelle, dans le numéro 1049 de Politis, semaine du 23 au 29 avril 2009.
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