Draquila, ça nous pend au nez !
Article du 7 novembre 2010
A nous aussi, ça nous pend au nez, en bien pire encore, les conséquences de cette dérive autocrate, antidémocratique où tout est permis, au mépris de la loi, et en se servant d'elle, à l'image de l'Italie Berlusconienne.
On connaît très bien le ridicule du personnage qu'est Silvio Berlusconi, le président du conseil italien. S'il n'y avait que ses blagues vaseuses, ses frasques étalées à la une des journaux, son sexisme outrancier, son racisme avoué et son obsession à se retailler le corps pour rester jeune, on en rirait peut-être, et encore.
Malheureusement, il est président d'un pays, européen de surcroît, donc intimement lié à notre destinée communautaire.
Si le ridicule tuait, il serait mort depuis longtemps. Mais ce n'est pas le cas dans ce monde et cette Europe où règne le pouvoir de l'argent, pouvoir qui a besoin de personnages populistes comme Berlusconi en Italie ou Nicolas Sarkozy en France pour s'assurer sa domination et sa puissance.
Heureusement, nos pays, de par leur passé de résistance, de par leurs lois qui maintiennent encore un semblant de démocratie où les voix peuvent dire toujours, il existe des porte-parole, des Michael Moore version européenne. C'est le cas de Sabina Guzzanti.
Ancienne journaliste de la RAI, artiste et cinéaste, elle propose pour son quatrième long-métrage "Draquila", une incursion édifiante dans la gouvernance berlusconienne.
En traitant des conséquences du tremblement de terre à l'Aquila, la cité d'art du nord de l'Italie, elle montre comment un drame est toujours une occasion pour le Président du Conseil italien et ses alliés financiers, religieux et économiques, d'accroître leurs pouvoirs et leur richesse personnelle.
Elle démontre comment l'état italien, par l'intermédiaire des pouvoirs étendus donnés à la Protection Civile (la plupart du temps sans rapport réel avec le sens de sa mission), se sert du pays comme d'une entreprise à but lucratif qui n'a pour but que de rapporter de l'argent à ceux qui le dirigent.
Il est question de collusion entre les pouvoirs financiers et économiques avec la religion et la Mafia, le tout couvert par des discours manipulateurs qui en disent tout le contraire.
Les chiffres et la réalité pourtant parlent d'eux-mêmes. La Mafia n'a jamais autant gagné d'argent. Et l'argent public sert à financer des oeuvres caritatives de l'Eglise catholique en quantité très importante. La Mafia, par le blanchiment de l'argent sale, prend des parts importantes dans des programmes de contruction et reconstruction (comme à l'Aquila), sous couvert d'hommes politiques à l'apparence respectable.
A l'opposé, les victimes du tremblement de terre, comme la population italienne qui subit la crise financière et économique, se font sucer leur sang par un Draquila à tête de Berlusconi.
Le film est terriblement efficace dans sa démonstration. Il montre aussi comment l'opposition politique (qui, quand elle était au pouvoir, a aussi usé dans une certaine mesure de ses abus) reste très passive face à cette transformation de l'état italien dont les lois ne sont faites que pour protéger le président et ses ouailles contre toute tentative de condamnation judiciaire.
Sabina Guzzanti fait aussi témoigner les populations. Et l'on découvre comment le discours berluscinien, fait d'ambiguïté, de fausses promesses et de sourires trompeurs, résonne dans la tête des gens. La cinéaste explique que "Ce qui est fascinant avec Berlusconi, c'est la façon dont il amène les gens à penser contre eux-mêmes".
Le plus terrifiant dans tout cela, c'est le fait qu'il est inévitable de ne pas faire la comparaison avec ce qui se passe en France. Si le phénomène n'a pas encore atteint cette ampleur, le ver est déjà dans le fruit. Populisme, Bling Bling, fric, autocratie déguisée, goût du mystère, manipulation, empire médiatico-financier, corruption, manoeuvres occultes, soumission de la justice, l'Italie de Silvio Berlusconi ressemble à s'y méprendre à la France de Nicolas Sarkozy.
Ce qui se passe de l'autre côté des Alpes nous pend au nez. En ce sens, le film de Sabina Guzzanti ne traite pas seulement de son pays, mais de tout cet Occident dont les dirigeants s'engraissent sur le dos des plus pauvres, en leur faisant croire qu'ils ne pensent qu'à leur faire du bien. Un des témoins désabusés du film déclare :"C'est une dictature... une dictature de la merde."
Bande annonce de Draquila
Un film documentaire nécessaire.
Berlusconi se sentirait-il touché par le doigt de Dieu ?
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