Nelson Mandela - Déjouer l'ennemi / John Carlin
Déjouer l'ennemi
Nelson Mandela et le jeu qui a sauvé une nation
titre original anglais :
"Playing the enemy / Nelson Mandela and the game that made a nation"
de John Carlin
Editions Alterre / 2008
Voici un livre formidable, découvert après avoir vu le film "Invictus" de Clint Eastwood sur l'épopée des Springboks pendant la Coupe du Monde de rugby en 1995 en lien à la chute de l'Apartheid en Afrique du Sud.
Le film est tiré de ce livre. Pour des raisons évidentes de durée, le film s'attarde surtout sur la partie de l'histoire en lien au rugby et à la Coupe du Monde 1995.
Par le bouquin, on plonge dans le passé de l'Apartheid, dans l'histoire individuelle et collective de tous ces personnes, noires et blanches, métisses et zoulous, depuis les années 1960 et la prison de Robben Island où Mandela a été emprisonné en 1964.
Le livre est un puzzle géant de ces histoires qui auraient pu rester des confontations violentes mais qui sont devenues une grande histoire de nation par un homme exceptionnel, Nelson Mandela qui a su fédérer l'inconciliable.
Autant les Afrikaners tels Kobie Coetsee ou Christo Brand, les Boers extrêmistes du Volkfront comme Constand Viljoen, que les opposants noirs de l'ANC (African National Congress) tels Justive Bekebeke ou Linga Moonsamy, tous ont capté cette extraordinaire capacité de Nelson Mandela de comprendre et de mettre en oeuvre l'idée que pour construire une nation, il ne faut ni vainqueurs ni vaincus.
Le livre est très émouvant par les témoignages qu'il relate et qui font comprendre la complexité de la situation au temps de l'apartheid avec des blancs d'origine néerlandaise et britannique qui n'étaient toujours, loin de là, en accord, et des poopulations noires découpées artificiellement par des lois ségrégationnistes, en noirs, zoulous et autres sous-catégories peu définnissables. La situation post-apartheid était toujours aussi complexe du fait des haines ancrées après des décennies de ségrégation et les envies de vengeance violente d'une partie de la population noire en lien à la peur des blancs d'être laminés.
Et c'est dans ce contexte que Nelson Mandela joue une partition fabuleuse que le livre raconte avec une infinité de détails. Le film de Clint Easwood ne fait qu'effleurer tout cela. Le livre, mot par mot, image par image, nous fait entrer dans cet univers rempli de doutes et d'espoirs, de peurs exacerbées et de petits miracles au quotidien. Tout cela entraîne vers cette Coupe du Monde de rugby hors-norme de 1995 en Afrique du Sud où la victoire du pays hôte dépassait largement le contexte sportif.
Un an après l'élection de Nelson Mandela à la tête de cet état, cette victoire a sonné la naissance d'une nouvelle nation. Le récit de John Carlin est très émouvant, très puissant. L'auteur ne cherche pas à enjoliver, mais à confonter pour mieux réunir. Il n'y a pas d'angélisme qui nierait les difficultés réelles de l'Agrique du Sud (chômage, santé, pauvreté, etc...). Par contre, il montre comment l'influence de Nelson Mandela a permis de sortir du cycle de la violence.
Ce livre est un excellent complément pour ceux qui ont vu le film, qui l'ont aimé ou qui l'ont trouvé peut-être trop "léger". C'est aussi un excellent document pour ceux qui n'ont pas vu le film, poignant même à la lecture de certains chapitres.
Revoir "Invictus" sur un écran à présent devrait être très intéressant en ayant en tête ces autres images littéraires et historiques du livre de John Carlin. Ce bouquin est d'ailleurs reparu en 2010 sous le titre "Invictus Nelson Mandela", une nouvelle couverture pour un même récit.
Extraits
(Page 12)
Depuis la chute du nazisme, nulle part ailleurs n'a-t-on vu cette habitude déshumanisante aussi complètement institutionnalisée qu'en Afrique du Sud.
(Page 35)
Fikile Bam (à propos de Mandela) ... "Dans son esprit, et il nous le prêchait, un Afrikaner était un africain. Il appartenait à la terre, et peu importe quelle serait la solution aux problèmes politiques, ele impliquerait le peuple Afrikaans."
(Page 64)
Mandela comprenait d'abord (...) que la violence déchaînée de Botha sur la population noire (...) signifiait une faiblesse et un désespoir grandissant.
(Page 88)
... une formule très simple : réconcilier les peurs des blancs avec les aspirations des noirs.
(Page 97)
Le seul moyen de vaincre le tigre afrikaner était de l'apprivoiser (...) La priorité de Mandela était d'éviter une guerre civile.
(Page 133)
Mandela (...) possédait une arme que le général n'avait pas : la capacité de pénétrer dans l'esprit des gens de culture différente de la sienne.
(Page 212)
Mandela avait forgé la transformation, devenant l'incarnation non de la haine et de la peur, mais de la générosité et de l'amour.
(Page 233)
Mandela avait libéré le peuple blanc de la peur, c'est vrai. Mais cela allait plus loin encore. Il l'a libéré au sens large. Il l'a racheté à ses propres yeux et aux yeux du monde.
(Page 240)
(Mandela devant des partisans de l'ANC) "Je comprends votre colère, mais si vous construisez une nouvelle Afrique du Sud, vous devez être prêts à travailler avec des gens que vous n'aimez pas."
(Page 241)
"Vous savez quoi ? La bonne nouvelle à propos de ce qui est survenu de bon, c'est que cela peut se reproduire."
Lien vers l'article sur le film "Invictus"
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