THEATRE DU PUZZLE

THEATRE DU PUZZLE

Théâtre - "Un Obus dans le cœur" de Wajdi Mouawad - Compagnie L'Autre Monde

« Un obus dans le cœur »

De Wajdi Mouawad

Création de la Compagnie L’Autre Monde

Jeu : Julien Bietrach

Régie son-lumières : Cyril Manetta

Mise en scène : Jean-Baptiste Epiard et Julien Bietrach

Musique : Johan Lescure

 

 

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La CCAS d'EDF (Caisse Centrale d’Activités Sociales) s'occupe d'un grand nombre de centres de vacances pour ses agents. Elle s’en occupe directement ou elle en laisse en gérance à la société Campéole (Gilbert Trigano).  Ainsi, dans le cadre de la programmation culturelle de ces centres, elle propose deux spectacles par semaine pendant les vacances d’été, soit environ 800 représentations. Ce sont des spectacles et animations de toutes sortes, autant des concerts que des pièces de théâtre, mais également des conférences sur le vin ou autres soirées culturelles.

 

C’est dans ce contexte que le camping « Les Rives des la Dordogne » au hameau de Caudon à Domme a accueilli la Compagnie L’Autre Monde pour la pièce de Wajdi Mouawad « Un Obus dans le Cœur », un spectacle fort et émouvant porté par le jeu puissant et tout en nuances de Julien Bietrach (issu de l’Ecole du Théâtre National de Chaillot).

 

C’est le récit de Wahad, un jeune homme de 19 ans, qui s’interroge sur sa vie alors qu’il se rend au chevet de sa mère mourante dans un hôpital qu’on devine se trouver au Québec.

Ressurgissent alors les épisodes de son enfance dans un pays en guerre (le Liban de toute évidence). Cette enfance est source de questionnement sur ce qu’est le commencement. Est-ce la naissance ou bien un point précis de son histoire après ? Quelque chose qu’on n’identifie pas encore ou peut-être jamais ? Cette idée de l’avant et de l’après résonne dans tous les allers et retours entre le passé et le présent, entre la mère qui se meurt et la maman d’avant avec les  autres membres de sa famille.

 

 

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Wahad porte en lui une colère énorme à l'image de ses incompréhensions et de ses doutes. Les cauchemars le poursuivent sans cesse comme celui de cette femme terrifiante aux jambes de bois qui cherche à le dévorer. Et toujours arrive alors la meute de loups qui viennent le sauver.

Comme lui rappelle souvent son grand-père, c’est un cauchemar d’enfant qui sauve d’un autre cauchemar d’enfant.

 

La pièce tour à tour violente et drôle, émouvante et passionnée, dans une histoire en rupture permanente comme sur le fil du rasoir, tient le spectateur en haleine jusqu’au bout de ce monologue rythmé aux atmosphères changeantes et parfois brutales. Le langage est direct et cru comme les sentiments du jeune homme qui se livre par delà la raison.

En fait, Wahad porte en lui toute la palette de sentiments contraires qui est présente en chacun de nous. Seulement lui, il les lâche comme des cris qu’il ne peut plus retenir. 

 

Certains passages marquent le récit avec force comme la rencontre avec le Père Noël qui vient divertir les malades à l’hôpital, un face-à-face avec Wahad à l’humour grinçant et décalé, teinté de dérision. L’histoire du bus en flammes aussi est un marqueur de la pièce. Elle commence comme un jeu d’enfant qui n’aurait dû être qu’un jeu d’enfant mais que la barbarie des adultes transforme en épouvante pour Wahad comme pour les spectateurs. La violence de la guerre du Liban laisse penser que cet épisode terrible a véritablement eu lieu. La scène évoque Beyrouth dans les années les plus terribles.

N’oublions pas ce final avec le combat contre la femme aux jambes de bois dans un cauchemar plus vrai que nature.

 

 

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L’écriture de Wajdi Mouawad est remplie d’une poésie violente où le mot est roi. On sent chez l’auteur l’amour des mots même les plus crus. Les histoires de famille s’entrechoquent avec le vacarme du monde contemporain. Il faut dire que le parcours de vie de Wajdi Mouawad transparaît nettement dans ce texte où la part d’autobiographie semble évidente. Cet auteur est né d’une famille libanaise qui a fui la guerre, d’abord en France où les limites du permis de séjour n’ont d’abord pas permis de s’installer définitivement (La France est la pays des droits de l’Homme ?). Ils sont alors partis au Canada, au Québec précisément où Wajdi Mouawad a pu développer sa place d’auteur, de comédien et de metteur en scène.

Reconnu internationalement, la France lui a réouvert ses portes. Il dirige maintenant le Théâtre National de la Colline où il a été nommé en 2015.

 

Pour en revenir à la pièce, on peut mettre en avant le contexte particulier de la scène du camping des Rives de la Dordogne avec représentation en extérieur. La culture se joue aussi sur les lieux de vacances. Une riche idée. Cela ajoute encore à la forte impression ressentie, une scène posée devant un mur de  vieilles pierres rénovées au pied des rochers boisés qui dominent la rivière Dordogne, le tout dans une petite intimité de spectateurs, une vingtaine au maximum. En quelque sorte un cadeau pour chacun d’eux.

Il ne faut pas oublier le formidable travail sur les lumières de Cyril Manetta dont les ambiances bigarrées et contrastées servent efficacement le jeu et le texte à souhait, renforçant les émotions et les ruptures de l’histoire.

 

Si ce spectacle est joué dans votre région, n’hésitez pas une seconde. C’est à voir absolument. 

 

 Galerie-photos

 

 



22/08/2017
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