Je m'appelle Mamadou Dupont / Pascal Marchand
31 mai 2009
Je m'appelle Mamadou Dupont
Je m'appelle Mamadou Dupont. Mamadou parce que, je crois, ça correspond à ce qu'on appelle en France une « minorité visible ». Si je m'étais prénommé Sigmund, Friedrich ou Gustav Haraldson, vous m'auriez rigolé à la figure. Et pourquoi pas Lao Van Tian tant qu'on y est ! Vous m'auriez pris un dingo en mal d'identité. C'est peut-être un peu vrai.
Et Dupont me direz-vous ? Dupont ? C'est parce que j'habite près d'un pont. C'est con hein ?
J'aurais préféré Dumoulin, ça fait plus doux. Mais il n'y a pas de moulin près de chez moi. Ou Duchamp, mais les champs près de chez moi servent de couloir aérien aux avions de la Base Aérienne militaire, avions qui servent de jouets bruyants à des gars qui laissent derrière leurs appareils de longues fumées blanches. Ils en sont fiers, presque orgueilleux. "Comme elle est longue ! qu'ils se disent en eux-mêmes, Les gens d'en-bas doivent nous envier !". Ça fait joli y paraît et c'est très bon pour la santé. Je crois qu'il s'agit de vapeurs de kérozène. Ah ! c'est sûr ! Elle est longue... leur vapeur de kérozène. Du vent. Rien que du vent. Et plein de bruit.
J'aurais pu aussi m'appeler Ducon (C'est ce que m'aurait dit le pilote d'un de ces avions) mais je trouve que ça fait con de s'appeler Ducon, en plus ça fait un peu vulgaire. Un peu comme Duderrière, mais avec un mot plus cru.
Finalement j'en suis resté à Dupont. Mamadou Dupont. Ça me plaît bien. C'est comme Bond. James Bond, mais en version française, enfin presque, afrofrançaise. Je suis l'espion noir. The Black Spy. Et je médis sur Internet. Je vous livre les secrets les mieux gardés des ministères.
Je peux me le permettre car je suis français. Ils ne peuvent pas me virer dans un charter vers le Mali, la Tchéchénie ou le Kosovo, car je suis français. C'est marqué sur ma carte d'identité. J'ai donc droit aux égards dus à tout français en vertu de la constitution et de la loi : protection diplomatique quand je vais à l'étranger (ça ne me sert pas beaucoup car je vais rarement à l'étranger, question monnaie je veux dire), droit de vote à toutes les élections même nationales (ça ne me sert pas beaucoup non plus, vu que peu de choses changent vraiment même quand plein de gens montrent leur mécontentement en votant), droit à la santé (faut le dire vite, question monnaie je veux dire), droit au travail (mais je commence à avoir des inquiétudes, mais j'me plains pas, j'en connais qui n'ont plus d'inquiétude du tout de ce côté-là, ils n'en ont plus depuis longtemps et tout ce qu'on leur propose, c'est du pipi de chat, s'cusez l'expression, mais ça veut ce que ça veut dire), droit à la liberté ( Ah ! C'est sûr, je suis libre de penser ce que je veux, mais dans ce monde d'argent, la liberté passe par l'argent et vu que j'en ai pas beaucoup, la liberté j'en ai autant que j'ai d'argent, je vous laisse en tirer les conclusions), droit au logement (Bon j'insiste pas sur le sujet…), droit à la fraternité (C'est sûr je me sens tout à fait frère avec les gens de pouvoir, tout là-haut dans l'Elysée qui sert de socle à certains petits complexés), droit à l'égalité (C'est vrai je me sens tout à fait l'égal de ces gens de pouvoir).
Enfin bref, être français a beaucoup de sens pour moi, surtout quand, en période de tensions internationales, je n'échappe pas aux contrôles à l'entrée de certains magasins, alors que, juste devant moi, la vieille dame (qui-a-laissé-Toutou-à-la-maison-car-il-fait-froid-dehors) passe sans aucun problème, tout juste le vigile très costaud ne la pose-t-il pas dans le caddie pour l'emmener au rayon qu'elle a choisi.
Être français a beaucoup de sens pour moi, quand, ayant oublié mes papiers et étant contrôlé, on a peine à croire que je suis d'ici. Tout juste ne me menace-t-on pas de m'envoyer en CRA (centre de rétention administrative), vous savez pour les pauvres types qui ont cherché par tous les moyens à fuir leur pays pauvre en croyant trouver l'Eldorado chez ceux qui pillent ou abandonnent ces pays en maux de guerre, de faim, et en manque d'espérance... Donc tout juste ne me menace-t-on pas de cela en attendant que j'en fournisse la preuve.
J'ai beau me répéter cent fois : je suis français, je suis français, je suis français… ça ne rentre pas dans la tête. Je ne me sens pas suédois non plus, ni suisse, ni argentin. Pourtant tous ces gens que je côtoie de près ou de loin me ressemblent beaucoup : ils ont une tête avec des yeux (certains ont même de superbes regards), tous d'ailleurs en ont deux, des yeux. Ils ont aussi une bouche et un nez, deux oreilles et souvent des cheveux (pas tous et certains les ont gras). Ils ont un corps composé d'un tronc (c'est comme ça que ça s'appelle même si ça ne ressemble pas à un arbre) avec quatre membres, en général deux bras et deux jambes. Ce qui notable également, c'est qu'au bout des bras et des jambes, se trouve une sorte de moignon d'où se dressent cinq doigts, sauf pour ceux qui en ont perdu un ou plusieurs dans un accident ou en utilisant un outil coupant, mais c'est assez rare. Malheureusement, il existe aussi d'autres gens (et toujours dans les mêmes pays pauvres) qui en perdent pour des raisons de maladie. Un truc qui s'appelle la lèpre, je crois. Beaucoup de gens du nord du monde s'en foutent, tant que ça ne touche les leurs… de doigts.
Enfin bref, toutes ces personnes me ressemblent. Nous n'avons pas tous la même couleur de peau, la même forme d'œil, le même type de cheveux, pourtant nous savons tous que nous appartenons à ce qui s'appelle : l'humanité. Nous avons, tous, le même sang qui coule dans nos veines, et nous sommes tous mortels. Pour chacun d'entre nous, vivre est une chose fragile, que nous soyons français, algérien, chinois, américain, inuit, aborigène,…
Oui, je suis bien Mamadou Dupont. Je suis français par accident et je n'en suis ni fier, ni ennuyé. Je suis surtout citoyen du monde et ça j'en suis heureux. Dans ma tête, je parle toutes les langues. Par mes yeux je vais au-delà des horizons.
Je m'appelle Mamadou Dupont… Non !!! Pas Ducon !!!
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