THEATRE DU PUZZLE

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Manipulations 2 / Une histoire française / L'affaire Clearstream

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MANIPULATIONS 2

Une affaire française

L'affaire Clearstream

2ème partie

 

 

(Suite de l'article avec les épisodes

1 : "Au commencement, le troisième homme"

et 2 : "Clearstream, la banque des banques")

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Episode 3 :"Jean-Luc Lagardère / le scénario noir"

 

Dans l'épisode 2, nous en sommes rendus au moment où le journaliste Denis Robert qui enquêtait sur les réseaux de l'argent sale vient de rencontrer Imad Lahoud, nouvellement employé par la DGSE (services secrets français) pour traquer les circuits financiers d'Oussama Ben Laden. Pour cela, il faut des listings de numéros de comptes internationaux. Denis Robert les a et les lui fournit.

 

Un petit détail qui a son importance : Imad Lahoud demande à Denis Robert s'il y a le nom de Gomez sur les listings. Ils cherchent ensemble et trouvent un compte au nom de Hugo Caceres Gomez. Après réflexion, ils conviennent qu'il ne peut pas s'agir d'Alain Gomez, PDG de Thomson CSF, adversaire déclaré de Jean-Luc Lagardère, employeur de Jean-Louis Gergorin avec qui Imad Lahoud est en lien et par lequel il a contacté la DGSE. Et pourtant... un tour de passe-passe est si facile à faire. Mais nous n'en sommes encore pas là.

 

 

Jean-Luc Lagardère

 

Jean-Luc Lagardère est PDG du groupe Lagardère (groupe privé qui produit de l'armement avec Matra et qui est propiétaire de Hachette -200 titres, 1 milliard d'exemplaires vendus). C'est un groupe militaire puissant, influent dans les cercles du pouvoir et le n°1 de l'édition française.

 

Alain Gomez est PDG du groupe Thomson. C'est un personnage original et contreversé, ancien parachutiste, énarque, séducteur, et dans un paradoxe apparent, aussi un copain de Jean-Pierre Chevènement. L'entreprise ? 75 milliards de chiffre d'affaires. Thomson produit entre autres du matériel militaire, est souvent en bonne place dans les gros contrats d'état. Personnage sulfureux, Alain Gomez arrose les intermédiaires et les politiques. Il a été nommé à la tête d'un groupe nationalisé par la gauche. Il travaillera autant avec des gouvernements de cette tendance qu'avec ceux de la droite jusqu'au moment où il sera débarqué pour des raisons que nous verrons plus tard.  

 

 Alain Gomez

 

C'est l'époque où Taïwan s'ouvre aux marchés militaires et souhaite acheter des mirages. Nous sommes au début des années 90. Un contrat de 30 milliards est signé entre la France et Taïwan pour la livraison de 60 mirages. Lagardère fournit les missiles, le reste c'est pour Dassault et Thomson. Dans un premier temps, Lagardère récupère 1,5 milliard sur le total de l'affaire. Pourtant, en une nuit d'âpres négociations, cette part de Lagardère passera à 11 milliards sur le même total.

 

Ce revirement scellera une haine farouche entre Lagardère et Thomson car le contrat avait été préalablement discuté et négocié par Dassault et Thomson à Taïwan, Lagardère n'arrivant qu'après les premières décisions. D'ailleurs Thomson cherchera à mettre en difficulté Lagardère par l'intermédiaire d'un avocat sino-américain, William Li et une plainte de petits actionnaire spoliés lors de la fusion de Matra et Hachette dans le groupe Lagardère, ce qui fera croire d'abord à un complot US contre Lagardère. Cette opération fut nommée "Couper les ailes de l'oiseau".

Alain Gomez est démis de ses fonctions par le gouvernement de droite qui vient d'accéder au pouvoir. Cela ne suppprimera pas la colère de Jean-Luc Lagardère pour Alain Gomez.

 

Pour répondre aux menaces planétaires et à la concurrence des grands américains (entre autres), Lagardère va fusionner avec l'aérospatiale, puis avec de grosses entreprises allemandes et espagnoles, ce qui amènera à la création du géant industriel mondial EADS (avec Airbus dans son giron).

 

Trois semaines après la confrontation entre Alain Gomez et Jean-Luc Lagardère chez le juge, le patron d'EADS décède d'une maladie rare dont sont victimes en général des hommes d'une trentaine d'années. Jean-Louis Gergorin trouvera des récits montrant l'utilisation de cette maladie comme arme bactériologique dans des textes des services secrets russes (KGB). Pourtant rien ne pourra prouver qu'il y aurait eu assassinat.

Vu le contexte de guerre économique, Jean-Louis Gergorin imagine une théorie du complot et tombe dans une forme de paranoïa. Ses barrières rationnelles s'écroulent. Il se méfie de tout.

 

C'est dans ce contexte que Jean-Louis Gergorin demande à Imad Lahoud s'il n'y a pas eu des mouvements financiers suspects sur les titres Lagardère au moment de la mort de son PDG. Imad Lahoud lui apportera des listings où le nom de Hugo Caceres Gomez est transformé en Alain Gomez, confirmant la thèse du complot. Fragilisé psychologiquement par la mort de son mentor Jean-Luc Lagardère, Jean-Louis Gergorin se laissera pièger par Imad Lahoud.  La DGSE ne croit plus dans la fiabilité d'Imad Lahoud et mettra fin à leur collaboration. La manipulation commence pour Jean-Louis Gergorin...

 

Elle prendra toute sa dimension à la suite de l'épisode des frégates de Taïwan....

 

Manipulations / Episode 3 / Jean-Luc Lagardère le scénario noir

 

 

4ème épisode : Taïwan / Naissance de la zone grise

 

La DGSE décide de se séparer de son nouvel agent Imad Lahoud, peu fiable et difficilement contrôlable. D'autant plus que le 30 juin 2003, paraît dans l'hebdomadaire Marianne un article évoquant l'utilisation d'un trader par la DGSE pour pénétrer les circuits financiers d'Oussama Ben Laden. C'est une copie conforme d'une note d'Imad Lahoud à ses supérieurs des services secrets.

 

  Le général Philippe Rondot

 

Le général Rondot en parle à Jean-Louis Gergorin. Ils considérent cela comme une trahison d'Imad Lahoud. Pourtant Imad Lahoud va réussir à convaincre les deux hommes (séparément) qu'il n'est pas l'auteur de ses fuites.

 

Le 9 juillet 2003, le général Rondot envoie une note à Michèle Alliot Marie, ministre de la Défense qui prend la décision de maintenir le traitement d'Imad Lahoud et valide sa reprise de "travail".

Celui-ci doit poursuivre sa recherche sur les filières financières du terrorisme. A l'été 2003, pour satisfaire JL Gergorin et le général Rondot, Imad Lahoud envoie donc ses fameux listings de Clearstream où Hugo Caceres Gomez est devenu Alain Gomez.

JL Gergorin croit dans la véracité de ses feuillets, pris qu'il est dans l'obsession du complot qui a amené à la mort de son mentor JL Lagardère.

 

Le 6 novembre 2003, un faux listing est amené par Imad Lahoud au général Rondot dans lequel sont inscrits des hommes politiques français de gauche comme de droite, ré-alimentant les réalités d'arrosage de la classe politique comme au temps des années 80-90 et ses scandales, avant les lois de moralisation des relations entre politique et économique. Pour JL Gergorin, c'est le souvenir du conflit opposant Lagardère à Thomson, le temps de l'affaire dite des Frégates de Taïwan...

 

Rappel des faits :

 

Frégate taïwanaise

 

1989 : après la vente de frégates de combat à la Corée du Sud, le ministre taïwanais de la défense visite les arsenaux français. Objetcif : l'achat de frégates furtives (non détectables par les radars) sur un modèle proche d'une frégate existante dans la marine française. Ces frégates ne sont encore qu'à l'état de maquettes. Cet achat est accompagné de pots-de-vin, pratique courante dans la négociation de contrats.

 

Mais le 3 juin 1989 a lieu le massacre de la place Tian An Men à Pékin qui provoque le gel des relations sino-françaises. Ainsi le contrat des frégates entre la France et Taïwan est considéré par les dirigeants de la Chine comme ue déclaration de guerre. Les autorités françaises formulent un véto à la signature des ces contrats.

C'est un échec stratégique grave pour Thomson qui va intensifier les versements de commissions en trois directions :

1/ vers Taïwan pour relancer le processus de négociation.

2/ vers la Chine pour qu'elle ferme les yeux sur ces contrats en lui indiquant que les frégates n'auront pas toutes les options initialement prévues.

3/ Vers la France enfin et ses hommes politiques pour qu'ils remettent le projet en route.

Au-delà de la situation géopolitique, les enjeux financiers sont très importants pour Thomson et selon la formule consacrée :

Pas de gros contrats sans corruption.

Pas de corruption sans intermédiaires.

Ah ! les intermédiaires ! Ceux qui savent qui contacter, où s'adresser, comment agir.

Pour les chinois, ce sera Mme Li Li Yu. 12 millions de dollars.

Pour Taïwan, ce sera M. Wang Chuan Poo, appelé M. Wang. Il sera au coeur du scandale. Il sera très efficace et sa mission sera un succès. Il recevra 500 millions de dollars de commissions occultes.

Pour la France, ce sera le groupe pétrolier ELF, système néo-colonial en Afrique, bras droit de la France dans la relation aux états africains pour mettre de l'huile dans les rouages de la politique étrangère française. A cette époque, les deux intermédiaires d'ELF seront Alfred Sirven et Christine Deviers-Joncour. Leur but : faire lever le véto de Roland Dumas. ELF aidera Thomson à monter ce marché avec des contreparties financières pour Pékin.

 

Roland Dumas et Christine Deviers-Joncour

 

A l'été 1991, la machine à corrompre fonctionne à merveille. Les commissions sont exorbitantes et même validées par le ministre du budget d'alors, Michel Charasse. Il y aura aussi des rétrocommissions (l'acheteur reverse de façon occulte une partie des sommes qui lui ont été données), précisément 750 millions de dollars soit 4 milliards de francs. Cela alerte les services secrets français qui mettent en place une surveillance des ventes d'armes et des frégates.

 

Taïwan achète donc 6 frégates pour 14 milliards de dollars au bout de 4 négociations. Avec la corruption, cela donnera 16 milliards de francs  dont 30 % de commissions validées par l'un des successeurs de Michel Charasse : Nicolas Sarkozy, ministre du budget de 1993 à 1995.

 

Le capitaine taïwanais Nin qui avait donné un avis défavorable au contrat est retrouvé mort, assassiné sur une plage de son île. L'agent de la DGSE à Taïwan, se sentant déstabilisé, part aux USA et démissionne. Plus tard quand il reviendra en France, refusant de céder à la pression qu'on lui impose pour qu'il se taise, il sera défenestré en pleine nuit du 4ème étage de son appartement parisien. L'enquête conclura à un suicide sans autre forme d'approfondissement. M. Wang quittera Taïwan  pour les USA puis pour le Royaume-Uni pour éviter une extradition.

 

Ce qui est sûr, pour l'affaire des frégates de Taïwan, c'est qu'il y a eu commissions ET rétrocommissions. La question : pour qui est revenu l'argent revenu en France ?

 

C'est la juge Eva Joly qui sera chargée de l'enquête judicaire. Roland Dumas, Alfred Sirven, Christine Devier-Joncour seront mis en accusation. Devant la commission d'enquête parlementaire Peillon-Montebourg, un des artisans du contrat affirmera que Taïwan a versé 4 milliards de dollars à la signature du contrat. 2,5 milliards devaient lui être reversés. Seulement 800 millions le seront.

Le reste ? On notera d'importants mouvements financiers sur le compte de M. Wang en Suisse.

Malgré les demandes du Juge Vam Ruymbeke, l'état français a toujours refusé la lever du secret défense sur les ventes de frégates à Taïwan.

 

C'est donc à ce moment-là qu'Imad Lahoud remet les 1ers faux listings en y accollant les noms d'Alain Gomez et Wang Chuan Poo (Imad Lahoud nie avoir truqué les listings mais admet avoir toujours su qu'ils étaient faux). La situation politique du moment et le sentiment paranoïaque qui a saisi JL Gergorin à cette époque font qu'il croit dur comme fer à cette liste de comptes. Il veut la faire vérifier par la DGSE. Le général Rondot ne veut pas mêler ses services  à cette affaire. Jean-Louis Gergorin en parlera alors à un proche... Dominique de Villepin.

 

 

Ce sera bientôt le temps des déchirures au sein de la droite entre balladuriens et chiraquiens sur fond d'élections présidentielles, et l'affaire des sous-marins vendus au Pakistan, connue sous le nom de contrat Agosta et ses conséquences : l'attentat de Karachi...

 

Ce sera aussi l'entrée des politiques dans l'affaire Clearstream.

 

Manipulations / Episode 4 / Taïwan / Naissance de la zone grise

 

Suite dans l'article /

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18/01/2012
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