Livre / "Le froid modifie la trajectoire des poissons" de Pierre Szalowski
LE FROID MODIFIE
LA TRAJECTOIRE DES POISSONS
de Pierre Szalowski
Editions Hurtubise HMH Itée - 2007
Editions Héloïse d'Ormesson pour l'édition Française - 2010
Editions France Loisirs Collection Piment - Mai 2011
233 pages
Déjà, sans connaître le thème de l'histoire, sans a priori, le titre interpelle positivement. Un titre à rallonge, plus ou moins scientifique, pour un roman c'est un signe que l'humour n'est pas loin. Et l'humour il est partout dans ce récit qui nous relate la vie d'un quartier au moment d'une grande tempête qui s'abat sur Montréal au Canada. Le gel et le verglas s'installe durablement dans la ville. L'électricité est coupée.
Nous vivons ces évènements par le prisme de quelques habitants dont la vie va être complètement bouleversée par la nécessité de la solidarité pour que chacun puisse survivre à ce déchaînement naturel.
Non, nous ne sommes pas dans "Le jour d'après" ou les films sur l'apocalypse. Ici, c'est la proximité qui est reine, avec ses petites histoires personnelles et interpersonnelles, et l'humour est son roi.
Nous suivons un jeune enfant de onze ans dont les parents, Martin et Anne, sont au bord de la séparation, Alex son ami dont le père Alexis, alcoolique et quelque peu homophobe, raciste, par dépit amoureux, déprime depuis le départ de sa femme Dolorés au Mexique, Michel et Simon, un couple d'homosexuels, l'un météorologue, l'autre psychanalyste, qui hésitent à laisser vivre leur amour au grand jour de peur d'être stigmatisés, Julie la jolie danseuse célibataire du Sexy Paradisio, un bar pour hommes, et Boris Bogdanov, un émigré russe qui a raté sa carrière de hockeyeur et s'est lancé dans une recherche scientifique obsessionnelle sur... la trajectoire des poissons dans un bocal.
Ah ! Nous y voilà ! La fameuse trajectoire des poissons dans un bocal dont la température doit rester à 32°. Et comment la maintenir quand l'électricité est coupée ?
Par chance, une moitié de l'immeuble est rattachée au groupe électrogène de la maison de retraite mitoyenne. Et pour cette raison, ceux qui ont de l'électricité vont se trouver dans la situation d'accueillir leurs voisins. Ainsi la jolie Julie se retrouvera avec sa baignoire transformée en grand bocal pour les poissons de Boris Bogdanov qui les suit comme le lait sur le feu.
Michel et Simon accueilleront dans leur appartement Alexis et son fils pour un choc des cultures réjouissant. Martin et sa femme Anne vont connaître une période troublée racontée par la voix de leur fils, le copain d'école d'Alex.
Ainsi, nous constaterons que le froid ne modifie pas que la trajectoire des poissons. Avec tendresse et un bonheur évident, Pierre Szalowski nous raconte cette tempête vue d'un immeuble dans un quartier de Montréal confronté au grand froid.
Cela rappelle les réalités humaines changeantes quand une situation exceptionnelle oblige les gens à s'aider au lieu de se fuir, les périodes de grandes grèves où il n'y a plus de transport en commun, les inondations dans certaines villes, les tempêtes côtières, la tempête de 1999 en France et en Europe qui a tout ratissé sur son passage...
Dans ces moments, on ne peut pas s'enfermer chez soi et laisser les autres à leur désarroi. Les portes s'ouvrent. L'humanité retrouve ses droits que le monde de la compétition économique, sociale et financière fait oublier.
Voici donc un livre drôle, léger, jubilatoire et profond à la fois, un livre qui donne la pêche et qui fait du bien aux relations humaines. Aucun pathos, juste le plaisir et la découverte de l'autre, par-delà les préjugés et les a priori. Un rayon de soleil dans un monde de repli sur soi.
Vivement qu'une tempête arrive par chez nous !!!!
Extraits
Page 14
Des fois, il faut mentir à ses parents pour leur faire plaisir.
Page 14
Maman, elle dit que la pression, c'est intérieur. On est seul à savoir pourquoi on se la met puisqu'on se la met tout seul.
Page 16
Je n'ai jamais trompé ma femme. Je me suis juste trompé de femme.
Page 27
Un homme, après l'amour, est souvent bien plus idiot qu'il ne l'était avant.
Page 33
Ce n'est pas parce qu'on a menti qu'on est un con. La preuve, Boris Bogdanov est un intellectuel. Mais c'est très intellectuel de prendre les autres pour des cons.
Page 53
Pourtant, il était encore bel homme à quarante-cinq ans, mais il ne s'aimait plus. La haine de l'autre n'était que sa bouée de survie.
Page 70
La nature humaine se révèle dans la merde.
Page 116
- Et vous faites quoi ?
- Psychanalyste...
- Ouch ! Pas le moment de dire n'importe quoi, hein ?
- C'est très rare que les gens viennent me voir voir pour me dire n'importe quoi...
Page 148
L'amour, c'est comme un taxi, s'il ne s'arrête pas et qu'on lui court après, c'est qu'il est déjà pris. Pour l'attraper, il faut simplement l'attendre au bon endroit.
Page 162
- Tu sais pourquoi les chats, ils retombent toujours sur leurs pattes ?
- Non, Papa ?
- Parce que, eux, ils savent le faire.
Page 188
On veut toujours plus, sans jamais regarder ce que l'on a déjà.
Page 208
Elle avait connu les amours à l'imparfait dans son passé, si simple. Elle le découvrait dans son présent, au plus-que-parfait, et elle croyait enfin en son futur.
Page 229
Le monde a besoin d'outsiders qui finissent par franchir la ligne d'arrivée en vainqueurs, sinon l'espoir ne serait qu'une course sans fin.
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