THEATRE DU PUZZLE

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La peine de mort "Un châtiment inhumain" / Véronique Gaymard

Article très intéressant trouvé sur le site de Timoxana

http://timoxana-timoxana.blogspot.com/

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La peine de mort, «un châtiment inhumain»

 
Par Véronique Gaymard,
Grand reporter à Radio France Internationale. Depuis 1995, Véronique Gaymard est grand reporter à RFI, spécialiste de l'Amérique Latine.       

Chambre d'exécution aux Etats-Unis

Comme chaque année, le 10 octobre est la Journée mondiale contre la peine de mort, une initiative créée en 2003 par une coalition d'ONG. Cette journée mondiale est l'occasion pour les abolitionnistes de sensibiliser la population, car même si de nombreux progrès ont été enregistrés ces dernières années puisque 139 pays ont aboli « de fait » la peine capitale, 58 continuent de l'appliquer. Le thème choisi pour cette neuvième édition de la journée mondiale est «l’inhumanité de la peine de mort».

Six pays concentrent les trois quarts des exécutions

A ce jour, 97 Etats ont aboli la peine de mort pour tous les crimes. En tout, 139 pays sont abolitionnistes « de fait ». En revanche, 58 continuent à l’appliquer.

Parmi les pays qui exécutent le plus, figure la Chine avec plusieurs milliers d'exécutions en 2010, selon les estimations d'Amnesty International ; des chiffres qui sont toujours secrets d’Etat dans ce pays. Suivent la Corée du Nord, l'Iran avec une forte augmentation du nombre d'exécutions y compris des mineurs et des femmes, le Yémen, l'Arabie Saoudite avec dix décapitations au sabre ces derniers jours, et enfin les Etats-Unis.

Dans ce dernier pays, qu'on appelle la « plus grande démocratie du monde », 34 Etats continuent d'appliquer la peine capitale. En 2010, il y a eu 46 exécutions dans 12 Etats, et on se souvient de l'émotion suscitée par l’exécution de Troy Davis le 21 septembre 2011 dans l'Etat de Géorgie.

La peine capitale « à rebours de l’Histoire » selon Robert Badinter

Pour l'ancien garde des Sceaux Robert Badinter, artisan de l'abolition de la peine capitale en France il y a tout juste 30 ans, les pays qui continuent d'appliquer cette sentence sont à rebours de l'Histoire.« Les trente dernières années écoulées témoignent du mouvement irrésistible de l’abolition universelle. Nous sommes passés de 35 Etats en 1981 à 139 Etats abolitionnistes aujourd’hui, c’est dire le chemin parcouru. Dans les Etats qui se cramponnent à la peine de mort, leurs dirigeants savent parfaitement qu’elle n’a jamais été un instrument de lutte contre la criminalité sanglante. C’est inutile, sanglant, et inhumain comme le déclare la Cour européenne des droits de l’homme ».

L’inhumanité de la peine de mort

La Coalition mondiale contre la peine de mort rappelle, cette année, les liens entre peine de mort et torture, et les traitements inhumains et dégradants qu’elle constitue. Sandrine Ageorges-Skinner est une militante acharnée contre la peine de mort, elle-même s'est mariée avec un condamné à mort au Texas, Hank Skinner, qui a toujours nié avoir commis les crimes dont il est accusé. Après un sursis accordé in extremis moins d'une heure avant l'exécution le 24 mars 2010, la Cour Suprême a accepté que des analyses ADN qu'il réclamait depuis 10 ans soient réalisées. Mais sans attendre les résultats, une nouvelle date d'exécution a été fixée au 9 novembre prochain.

Sandrine Ageorges-Skinner est donc très impliquée dans toutes les actions de sensibilisation en France et aux Etats-Unis.« La journée mondiale contre la peine de mort est surtout là pour éduquer le public sur ce qu’est la peine capitale et le thème cette année est « la peine de mort est inhumaine ». Car la peine de mort est une torture, il faudra bien qu’un jour, en droit international, on le reconnaisse, que ce soit pour les condamnés à mort, pour leurs familles, pour les familles des victimes des crimes commis, que ce soit les méthodes d’exécution, les conditions d’incarcération…Cela (cette journée) permet aux gens de se rassembler, d’organiser des débats, des projections, mais aussi d’avoir des rencontres avec des parlementaires pour se faire entendre ».

Témoignage d’un ancien condamné à mort

L'Américain Curtis McCarty a eu la chance de sortir de l'enfer du couloir de la mort aux Etats-Unis où il a passé 19 ans en Oklahoma, de l’âge de 22 ans à 44 ans,  pour un crime qu'il n'a pas commis. « Ils savaient que ce n'était pas moi, mais ils avaient des objectifs politiques, il fallait qu'ils résolvent un crime terrible. Ils étaient persuadés que je savais qui l'avait commis, et ils m'ont menacé en me disant que si je ne le disais pas, ils allaient m'accuser moi du meurtre, et c'est ce qu'ils ont fait ».

Libéré en 2007, Curtis McCarty est ressorti brisé de ces années de prison. Cette année, il est venu à Paris pour témoigner. Car il tient à faire part de son calvaire lors de cette journée mondiale, même si à chaque phrase, ses yeux se remplissent de larmes. « C'est très douloureux pour moi de parler de ces assassinats, car je dois revivre tout cela, et toutes ces choses terribles que j'ai vues, et dont j'ai souffert. J'ai eu une longue conversation avec ma mère qui était en train de mourir. Elle m'a rappelé que moi, j'étais libre, et que je pouvais parler librement, et que même si c'était très difficile, je devais le faire, pour tous mes amis qui sont morts, et pour ceux qui étaient encore dans le couloir de la mort et qui ne pouvaient pas se faire entendre ».

Pour la première fois, Curtis McCarty a pu serrer la main de Robert Badinter à Paris, et le remercier pour son action. Il regrette qu'aux Etats-Unis, personne n'ait encore ce courage politique.

L’Afrique sur le chemin de l’abolition ?

Sur le continent africain, plusieurs pays ont déjà aboli la peine capitale, comme le Sénégal, l'Afrique du Sud, la Côte d'Ivoire ou encore l'Angola et le Rwanda.

En 2010, quatre pays ont procédé à des exécutions : Le Soudan, la Somalie, la Guinée équatoriale et le Botswana. Malgré un moratoire « de fait » dans de nombreux pays, beaucoup de dirigeants continuent d’utiliser la peine de mort comme une arme électorale. C’est ce que dénonce Liévin Ngongi, avocat et président de la coalition des Grands Lacs contre la peine de mort. Selon lui, ce châtiment n'est ni efficace, ni nécessaire, puisque les violences n'ont pas cessé dans son pays où des élections législatives et présidentielles sont prévues fin novembre 2011. Selon cet avocat, les arguments de ces dirigeants ne sont pas recevables.« L’idée est souvent de dire :l’abolition c’est une question de Blancs, une question qui concernent les étrangers », mais non ! L’Angola a aboli la peine de mort en pleine guerre, en 1982, c’est notre voisin ; le Rwanda, le Burundi également ; le Gabon vient de l’abolir, ainsi que le Togo, donc dans le cercle du bassin du Congo, ce ne serait pas une exception congolaise ».

Ratifier les instruments juridiques internationaux

Liévin Ngongi, avocat et président de la coalition des Grands Lacs contre la peine de mort, dénonce la contradiction entre le fait que son pays, la République démocratique du Congo, a ratifié des instruments internationaux comme la Cour pénale Internationale (CPI) qui interdit d’appliquer la peine de mort pour les personnes qu’elle juge, donc les plus hauts responsables de crimes internationaux les plus graves – crimes contre l’Humanité, génocide ou crimes de guerre - alors que la RDC continue pourtant à l'appliquer pour les crimes de droit commun.« C’est une justice à double vitesse, injuste, où les plus hauts responsables n’encourent pas la peine de mort, mais les exécutants eux, sont livrés à la guillotine ».

Parmi les quatre instruments internationaux qui prévoient l’abolition de la peine de mort, un seul a une portée mondiale : le deuxième protocole facultatif du Pacte international sur les droits civils et politiques. A ce jour, 73 Etats sur 193 l’ont ratifié. Robert Badinter insiste sur ces ratifications car« la loi internationale prime sur la loi nationale, donc passer par la ratification des protocoles internationaux interdisant le recours à la peine de mort est une démarche utile, encore faut-il ensuite qu’on respecte cet engagement international ».

Les révolutions arabes et la peine de mort

Après les révoltes dans le monde arabe, la coalition mondiale contre la peine de mort espère que les nouveaux gouvernements désignés par les urnes en Tunisie, et bientôt en Egypte et en Libye, incluront l’abolition de la peine capitale dans leurs programmes, même si le débat religieux empiète encore sur ces questions.

Jusqu’à présent, seule la Tunisie, en ratifiant le statut de Rome et devenant ainsi le 117eEtat-partie à la Cour pénale internationale, amorce le mouvement. Mais elle n’a pas encore ratifié d’autres instruments internationaux, et les débats sur l’abolition ont été reportés après les élections.

En Egypte, la situation encore instable ne permet pas d’aborder ce sujet, et lors des procès en cours contre Hosni Moubarak, la population a exigé que la peine de mort soit infligée aux plus hauts responsables.  Néanmoins pour Raphaël Chenuil-Hazan, directeur de ECPM (Ensemble contre la peine de mort), ces révolutions marquent tout de même un espoir.« On peut espérer que cela va se calmer et que l’Egypte, comme ses voisins, va entamer une réflexion de fond sur la justice et sur la peine de mort ».Selon ce militant, le Maroc pourrait bientôt rejoindre les pays abolitionnistes si le Royaume affiche une réelle volonté politique.

Appel à la volonté politique des dirigeants

A ce jour, l'Amérique latine est pratiquement totalement abolitionniste, l'Union européenne a éradiqué la peine de mort, c'est d’ailleurs une condition pour en faire partie. En revanche, un seul Etat du continent  continue de la pratiquer, la Biélorussie, montrée du doigt comme étant la dernière dictature d'Europe. Pour sa part, l'Asie tient encore le triste record du nombre d'exécutions entre la Chine, Singapour et le Vietnam.

Pour Robert Badinter, l’abolition est avant tout l’expression d’un courage politique.« A tous les leaders politiques, je dis : "ayez du courage politique, n’attendez pas que les peuples descendent dans la rue pour réclamer l’abolition, le rapport à la mort des êtres humains est tel que cela ne se fera pas" ». L’abolition, une fois qu’elle est acquise, est toujours accompagnée d’un mouvement général d’humanisation de la justice »

 

Robert Badinter

 

Amnesty International, dont le combat contre la peine de mort fait partie de ses tous premiers combats, a donc décidé de lancer une vaste campagne de sensibilisation autour du 10 octobre (journée mondiale contre la peine de mort) et d'appeler le public à les rejoindre dans leur combat, avec une pétition contre l'exécution de deux condamnés à mort aux Etats-Unis, Reginald Clemons et Troy Davis.
 



15/10/2011
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