THEATRE DU PUZZLE

THEATRE DU PUZZLE

Le monde va mal ! / Gilles Chevalier

Le Monde va mal ! 

      

Il me semble que l'une des formes que peut prendre l'art, c'est de rendre accessible, voir agréable à découvrir des champs de pensée  qui ont été fortement obstrués par l'utilisation d'un langage ultra "technique".

La Science Economie fait partie de ces champs là !

Modélisée,

Mathématisée à outrance, elle est devenue totalement inaccessible au plus grand nombre.

On peut même dire répulsive.

Je pense que c'est  bien dommage !

Car cela n'a pas toujours été le cas dans l'Histoire de la pensée.

Et puis, surtout, et c'est ce qui est grave, cette "sophistication langagière" n'a pas permis de percer les mystères de l'Economie.

La simple observation des faits (désastreux)  le prouve.

Alors, il est grand temps que les "artistes" du monde entier se réapproprient ce champ de réflexion.

J'aimerais qu'ils se servent du travail qui va suivre comme d'un début. 

Car pour "penser la vie" aujourd'hui, il faut, malheureusement, REPENSER la Science Economie !

Dans l'espace national,

      Si un résident X (un particulier, une entreprise...) doit une somme d'argent (100) à un résident Y, il a une dette envers cette personne Y.

Par simple symétrie, le résident Y "détient" une créance (100) vis à vis de cette personne X.

Créance et dette se répondent ; elles sont les deux faces d'une même réalité. Il est inconcevable qu'il en soit autrement. La logique l'interdit.

Dans l'espace international,

        à l'échelle des pays cette fois,

               le simple bon sens vient nous dire qu'il ne peut en être autrement.

Dans les relations commerciales qu'entretiennent les pays entre eux, si un pays A  s'endette vis à vis d'un pays B (lors d'une importation de biens par exemple) le pays B ne peut être qu'instantanément créancier du pays A.

      La théorie "pure" (de conception anglo-saxonne) enseigne également que les relations monétaires entre les pays suivent cette banale logique.

            Seulement voilà, la théorie est trop pure pour saisir la réalité dans laquelle nous vivons.

    Dans le monde réel, la somme des dettes extérieures des pays dépassent de façon considérable la somme des créances extérieures des pays qui devrait logiquement lui faire face !

Principalement depuis 1971, le monde, est entré dans ce qu'on pourrait appelé l'ECONOMIE de l'ENDETTEMENT.

Pour l'ensemble des pays développés et en développement, la somme cumulée de la dette extérieure est passée de quelques centaines de milliards en 1973 à plus de 50 000 milliards de dollars en 2007. Avec, en regard, une somme cumulée de créance  extérieure qui reste de quelques centaines de milliards de dollars. 

C'est là la manifestation la plus révélatrice de l'existence d'un dysfonctionnement. 

      L'existence du dysfonctionnement n'est pas perçue par l'opinion publique , ni même encore par la majorité des hommes de science. La raison en est simple et noble : il est toujours difficile de "lire" correctement la réalité quand elle comporte un grave illogisme. L'observateur redresse l'erreur sans l'apercevoir, comme il arrive qu'on lise un texte en corrigeant inconsciemment les erreurs typographiques qui s'y sont glissées, ou que l'on fasse des déductions justes d'après des figures géométriques fausses.

      Cependant, surtout depuis la récente crise financière, la collectivité des économistes commence à prendre conscience du dérèglement profond des paiements internationaux.

Même les économistes issus des milieux les plus conservateurs américains s'en inquiètent.

Cependant, la cause du désordre reste inconnue.

 Le but du livre* de Bernard Schmitt, l'un des penseurs français les plus estimé en matière de monnaie internationale, est de la révéler.

A l'origine de ce dysfonctionnement : 

      Le mode de règlement actuel dans les échanges internationaux.

      Les paiements se font avec des monnaies BANCAIRES NATIONALES (principalement le dollar, de plus en plus l'euro). 

Or, les monnaies bancaires nationales n'ont pas vocation à servir dans l'espace international. 

 Parfaite dans l'espace national, espace de conversion*, elles n'ont aucune compétence logique dans un espace de pur échange : l'espace international.

Simples écritures comptables, les monnaies bancaires nationales ne peuvent se constituer que comme un paiement "vide" face aux biens réels importés.

Pire, elles introduisent au sein des économies nationales de graves déséquilibres (inflation, endettement, chômage... ).

      Mais seule l' étude approfondie de la NATURE  de la monnaie bancaire permet de bien le comprendre.

L'obstacle à l'éradication du dysfonctionnement est donc essentiellement d'ordre analytique.

       Autrefois (fin du XIXème, début du XXème), le mode de règlement dans les échanges internationaux c'était l'OR.

       Le pays "appauvri" d'une part de sa production nationale par une exportation se voyait "dédommagé", payé par une part équivalente du métal précieux.

La définition de l'or étant universelle, le paiement était effectif dans le monde entier.

C'était le Régime dit de l'étalon-or qui fondait le Système Monétaire International.

Biens réels (biens importés) contre biens réels (l'or) : les relations économiques mondiales étaient ordonnées.

      Mais arrêtons nous un instant sur l'origine historique du mal.

Comment s'est instauré ce mode de règlement dans les paiements internationaux ? 

      Ce régime est né par petites étapes, d'apparences anodines.

      L'étalon-or a fait place à l'étalon devises-or. C'est à dire qu'en plus de l'or, les pays pouvaient détenir dans leurs réserves des devises, payables en or (Conférence de Gènes de 1922)

(Notons au passage que la première grande crise financière mondiale a, comme chacun le sait, eu lieu en 1929).

      Puis, sans qu'aucune Conférence internationale en ait décidé ainsi, après la seconde guerre mondiale, le pays "le plus puissant du monde" a réussi à imposer sa monnaie comme devise au côté de l'or.

Et ce dans des proportions de plus en plus importantes.

La possibilité pour un pays de convertir ses dollars en or restait néanmoins possible.

      Enfin, en 1971, et encore sans qu'aucune Conférence Internationale en ait décidé ainsi, une mesure du seul gouvernement Nixon, a décidé de la suspension pure et simple de la convertibilité du dollar en or.

Le monde est alors entré dans un régime dit des "taux de change flottants" où les monnaies nationales ont été les seules à être confrontées les unes aux autres. Ce "régime", sans référence aucune à une matière commune, est le régime actuel.

Citons ici Christian GOUX,

Professeur à l'Université de Paris I,

Président de la Commission des Finances, de l'Economie générale et du plan de L'Assemblée Nationale

                         dans sa préface au livre de B. Schmitt (1984)

      "Dans ce livre, Bernard Schmitt pose le problème du Système Monétaire International tel qu'il se pose et non tel qu'on le pose généralement depuis des décennies. Ce faisant, il bouleverse les idées reçues. Ce livre est important ; il est à mon sens le plus important sur ce sujet depuis bien longtemps. Il s'inscrit dans la grande tradition française dont Jacques Rueff fut le maître. La plupart des économistes considèrent que le Système Monétaire International, créé à Bretton Woods, traverse une grave crise. C'est faux. Le Système Monétaire International n'est pas en crise : il n'existe plus.

Il agonise, le 15 août 1971, lorsque le président Nixon décide de suspendre la convertibilité du dollar et il meurt définitivement lors de la révision des statuts du Fonds Monétaire International à la Jamaïque en 1976.

      Que dirait-on d'un médecin qui cherchait désespérément à soigner un mort en faisant semblant de croire qu'il s'agit d'un vivant ? Cela fait maintenant 13 ans que savants économistes et responsables politiques s'attellent à cette tâche, à réformer un système qui n'existe plus. On pourrait rire de cette situation, digne des meilleurs humoristes. Mais tout compte fait, quand on voit les conséquences sur la vie ou la mort de millions de gens, elle est plutôt tragique. L'Histoire, soyons-en persuadés, ne sera pas tendre à notre endroit."

Mais quel vice l'utilisation de monnaie bancaire nationale dans les échanges internationaux introduit-elle exactement ?

Elle introduit le paiement DOUBLE de toute importation !

    Quand un résident français(un particulier ou une entreprise) sacrifie une part de son revenu pour régler son bien d'importation, son compte est débité d'autant. Il ne peut plus utiliser cette part pour la "convertir" en un quelconque bien national.

(Le Revenu National est bien diminué car aucun autre résident français ne détient cette part) En tout état de cause il a donc payé.

Pour un achat dans l'espace national, le paiement s'arrêterait là; Mais dans l'espace international, il se prolonge. Car,  envoyées à l'étranger, le devises définissent instantanément un endettement du système bancaire français pris dans son ensemble.

Dans le "régime" actuel, en payant, un résident endette l'ensemble France.

Mais citons ici Bernard Schmitt.

Voilà ce que son brillant esprit visionnaire écrivait dès 1984

       La sanction est  commensurable au désordre (elle l'est de plus en plus. Le monde ne subit-il pas la "plus grave financière et économique de tous les temps")  :

L'énorme masse des Capitaux financiers partout "étrangers" fait face aux pays, dont elle sape la souveraineté et dont elle prélève parasitairement la substance.

Il serait urgent de réunir la Nouvelle Conférence de Bretton Woods. Mais les discussions d'une autre Conférence, dite internationale et dominée par les Anglo-américains, toute récente (15 mars 1983), tenue au FMI, montrent bien que les esprits ne sont pas encore préparés au grand débat de fond ( le sont-ils aujourd'hui ? alors que les débats tournent autour de la seule "moralisation" des milieux financiers et bancaires ou de la coordination mondiale des politiques monétaires classiques et pas autour de la façon de créer un vrai Système Monétaire International)

Il faudra sans doute "opérer à chaud", quand le mal (inflation, chômage, austérité et faillites à l'echelle des banques puis des pays eux-mêmes ne paraîtra vraiment plus tolérable."

      Le changement aura lieu le jour où sera créé le "Système Monétaire International".

La pièce maîtresse de l'organisation est une Banque chargée d'émettre l'unité de monnaie internationale. La nouvelle monnaie, le "Bancor" (si l'on choisit la dénomination de Keynes, solution proposée et non retenue en 1944 à Bretton Woods) servira de "panier" pour "recueillir", "mesurer" et "véhiculer" les biens d'un pays à l'autre dans l'espace international.

Sans altérer les équilibres monétaires nationaux établis dès l'origine, c'est à dire dès la  production et le versement des salaires.

Toujours est-il que , pour le moment (et pour combien de temps encore ?), l'impérialisme monétaire impose sa Loi. Il impose un "diktat de structure" dont l' Humanité toute entière est victime.

    Loin de nous l'idée qu'il ne faille pas assainir, moraliser la finance et plus généralement l'économie mondiale. Les comportements abjects existent et ils sont à combattre (spéculation, profits démesurés, fiscalité déloyale, attribution de parachutes dorés ou de stock-option...) partout et toujours.

 (D'ailleurs la terrible crise actuelle va très certainement constituer une chance inespérée dans la lutte contre ces déviances)

Mais, encore une fois, le vice fondamental n'est pas d'ordre comportemental, il est d'ordre structurel. Et seule une nouvelle intellection de l'Economie (rappelons que la science dominante, la science de l' "establisment", celle qui a envahi tous les esprits depuis près de 50 ans est de conception anglo-saxonne ) permettra de comprendre et d'éradiquer le Mal. L'obstacle est d'ordre analytique.

Ce court exposé aura atteint son but si le lecteur est désormais convaincu que les lois (monétaires) de l'économie sont plus "fortes" que les volontés politiques et, plus généralement, humaines. Les gouvernements, qu'ils soient de gauche ou de droite, d'Europe ou d'Amérique  sont  tous contraints à des politiques d'austérité.

Ils sont tous conduits à un pragmatisme de secours y compris quand ils cherchent généreusement à coordonner leurs politiques économiques à l'échelle de la planète.

 

                                                                                          Gilles Chevalier

 

Lien vers l'article :


 Le monde va mal ? / Stephen Blanchard

 


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20/11/2008
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