Livre / "La panthère des Neiges" de Sylvain Tesson
La panthère des neiges
de Sylvain Tesson
Edition Gallimard / Collection Folio
2019 - 186 pages
Sylvain Tesson nous entraîne dans une folle équipée poétique et improbable aux confins du Tibet. Avec le photographe animalier Vincent Munier, accompagné de la réalisatrice documentariste Marie Amiguet et l’assistant réalisateur Léo-Pol, l’écrivain aventurier nous convie à un voyage qui confère autant à la géographie, la nature et sa faune, la science vue sous un angle plus philosophique et poétique, l’histoire du monde vivant, et surtout une profonde réflexion sur la place de l’humain dans la complexité du monde animal, végétal et minéral. On semble partir à la recherche d’une panthère mystérieuse cachée sur les sommets enneigés et presque inaccessibles. Puis on se retrouve face aux grandes questions qui font notre place sur cette planète, face à soi dans un paysage qui nous regarde. C’en devient un voyage intérieur, une introspection poétique et consentie au travers d’une quête dont aucun des quatre voyageurs ne sait au départ si elle aboutira sur quelque chose de tangible.
Immobiles, silencieux, face à l'immensité envoûtante du paysage tibétain
Comme eux, nous voilà silencieux à l’affût d’un monde dont les règles nous échappent, nous questionnent, interpellent notre aveuglement. Nous entrons dans l’art patient de cet affût, humains que nous sommes, captés, happés si souvent par la vitesse effrénée de nos existences.
Au travers de leurs yeux, de leur attente infinie sans être certain de ce que l’on cherche, il en ressort une autre manière de regarder ce qui nous entoure, toutes ces petites choses que la fonctionnalité nous évite de voir. L’extraordinaire est aussi à notre porte. Leur voyage au Tibet est une invitation à ouvrir ses yeux sur tous les mondes, infiniment petits ou infiniment grands que l’on peut capter même tout proche de chez soi.
Sylvain Tesson et ses compagnons de voyage acceptent la souffrance d’un froid extrême (moins trente degrés et davantage encore, même le jour) pour toucher au sublime de la beauté naturelle. Elle surgit dans les paysages indomptés aux sommets à plus de cinq mille mètres, dans la puissance des derniers yacks sauvages, dans l’envolée des oiseaux charognards, dans la majestueuse prestance de la panthère, sure de son pouvoir, elle qui domine son monde, perchée sur les rochers d’altitude.
Vincent Munier et Sylvain Tesson à l'affût
Les quatre aventuriers deviennent des intrus voyeurs qui veulent ramener à leurs congénères que nous sommes des images, des mots pour dire la beauté d’une monde que l’humanité détruit jour après jour. Là, dans ce Tibet difficile d’accès, les territoires sauvegardés prennent des proportions monumentales. Difficilement habitables, ils donnent encore une chance de laisser s’épanouir un équilibre naturel qui ne détruit rien.
En refermant la dernière page du livre, il reste toutes les questions sur notre monde si confortable, mais à quel prix ? Peut-être, serait-il judicieux de regarder le yack ou la panthère qui est en nous pour envisager une autre manière de vivre.
Extraits
Page 17
L'imprévu ne vient jamais à soi, il faut le traquer partout. Le mouvement féconde l'inspiration L'ennui court moins vite qu'un homme pressé.
Page 51
Le jardin de l'homme est peuplé de présences. Elles ne nous veulent pas de mal, mais elles nous tiennent à l'oeil.
Page 69
La zone échappait à l'aménagement du territoire, nom de la dévastation des espaces par la technostructure.
Page 82
Il y a des lieux dont les noms servent à rêver.
Page 109
Il restait 5000 panthères dans le monde. Statistiquement, on comptait davantage d'être humains vêtus de leur fourrure.
Page 122
Rencontrer un animal est une jouvence. L'oeil capte un scintillement. La bête est un clef, elle ouvre une porte. Derrière, l'incommunicable.
Page 146 (à propos des animaux en comparaison aux humains)
Leur violence n'était pas la rage, leurs chasses n'étaient pas des rafles. la mort n'est qu'un repas.
Page 165 (propos de Vincent Munier)
"Quand je quittai l'école à dix-sept ans, c'était pour entrer dans la forêt. Je n'ai plus jamais ouvert un livre scolaire, mais j'ai lu tout Giono."
Page 181
J'ai appris que la patience était une vertu suprême, la plus élégante et la plus oubliée. Elle aidait à aimer le monde avant de prétendre le transformer. Elle invitait à s'asseoir devant la scène, à jouir du spectacle, fût-il un frémissement de feuille. la patience était la révérence de l'homme à ce qui était donné.
Bande annonce du film "La panthère des neiges"
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