Je m'appelle Georges Domborynski / Pascal Marchand
Article du 31 mai 2009
Avant de lire l'histoire de Georges Domborynski, un petit document édifiant sur l'intervention de CRS sur des sans-papiers.
Wellcome Bienvenue en France / Bienvenue au pays des Droits de l'Homme
Je m'appelle Georges Domborynski
Voici l'histoire d'un gars connu sous le nom de Georges...
« Je m'appelle Georges Domborynski. Sur ma carte d'identité, il est indiqué Jerzy Domborynski. Mais tout le monde m'appelle Georges. Ma famille polonaise est installée en France depuis le début du siècle. Tous à la mine. Dans le nord de la France. C'est là où je suis né, bien longtemps après. On est tous français à présent.
A l'époque de mes arrière-grands-parents, ma famille était traitée de polak. C'étaient les étrangers du moment avec les ritals. Ça se castagnait dans les bals du samedi soir parce qu'un polak avait abordé une fille de rital ou que des français venaient chercher les embrouilles parce que l'un d'eux avait perdu son boulot et qu'un polak avait pris sa place. L'alcool coulait à flot et ça clopait dur. De toute façon, on risquait moins avec la vinasse et le tabac qu'avec cette saleté de maladie de la mine. Elle, au moins, elle ne faisait de différence. N'importe quel type était sûr d'y passer. Pas raciste ni xénophobe pour un rond. C'était pour tous ceux qui passaient leur temps dans les galeries. Même les coups de grisou aimaient tout le monde. C'était pas une question de couleur de peau, ni de langue. C'était juste une question sociale. Tous ceux qui étaient en bas, ils avaient le même statut.
En tous cas, moi, j'ai baigné un peu dans ce climat avec les arrière-petits-enfants de tout ce beau monde. Et nous aussi, on s'éclatait le samedi soir. Mais nous c'était à la bière. Des bastons du feu de Dieu. Sauf que pour moi, ça a dépassé les limites. Un mec tué malencontreusement. Faut dire qu'il l'avait bien cherché : il matait ma sœur. Bon, après divers épisodes dont je vous passerai les détails, j'ai eu deux choix : la taule ou la légion. J'ai choisi la légion.
Une vie de voyage. Le soleil. Parfois trop. Des gars qui nous traitaient comme des chiens. Mais bon, c'était mieux que des barreaux et une cage de trois mètres sur trois. On m'a appris à obéir, à pas faire trop d'idioties. J'en ai quand même fait quelques unes. Mais personne n'a rien su. En plus c'étaient sur des pauvres bougres qui ne comprenaient rien. Alors il n'y avait pas de risque.
Finalement, au bout d'une dizaine d'années (Je suis arrivé au grade de caporal-chef !), je suis revenu à la vie civile. J'avais payé pour ma connerie de jeunesse. Je suis entré dans la police, dans les brigades qui font de la chasse à l'homme. En fait la chasse aux étrangers, si possible en situation irrégulière. Ça ressemble au film « Les chasses du Comte Zaroff ». Vous connaissez ? Dans cette version moderne, c'est comme un jeu vidéo. Il y a un objectif à atteindre. Et quand on y arrive, on a gagné la partie. Les autres méchants, ceux qui nous mettent des bâtons dans les roues, c'est les militants de RESF, avec leurs copains de la CIMADE et quelques autres. Avec eux, la partie est corsée. C'est comme une partie de chat et souris, en moins sympathique. Mais bon, pour nous aider, nous avons le ministère et une bonne partie des médias. On a droit aussi à cacher certains aspects peu glorieux de notre métier. C'est comme un Joker dans la partie. Je trouve ça génial de faire un travail qui est en quelque sorte un jeu. Avec les copains, c'est de l'aventure tous les jours.
Le plus dur c'est la nuit. J'ai souvent du mal à dormir. Moi, Georges le français, je suis dérangé par mon double étranger qui sort de mon corps ensommeillé et vient me secouer en plein assoupissement. Jerzy le polak. Et il me tient des discours délirants sur la famille : « Qu'est-ce t'as contre les étrangers ? T'en es un, toi aussi. C'est pas parce que t'as une gueule de cachet d'aspirine que t'as le cul béni. » Il est frappé Jerzy, et en plus grossier. « Fous leur la paix au lieu de t'éclater comme un gros c.. ». Et là, Jerzy, il a pas le temps de finir sa phrase débile ; je me jette sur lui. Je le bastonne comme y faut. Il dit plus rien. Il me regarde juste avec un sourire moqueur, malgré sa sale tronche amochée. Je crois que je vais enfin me rendormir. Mais que dalle ! Jerzy me regarde tout le temps avec sa tête toute enflée. C'est dur de dormir avec un type comme ça qui vous regarde sans cesse, comme s'il allait vous sauter dessus sans prévenir. Et voilà ! C''est l'insomnie qui commence à trois heures du mat'.
Et Jerzy revient toutes les nuits. Et je le bastonne toutes les nuits. Et il me nargue encore toutes les nuits, même quand je prends un somnifère.
Et quand, à sept heures, c'est le moment d'aller au boulot, avec une tête comme un caisson dans lequel se cogne une bille de métal,j'ai la haine contre Jerzy. Heureusement, la chasse à l'homme recommence. Et me revoilà parti batailler contre tous les Jerzy du monde. C'est comme ça que je tiens. Finalement je fais un chouette boulot. »
Toute ressemblance avec des faits ou des personnages réels ne serait pas une pure coïncidence. La réalité est encore pire. Pour plus d'informations, vous pouvez contacter le ministère de l'immigration (Oui ! un ministère comme ça, ça existe vraiment ! On croyait que, depuis la seconde Guerre Mondiale, des choses pareilles ne devaient plus arriver. Vous ne rêvez pas, c'est pourtant là, et bien là !) comme certains personnages du nom de Hortefeux, Besson (et maintenant Guéant) qui orchestrent un jeu sordide et inhumain, consistant à comptabiliser le nombre de personnes à renvoyer de France comme on compte le nombre d'objets manufacturés sortis d'une usine. Si vous arrivez à lui parler, évoquez Georges Domborynski. Ils doivent sans aucun doute le connaître.
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