Théâtre - Les Animals - Théâtre Ispoug - 13 mai 2014 - Dijon Feuillants
Les Animals
Théâtre Ispoug
Mardi 13 mai 2014 - Théâtre des Feuillants – Dijon
Etonnant spectacle que les Animals.
Déjà le titre interpelle. L’erreur orthographique volontaire semble de fait amener à l’idée du décalage formel de cette création inspirée des peintures de Leonard Lamb (qui a d’ailleurs fabriqué les marionnettes du spectacle).
Les Animals ressemblent plus à une humanité en perte de sens cherchant son chemin dans le chaos du monde. Ces humains-animaux parfois géants, parfois difformes, nous entraînent dans un cirque (au sens propre) post apocalyptique, après une énième guerre à grande échelle. Ils semblent s’amuser de ce qui reste de la vie, traînant leur grande carcasse un peu maladroite dans les sphères frontalières de la mort.
On sent la souffrance poindre dans moult détails de costume ou de jeu, dans les secousses épileptiques des corps au son des bombes et des mitraillages, dans le plumage goudronné des anges, dans la danse folle de ces êtres hors normes sous les balles.
Visuellement c’est superbe. Le choix esthétique né de l’univers de Leonard Lamb permet de mieux accepter le dérangement, voire le malaise que renvoie ce monde scénique qui ressemble beaucoup au nôtre. C’est un peu comme un miroir accentué de notre réalité existentielle, paradoxalement plus crue parce que, derrière ces « monstres » déformés se cachent, sans vraiment vouloir se cacher d’ailleurs, nos déséquilibres sociétaux et nos peurs pour l’avenir.
C'était comme une errance entre vie et mort, troublante comme un reflet appuyé de cette réalité de la vie qui agace à force d'être tacitement acceptée.
En masquant le propos sous des costumes de marionnettes, sous des masques ou derrière des colonnes à damiers blancs et noirs, on semble mieux lire le monde qu’en écoutant la presse quotidienne et le flot d’information mortifères qui s’y déversent.
C’est un spectacle sans paroles aux limites improbables entre le théâtre et la danse contemporaine qui pourrait sembler hermétique à première vue, sans doute parce qu’il révèle des angoisses qu’on voudrait refoulées. Le trio de créateurs (Hélène Polette, mise en scène, Alexandre Bakker, dessin, Leonard Lamb, peinture) disent avoir voulu représenter le chemin qui mène de l’enfer aux portes du paradis dans une mort qui danse et s’amuse. En fait cette mort ressemble beaucoup à cette vie réelle que nous connaissons, faite de guerres et de conflits, d’incompréhensions et de dialogues rompus. Vie dans laquelle chacun se dépatouille comme il peut pour y sauver sa peau. C’est cette petite vie à l’échelle d’un humain-fourmi qui danse sous nos yeux.
C’est quelque peu hypnotisant, magnétique parce que la beauté visuelle, la créativité sans limites accrochent le regard, dans un rythme lent qui l’aspire. Même si on ne comprend pas tout (d'ailleurs est-il vraiment nécessaire de comprendre ?), peu importe, la sensation est forte. Il est difficile de trouver les mots à la sortie du spectacle comme s’il y avait besoin de temps pour que la raison reprenne le pas sur l’impression après un silence peut-être nécessaire.
Voici donc un spectacle dérangeant et beau…
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