Sentiers d'art / Andy Goldsworthy
Le blog du journal Libération propose, dans sa rubrique Libé Voyages "Grands Reportages", un sperbe article sur les sentiers de randonnée dansles Alpes de Haute-Provence, au-dessus de Digne-les bains, là où l'artiste de land art, Andy Goldsworthy, a installé ses refuges d'art sur un parcours de 150 kilomètres.
Dans un milieu naturel issu du chaos des âges où l'homme n'existait pas encore, quand les séismes retournaient les montagnes comme des crêpes, le parcours allie la randonnée dans des paysages de toute beauté et l'art qui utilise les matières originelles, et parfois même l'homme comme ces cheveux provenant de salons de coiffure de Digne, mêlés à l'argile du serpent d'un des refuges d'art d'Andy Goldworthy. Un parcours hors du temps...
Voici l'article de Michel Henry
Serpenter avec Andy Goldsworthy
Entrer dans la dernière sculpture d’Andy Goldsworthy ? Facile. Enfin… Il faut d’abord se taper une bonne grimpette dans les montagnes autour de Digne-les-Bains. Heureusement, le paysage est beau. Puis on pénètre dans son tout nouveau Refuge d’art, baptisé l’église de La Forest, qui s’élève là où il n’y avait plus que ruines, et c’est spectaculaire : on n’y voit rien. Le noir total. Ah bravo ! Tous ces kilomètres pour ça ? Non, attendez. L’œil s’habitue à l’obscurité, et là, au fond, on distingue un puits de lumière vertical, qui éclaire une alcôve de pierres sculptées. On s’approche.
On peut entrer, s’y tenir debout, toucher, crier, y passer la nuit si ça nous chante. D’ailleurs, on peut chanter, aussi. On est dans l’œuvre, Goldsworthy aussi, qui caresse la pierre. «C’est un choc», dit-il. Positif. Il est malin, l’Anglais. Dans un autre Refuge d’art, la chapelle Sainte-Madeleine, il a fait exactement l’inverse : le refuge est éclairé, la sculpture, similaire, dans le noir. Ainsi, les œuvres se répondent de loin en loin. Mais entre-temps, il faut crapahuter.
«On se croit au Maroc»
Pas de quoi gêner cette jeune fille suisse, qui vient de passer cinq jours sur l’itinéraire : «Je n’avais jamais vu de l’art fait avec de la nature. Ça m’a beaucoup impressionnée», dit-elle. Les onze randonneurs de son groupe ont découvert une «région grandiose, inattendue, à couper le souffle». Quatre-vingt-dix kilomètres, cinq à six heures de marche quotidienne. «C’est impressionnant, des endroits si sauvages près de la ville, raconte une dame. Il y a des moments, on se croit au Maroc, dans le désert. On est tout près de la civilisation, on monte un sentier et on est dans des paysages lunaires… C’est une découverte absolue.»
Comme s’en réjouit Goldsworthy, le projet «commence à marcher», c’est le cas de le dire. Pour visiter tous ses Refuges d’art, autour de Digne-les-Bains (Alpes-de-Haute-Provence), comptez 150 kilomètres à pied sur d’anciens sentiers culminants à 1 600 mètres. On peut aussi s’y rendre en voiture, mais ce n’est pas l’idée. Le concept ? «Faire des connexions.» Relier des hameaux perchés, aujourd’hui abandonnés, auxquels le projet redonne vie en y rénovant chapelles ou fermes. Ravie qu’un jour, Andy lui ait dit oui, Nadine Gomez, conservatrice du musée Gassendi, explique le principe : «On vient voir des œuvres et on découvre autre chose.» Pour elle, ce triptyque «une œuvre, une restauration, un trajet» n’a rien de nostalgique : «Il ne s’agit pas de revenir à la vie d’autrefois. Et Andy est plus dans la sculpture sociale que seulement écolo. Il espère que ça va créer une microéconomie.»
Sentinelle de la vallée de l'Asse / Andy Goldsworthy
Riches de sept lieux qui nous bottent, contenant chacun une de ses œuvres, les Refuges d’art représentent «le projet le plus complet que je ferai dans toute ma vie», s’exclame Goldsworthy, qui vient à Digne-les-Bains depuis quinze ans. Le projet a débuté en 1999, grâce au musée Gassendi et à la Réserve géologique de Haute-Provence. «Et ce ne sera jamais fini», dit l’artiste. Gassendi, érudit humaniste du XVIIe, avait écrit «Ambulo ergo sum» à Descartes. «Je marche donc je suis» : les Refuges d’art mettent leurs pas dans cette belle parole.
«Ce n’est pas : "On va voir ses œuvres et on redescend à la voiture." C’est une itinérance, qui va devenir un parcours emblématique, assure le guide accompagnateur Jean-Pierre Brovelli. Dans les refuges, il y a des fanatiques qui embrassent l’œuvre. D’autres qui mettent leur duvet au pied et dorment avec. D’autres encore qui l’oublient.» Pour Goldsworthy, son travail, ce ne sont pas les sculptures, «c’est le paysage lui-même». Ce type parle avec les pierres. «Pour moi, les gens ont dormi dans ces refuges, y ont mangé, fait la fête… Et ça en dit plus qu’une discussion avec eux. Parfois, je trouve des messages sculptés. Mais ça ne m’intéresse pas. Ce qui compte, ce sont les marques des mains sur la pierre, les empreintes.»
Boules de neige
Son rêve : que ses Refuges soient signalés sur les cartes. Ça les installerait définitivement dans le paysage. En attendant, Goldsworthy, 53 ans, cheveux blancs, est une silhouette respectée dans le paysage international de l’art contemporain. Ce type discret, affable, accessible, s’agite du Japon aux Etats-Unis, la truelle à la main. En plus de vingt-cinq ans d’activité, ce péquenot de l’art a expérimenté tous azimuts. A collé de la bouse de vache sur les fenêtres d’une galerie anglaise, pour dessiner en creux un serpentin (une de ses formes fétiches, avec l’arche) à travers lequel on admirait le paysage alentour. Il a fait peindre des moutons avec le piétinement de leurs sabots. A rebâti pour eux des enclos en Angleterre, en y intégrant ses sculptures : pas de raison que seuls les hommes en profitent. Au Storm King Art Center (New York, Etats-Unis), son mur de pierres sèches se promène en tournicotant entre les arbres. Il a sculpté la glace de nuit pour que le jour révèle l’œuvre puis la détruise. Il a créé des boules de neige l’hiver et les a descendues en ville l’été, pour les voir fondre. Serait-il lui-même un peu fondu ?
Le grand public le connaît par ses superbes livres et par Rivers and Tides, le documentaire remarquable de l’Allemand Thomas Riedelsheimer (2001). Procurez-vous le DVD : on suit longuement l’artiste dans les méandres de son travail, avec ses échecs et ses succès. Passionnant. On y découvre surtout que la nature de son œuvre, c’est l’œuvre de la Nature. Il construit spontanément avec les éléments à sa portée : branches, pierres, feuilles.
Dans un autre Refuge d’art, le Vieil Esclangon, il a façonné, sur un mur d’argile rouge, un serpent qui grimpe. Evoque-t-il le chemin qu’on vient de gravir ? Ou la rivière Bès qui coule en contrebas ? Si l’on dort là, on a toute la nuit pour méditer. Vous vous imaginez, roupiller au Louvre devant la Joconde ? «L’ascension fut rude mais elle fait partie de l’œuvre», écrit un visiteur dans le livre d’or à Esclangon. «Merci d’avoir fait le serpent, il est très beau», ajoute Cécilien, 5 ans. «Bon séjour, mais je ne comprends pas la forme de l’œuvre… Lit un peu dur» (Jules, Isère). C’est vrai, ça, on dort sur des planches de bois. «J’adorerais abiter [sic] ici», écrit pourtant Gabriel, 10 ans. Au mur, le serpent se fendille avec le temps, l’œuvre change avec la lumière du soleil, de la lune ou du feu de cheminée. «Se retrouver ici pour un week-end est magique, écrit une main anonyme. En ces temps de crise, il est bon de s’apercevoir que l’on peut finalement vivre avec le minimum, sorte de décroissance.» La sculpture ? «Les grands rêveront d’un serpent dans le désert, les petits d’une grosse glace italienne.» Un randonneur s’extasie : «Vive le musée à ciel ouvert !» Mais Sidonie, 8 ans, s’amuse : «On a joué à "la Petite Maison dans la prairie". C’était trop cool.»
Echelles de temps
Basé à Penpoint, dans le sud de l’Ecosse, Goldsworthy produit du dur qui dure aussi bien que de l’éphémère, collant des feuilles ou des fleurs de coquelicot avec sa salive ou des épines pour créer de délicates constructions : mobiles aquatiques, échafaudages fragiles, trompe-l’œil colorés que le vent, le soleil ou la marée détruisent. N’en subsistent alors que des photos. Il aime l’idée de mutation. «Chaque matériau a son propre temps de vie. Je travaille sur ces échelles de temps.» A Digne, il est servi : la Réserve géologique témoigne de 300 millions d’années passées. Ici, la mer recouvrait tout. Maintenant qu’elle s’est retirée, on cherche les tas de pierres d’Andy. Car il empile aussi des pierres sèches pour former des cairns, ces tas qui servent de repères aux voyageurs. Autour de Digne, trois de ses «Sentinelles» ovoïdes et anonymes veillent.
Dans son prochain Refuge, il compte utiliser des massettes, variété de roseaux trouvés dans un étang voisin, pour créer un écran intérieur. Entre la construction et la sculpture, chaque Refuge d’art coûte 200 000 à 250 000 euros, payés par des subventions européennes, étatiques ou locales et des mécènes. L’architecte Eric Klein, qui bâtit les refuges, suit les projets depuis le début : «Au départ, tu ne vois rien. Il y a une ruine. Andy a son idée, plus de l’ordre d’un état d’esprit. On reste au plus près de la simplicité. Ce n’est pas du tout ostentatoire.»
Guère spectaculaire, son minimalisme minéral peut laisser le visiteur sur sa faim. Mais cela oblige à chercher au-delà, dans le paysage. «Je n’ai jamais dormi dans un des refuges, avoue Andy. Je dois le faire ! L’énergie est dedans.» Dans le livre d’or du Vieil Esclangon, des mains de poète ont écrit : «Les étoiles, les grillons, la bise… minéral végétal… trace Indiens dans désert… Boue séchée…»«Nous repartons serpenter entre terre et ciel.»
4 - Salle des refuges d'Art Andy Goldsworthy par gmteditions
Andy Goldworthy "River and tides"
Andy Goldsworthy - Arte n1 par notpil
Arte - Andy Goldsworthy n2 par notpil
Andy Goldsworthy - Arte n3 par notpil
Andy Goldsworthy - Arte n4 par notpil
Le blog du journal Libération propose, dans sa rubrique Libé Voyages "Grands Reportages", un sperbe article sur les sentiers de randonnée dansles Alpes de Haute-Provence, au-dessus de Digne-les bains, là où l'artiste de land art, Andy Goldsworthy, a installé ses refuges d'art sur un parcours de 150 kilomètres.
Dans un milieu naturel issu du chaos des âges où l'homme n'existait pas encore, quand les séismes retournaient les montagnes comme des crêpes, le parcours allie la randonnée dans des paysages de toute beauté et l'art qui utilise les matières originelles, et parfois même l'homme comme ces cheveux provenant de salons de coiffure de Digne, mêlés à l'argile du serpent d'un des refuges d'art d'Andy Goldworthy. Un parcours hors du temps...
Voici l'article de Michel Henry
Entrer dans la dernière sculpture d’Andy Goldsworthy ? Facile. Enfin… Il faut d’abord se taper une bonne grimpette dans les montagnes autour de Digne-les-Bains. Heureusement, le paysage est beau. Puis on pénètre dans son tout nouveau Refuge d’art, baptisé l’église de La Forest, qui s’élève là où il n’y avait plus que ruines, et c’est spectaculaire : on n’y voit rien. Le noir total. Ah bravo ! Tous ces kilomètres pour ça ? Non, attendez. L’œil s’habitue à l’obscurité, et là, au fond, on distingue un puits de lumière vertical, qui éclaire une alcôve de pierres sculptées. On s’approche.
On peut entrer, s’y tenir debout, toucher, crier, y passer la nuit si ça nous chante. D’ailleurs, on peut chanter, aussi. On est dans l’œuvre, Goldsworthy aussi, qui caresse la pierre. «C’est un choc», dit-il. Positif. Il est malin, l’Anglais. Dans un autre Refuge d’art, la chapelle Sainte-Madeleine, il a fait exactement l’inverse : le refuge est éclairé, la sculpture, similaire, dans le noir. Ainsi, les œuvres se répondent de loin en loin. Mais entre-temps, il faut crapahuter.
«On se croit au Maroc»
Pas de quoi gêner cette jeune fille suisse, qui vient de passer cinq jours sur l’itinéraire : «Je n’avais jamais vu de l’art fait avec de la nature. Ça m’a beaucoup impressionnée», dit-elle. Les onze randonneurs de son groupe ont découvert une «région grandiose, inattendue, à couper le souffle». Quatre-vingt-dix kilomètres, cinq à six heures de marche quotidienne. «C’est impressionnant, des endroits si sauvages près de la ville, raconte une dame. Il y a des moments, on se croit au Maroc, dans le désert. On est tout près de la civilisation, on monte un sentier et on est dans des paysages lunaires… C’est une découverte absolue.»
Comme s’en réjouit Goldsworthy, le projet «commence à marcher», c’est le cas de le dire. Pour visiter tous ses Refuges d’art, autour de Digne-les-Bains (Alpes-de-Haute-Provence), comptez 150 kilomètres à pied sur d’anciens sentiers culminants à 1 600 mètres. On peut aussi s’y rendre en voiture, mais ce n’est pas l’idée. Le concept ? «Faire des connexions.» Relier des hameaux perchés, aujourd’hui abandonnés, auxquels le projet redonne vie en y rénovant chapelles ou fermes. Ravie qu’un jour, Andy lui ait dit oui, Nadine Gomez, conservatrice du musée Gassendi, explique le principe : «On vient voir des œuvres et on découvre autre chose.» Pour elle, ce triptyque «une œuvre, une restauration, un trajet» n’a rien de nostalgique : «Il ne s’agit pas de revenir à la vie d’autrefois. Et Andy est plus dans la sculpture sociale que seulement écolo. Il espère que ça va créer une microéconomie.»
Sentinelle de la vallée de l'Asse / Andy Goldsworthy
Riches de sept lieux qui nous bottent, contenant chacun une de ses œuvres, les Refuges d’art représentent «le projet le plus complet que je ferai dans toute ma vie», s’exclame Goldsworthy, qui vient à Digne-les-Bains depuis quinze ans. Le projet a débuté en 1999, grâce au musée Gassendi et à la Réserve géologique de Haute-Provence. «Et ce ne sera jamais fini», dit l’artiste. Gassendi, érudit humaniste du XVIIe, avait écrit «Ambulo ergo sum» à Descartes. «Je marche donc je suis» : les Refuges d’art mettent leurs pas dans cette belle parole.
«Ce n’est pas : "On va voir ses œuvres et on redescend à la voiture." C’est une itinérance, qui va devenir un parcours emblématique, assure le guide accompagnateur Jean-Pierre Brovelli. Dans les refuges, il y a des fanatiques qui embrassent l’œuvre. D’autres qui mettent leur duvet au pied et dorment avec. D’autres encore qui l’oublient.» Pour Goldsworthy, son travail, ce ne sont pas les sculptures, «c’est le paysage lui-même». Ce type parle avec les pierres. «Pour moi, les gens ont dormi dans ces refuges, y ont mangé, fait la fête… Et ça en dit plus qu’une discussion avec eux. Parfois, je trouve des messages sculptés. Mais ça ne m’intéresse pas. Ce qui compte, ce sont les marques des mains sur la pierre, les empreintes.»
Boules de neige
Son rêve : que ses Refuges soient signalés sur les cartes. Ça les installerait définitivement dans le paysage. En attendant, Goldsworthy, 53 ans, cheveux blancs, est une silhouette respectée dans le paysage international de l’art contemporain. Ce type discret, affable, accessible, s’agite du Japon aux Etats-Unis, la truelle à la main. En plus de vingt-cinq ans d’activité, ce péquenot de l’art a expérimenté tous azimuts. A collé de la bouse de vache sur les fenêtres d’une galerie anglaise, pour dessiner en creux un serpentin (une de ses formes fétiches, avec l’arche) à travers lequel on admirait le paysage alentour. Il a fait peindre des moutons avec le piétinement de leurs sabots. A rebâti pour eux des enclos en Angleterre, en y intégrant ses sculptures : pas de raison que seuls les hommes en profitent. Au Storm King Art Center (New York, Etats-Unis), son mur de pierres sèches se promène en tournicotant entre les arbres. Il a sculpté la glace de nuit pour que le jour révèle l’œuvre puis la détruise. Il a créé des boules de neige l’hiver et les a descendues en ville l’été, pour les voir fondre. Serait-il lui-même un peu fondu ?
Le grand public le connaît par ses superbes livres et par Rivers and Tides, le documentaire remarquable de l’Allemand Thomas Riedelsheimer (2001). Procurez-vous le DVD : on suit longuement l’artiste dans les méandres de son travail, avec ses échecs et ses succès. Passionnant. On y découvre surtout que la nature de son œuvre, c’est l’œuvre de la Nature. Il construit spontanément avec les éléments à sa portée : branches, pierres, feuilles.
Dans un autre Refuge d’art, le Vieil Esclangon, il a façonné, sur un mur d’argile rouge, un serpent qui grimpe. Evoque-t-il le chemin qu’on vient de gravir ? Ou la rivière Bès qui coule en contrebas ? Si l’on dort là, on a toute la nuit pour méditer. Vous vous imaginez, roupiller au Louvre devant la Joconde ? «L’ascension fut rude mais elle fait partie de l’œuvre», écrit un visiteur dans le livre d’or à Esclangon. «Merci d’avoir fait le serpent, il est très beau», ajoute Cécilien, 5 ans. «Bon séjour, mais je ne comprends pas la forme de l’œuvre… Lit un peu dur» (Jules, Isère). C’est vrai, ça, on dort sur des planches de bois. «J’adorerais abiter [sic] ici», écrit pourtant Gabriel, 10 ans. Au mur, le serpent se fendille avec le temps, l’œuvre change avec la lumière du soleil, de la lune ou du feu de cheminée. «Se retrouver ici pour un week-end est magique, écrit une main anonyme. En ces temps de crise, il est bon de s’apercevoir que l’on peut finalement vivre avec le minimum, sorte de décroissance.» La sculpture ? «Les grands rêveront d’un serpent dans le désert, les petits d’une grosse glace italienne.» Un randonneur s’extasie : «Vive le musée à ciel ouvert !» Mais Sidonie, 8 ans, s’amuse : «On a joué à "la Petite Maison dans la prairie". C’était trop cool.»
Echelles de temps
Basé à Penpoint, dans le sud de l’Ecosse, Goldsworthy produit du dur qui dure aussi bien que de l’éphémère, collant des feuilles ou des fleurs de coquelicot avec sa salive ou des épines pour créer de délicates constructions : mobiles aquatiques, échafaudages fragiles, trompe-l’œil colorés que le vent, le soleil ou la marée détruisent. N’en subsistent alors que des photos. Il aime l’idée de mutation. «Chaque matériau a son propre temps de vie. Je travaille sur ces échelles de temps.» A Digne, il est servi : la Réserve géologique témoigne de 300 millions d’années passées. Ici, la mer recouvrait tout. Maintenant qu’elle s’est retirée, on cherche les tas de pierres d’Andy. Car il empile aussi des pierres sèches pour former des cairns, ces tas qui servent de repères aux voyageurs. Autour de Digne, trois de ses «Sentinelles» ovoïdes et anonymes veillent.
Dans son prochain Refuge, il compte utiliser des massettes, variété de roseaux trouvés dans un étang voisin, pour créer un écran intérieur. Entre la construction et la sculpture, chaque Refuge d’art coûte 200 000 à 250 000 euros, payés par des subventions européennes, étatiques ou locales et des mécènes. L’architecte Eric Klein, qui bâtit les refuges, suit les projets depuis le début : «Au départ, tu ne vois rien. Il y a une ruine. Andy a son idée, plus de l’ordre d’un état d’esprit. On reste au plus près de la simplicité. Ce n’est pas du tout ostentatoire.»
Guère spectaculaire, son minimalisme minéral peut laisser le visiteur sur sa faim. Mais cela oblige à chercher au-delà, dans le paysage. «Je n’ai jamais dormi dans un des refuges, avoue Andy. Je dois le faire ! L’énergie est dedans.» Dans le livre d’or du Vieil Esclangon, des mains de poète ont écrit : «Les étoiles, les grillons, la bise… minéral végétal… trace Indiens dans désert… Boue séchée…»«Nous repartons serpenter entre terre et ciel.»
4 - Salle des refuges d'Art Andy Goldsworthy par gmteditions
Andy Goldworthy "River and tides"
Andy Goldsworthy - Arte n1 par notpil
Arte - Andy Goldsworthy n2 par notpil
Andy Goldsworthy - Arte n3 par notpil
Andy Goldsworthy - Arte n4 par notpil
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