THEATRE DU PUZZLE

THEATRE DU PUZZLE

Cinéma / "Vénus Noire" de Abdellatif Kéchiche

 

 

 

"VENUS NOIRE"

un film de Abdellatif Kechiche (2010)

avec Yahima Torres, André Jacobs, Olivier Gourmet, François Marthouret...

 

Etrange impression de malaise salutaire à la sortie de la salle de cinéma. Entre l'idée d'avoir vu un très grand film et le sentiment d'être dérangé, bousculé par ce monde du XIXème siècle qui ressemble étrangement au nôtre.

Les faiseurs d'argent facile, les manipulateurs de foule jouent du spectacle de la monstruosité pour attirer un public avide de sensations fortes (maintenant c'est la télévision qui joue ce rôle)

Les scientifiques de cette époque cherchent à théoriser sur la taille hors normes de Saartjie Bartman, alias La Vénus Noire, femme de couleur venue directement d'Afrique du Sud. Ils catégorisent, moulent, mesurent, dessinent jusqu'à l'obsession pour que la science modélise les différences entre races, jusqu'à dénier la moindre once de psychologie à cette femme qu'ils ne comprennent que par les mesures de son corps hors du commun en Europe (maintenant, on mesure en codes barres, en numéros de sécu, en adresses IP et on catégorise, on donne la valeur à respecter et on exclut ceux qui ne correspondent pas à la norme)

Rien n'a vraiment changé depuis ce Londres et ce Paris de 1817 et c'est sans doute pour cela que naît le malaise. D'autant plus qu'Abdellatif Kéchiche signe un film taillé au scalpel sans empathie, pratiquement brut de décoffrage, sans compassion, comme un documentaire à vif, caméra embarquée à hauteur de visage qui exacerbe la cruauté et la souffrance.

 

 

YahimaTorres qui incarne Saartjie Bartman est troublante dans ce jeu presque sans mots, basculant de l'abandon dans l'alcool à des larmes d'une douleur qu'elle ne peut plus retenir.

Le film ressemble à une observation intense et désensibilisée d'une destruction que l'on sent inévitable. L'horreur provient de la banalité des jugements culturels ou moraux, une évidence dans la normalité de l'avilissement de la personne. Très vite, on comprend que le drame sera inévitable.

Pourtant la beauté du film tient de tout cela, car, dans la crudité du propos, Abdellatif Kéchiche, redonne un sens à l'idée d'individu, au besoin d'accepter nos différences comme sources d'enrichissement intérieur et non de profits pécuniaires sur le dos d'êtres qui ont accepté la soumission jusqu'à son issue ultime.

 

 

 

 

Oui, c'est du très grand cinéma. L'auteur confirme son talent déjà pointé dans "La graine et le mulet". "Vénus Noire" est une oeuvre à voir absolument car, en cette période qui nous replonge dans les affres d'une société sans éthique, l'histoire de Saartjie Bartman nous rappelle que, malgré l'accélération technologique et l'apparente modernité, les valeurs de lien social perdent jour après jour de leur nécessaire puissance.

Le film, en parabole, montre clairement la condescendance violente de l'Europe vis-àvis de l'Afrique, comme celle du monde occidental sur les pays qu'il a dominés.

 

 

La véritable Vénus Hottentote

 

LA VERITABLE HISTOIRE DE LA VENUS HOTTENTOTE

(Texte du site "La Flâneuse")

 

Issue d’un peuple de nomades, les  Khoïkhoï en Afrique du Sud,  Swatche, surnommée « La Vénus Hottentote », serait née vers 1789.
Elle voit  ses parents et presque toute sa tribu mourir sous ses yeux, massacrés par les Hollandais.
Agée de 14 ans,  elle perd son époux dans la guerre contre les Blancs, puis l’enfant qu’elle avait eu de lui.

Elle part  à l’orphelinat du Cap,  à plusieurs jours de marche,  convaincue qu’elle mourra si elle reste sur les terres de ses parents.
Elle est mise au service d’une famille  hollandaise. Puis elle est  vendue au frère de son maître, Heindrick. Il la présente à un « impresario »
britannique, Alexander Dunlop, ancien chirurgien de la marine et aventurier.  Séduite par ce bel  Anglais qui lui promet  le mariage,
elle se laisse emmener en Angleterre, pensant qu’elle part pour une durée limitée se montrer en spectacle librement .

On la baptise du nom de Saartjie Baartman.

La jeune femme a une morphologie particulière. Elle présente une hypertrophie des hanches, des fesses,
et des organes génitaux protubérants appelés « tablier hottentot. »
Considérée comme un monstre, elle est présentée avec les nains, les siamois et « tous ceux qui n’auraient pas dû naître ».

Sous le nom de scène de Vénus hottentote, son succès est instantané.
On la montre aussi dans des « soirées privées » pour  des Européens en recherche d’exotisme.
On lui dédie vaudevilles, poèmes et caricatures. Saartjie mesurait 1m39, contrairement à ce qui est représenté sur les dessins de l’époque .
Elle sera exposée aux yeux de tous en Angleterre mais aussi à Paris puisqu’elle est revendue à un Français.

A la demande de l’administrateur du Muséum d’histoire naturelle de France, elle sert d’objet d’étude pour les scientifiques.
Le rapport qui en résulte compare son visage à celui d’un orang-outang et ses fesses à celles des femelles des singes mandrills.

Georges Cuvelier,  zoologue et chirurgien , estime que « La Vénus Hottentote » est la preuve de l’infériorité de certaines races.

Elle meurt le 29 décembre 1815 d’une atteinte pulmonaire. Il décide de la disséquer au nom du « progrès des sciences humaines ».
Il fait réaliser un moulage complet de son corps et conserve son squelette, son cerveau et ses organes génitaux qu’il
place dans un bocal de formol. Il faut attendre 1974  pour que le moulage et le squelette de la Vénus soient retirés du Musée
de l’Homme à Paris où ils étaient exposés.

 

 

L'équipe du film lors de sa présentation à la 67ème Mostra de Venise.

 

 

Yahima Torres, l'actrice principale du film, et Abdellatif Kéchiche à Venise pour la Mostra.

 

Images du film

 

 

 

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Lien vers l'article

Cinéma / La graine et le mulet

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06/11/2010
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