Livre / "Les histoires d'amour finissent mal" de Sabrina Gayet
« Les histoires d’amour finissent mal »
de Sabrina Gayet
Editions le Lys Bleu – Juin 2022
320 pages
Premier roman d’une jeune auteure, Sabrina Gayet, « Les Histoires d’amour finissent mal » est un texte qui plonge les lectrices et lecteurs dans l’univers d’un couple de trentenaires et ses difficultés de vie. Au centre de tout, l’amour, leur amour et comment celui-ci peut trouver sa place dans les contraintes d’un monde professionnel vorace qui accapare ses proies aveuglément compatissantes jusqu’au point de rupture où tout se joue sur un fil. Samantha et Ian, les deux protagonistes de cette histoire sont tous les deux aux limites de perdre l’équilibre, de se perdre, de perdre l’autre dans un engrenage sans fin. Il faudrait changer les choses. Mais les choses se changent-elles aisément dans un monde qui avance sans cesse, comme le temps implacable et qui ne se soucie en rien du bien-être de ceux qui le font fonctionner ?
Les deux conjoints sont reliés l’un à l’autre par une sorte d’élastique invisible qui s’étire quand les crises prennent des proportions ingérables et se rétracte d’un coup quand la réalité de leur amour redevient une évidence. Tout reste pourtant fragile, l’élastique peut casser à tout moment. Rien n’est acquis, surtout quand le passé vient pointer le bout de son nez et que les histoires inachevées d’un autre temps viennent jouer les trouble-fête.
La douleur peut être la source d’une remise en cause salutaire comme c’est le cas pour certains personnages secondaires, des renaissances dont sont témoins Samantha et Ian. Tous les deux sont-ils réellement prêts à regarder la vie autrement ?
Sabrina Gayet au salon du livre de Salins-les-Bains (Jura), novembre 2023
Le propos est étayé par une multitude de petits fragments du quotidien, entre présent et passé, de Lyon, la grande métropole au nord du couloir rhodanien au Sancerrois et ses vignes. Des rues embouteillées de l'ancienne capitale de la Gaule romaine aux collines qui dominent la Loire en direction de Cosne. La parenthèse rurale avec ses petites cités et sa vie qui ressuscite les souvenirs de l'enfance est l'occasion d'une immersion détaillée dans ce qui fait la richesse d'une histoire collective où le temps prend une toute autre mesure.
Samantha, le personnage central de ce récit romanesque peut alors arrêter le mouvement inexorable de sa vie et puiser dans sa douleur les lumières qui brillent toujours en elle, histoire d'espérer peut-être encore, de refermer des pages inachevées de son existence, surtout de découvrir des pans cachées de son passé familial pas aussi simple qu'elle ne l'avait imaginé.
Lyon , pont Winston Churchill
En filigrane, le livre de Sabrina Gayet nous entraîne dans la vie d'un certain nombre de jeunes adultes trentenaires ou quarantenaires d’aujourd’hui, dans un monde où le travail prend souvent trop de place, quand il ne reste plus assez de temps pour soi, que les questions fondamentales sur le sens de l’existence ne sont plus posées. Sans s’en rendre compte, tel un séisme que personne ne voit venir, fatalement, ces questions remontent à la surface brutalement, comme un coup violent au visage. On peut faire alors le choix de les affronter et se redonner une chance de rester humain, ou de fuir, de fermer les yeux en attendant une autre secousse peut-être ultime. Une mort existentielle avant même celle de son enveloppe charnelle. Comment faire ressurgir alors son humanité sensible face au monde productiviste qui broient les âmes ?
Paysage viticole du Sancerrois
L’enjeu des deux personnages du roman, Samantha et Ian, est celui de beaucoup d’autres personnes dans la vraie vie, que ce soit au niveau individuel ou collectif. Il nous faut fatalement faire des choix au risque de se perdre davantage, voire même de nous perdre tous, à force de renoncements ou de fermeture à ce qu'il se passe autour de soi, ici ou ailleurs.
« Les histoires d’amour finissent mal » est un livre qui ouvre de multiples portes sur le monde d’aujourd’hui.
Extraits
Page 72
Vivre avec pour but d'être seulement heureux n'était qu'une utopie. En revanche, vivre avec l'idée d'être en adéquation avec soi et avec ses convictions devenait plus cohérent pour Samantha.
Page 92
Depuis cette tragédie, Samantha essayait de vivre l'instant présent, autant que possible. Elle tentait également d'organiser un minimum sa vie afin de pouvoir en profiter, et de savourer chaque instant.
Page 112
- Tu sais parfaitement que l'utopie reste l'utopie. Tu viens de me démontrer que, s'il y a un problème, alors il existe une solution. S'il n'y a pas de solution, c'est peut-être qu'il n'y a pas de problème...
Page 144
Quel intérêt à demander aux gens s'ils vont bien si nous ne sommes pas enclins à être attentifs à leur réponse ?
Page 166
Tout se matérialisait sous terre, loin de la lumière. Sam se sentait prisonnière d'elle-même, de sa passivité, de la facilité dans laquelle elle se complaisait jusqu'alors, aveugle à la réalité des choses.
Page 185
Elle se parlait à elle-même... Tout, absolument tout, se manifestait à elle depuis quelques semaines. Tel un rappel incessant, telle une alarme répétitive qui s'enclenchait, encore et encore, tant qu'elle n'est pas stoppée.
Page 217
Là se percevait toute la douleur engendrée par la vie, tous les obstacles qui avaient forgé la personne qu'il était dorénavant. Cette espèce de sagesse acquise dans la souffrance. Il n'était pas résigné, il avait compris comment fonctionner pour être heureux avec ce qu'il avait.
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