Un soir au club / Christian Gailly
UN SOIR AU CLUB
de Christian Gailly
Editions de Minuit (2002)
174 pages
Imaginez un ingénieur, spécialiste de chauffage industriel, qu'on envoie en urgence dans une ville du bord de mer pour résoudre un problème dans une entreprise à la veille du week-end. Il doit rentrer aussitôt par le train du soir.
Sauf que le type en question n'est pas un ingénieur banal. Sous l'apparence du type bien sous tous rapports se cache Simon Nardis, ex pianiste célèbre de jazz que la passion de la musique a failli détruire corps et âme. Il s'en était fallu de peu. Une femme bien intentionnée l'a rattrapé au vol et il a ainsi pu construire une vie de famille stable, loin des démons du jazz, de l'alcool, des filles, et de la destruction.
Coup de chance , ou de malchance (c'est selon, ça dépend de quel point de vue on se place), en attendant le train du retour, pour tuer les heures qu'il reste, son accompagnateur l'emmène... dans une boîte de jazz de la ville où se produit un trio de jeunes musiciens américains.
Entre retour des démons du passé et réveil de ce qu'il aurait peut-être voulu rester, une autre histoire commence, venant troubler son existence tranquille dans le calme d'un appartement où le jazz n'est plus, remplacé par la grande musique, celle qu'on dit classique, la plus belle.
Le roman de Christian Gailly se lit comme on écoute un morceau de Sonny Rollins avec "juste une envie de vivre, une minable envie de vivre", de saisir l'instant qui se présente à soi, sans réfléchir. Tout s'embrouille. Le neuf et l'ancien. Les souvenirs marqués comme un tatouage et ce présent un peu fou qui ressemble au désir. Le texte est simple et beau, raconté par l'ami peintre qui aurait rêvé d'être musicien de jazz. ça parle d'amour, de musique, d'ivresse et de mort, mais surtout de la vie à saisir quand elle se présente pour ne pas mourir à petit feu.
Et quand on referme la dernière page, il vous suffit de laisser le CD de Sonny Rollins vous bercer les oreilles. Vous êtes encore dans la boîte de jazz avec Simon Nardis et ses acolytes. La vie continue, en musique, dans des instants puissants comme l'éternité. un bouquin à lire et à relire.
Ce livre a obtenu le prix du Livre Inter 2002. Il est toujours disponible à la vente.
Sonny Rollins
Extraits :
Page 11 : Le jazz n'incite guère à bien se tenir.
Page 15 : On peut fort bien continuer à réfléchir devant un urinoir ou un miroir, ça favorise la réflexion.
Page 37 : Les trois jeunes jouaient bien. ça tournait impeccablement. On ne sait jamais trop pourquoi ça tourne bien mais quand ça tourne bien on s'en rend compte.
Page 66 : j'avais juste envie de vivre, une minable envie de vivre.
Page 75 : D'un autre côté, je connaissais la tristesse de Simon, son semblant de vie, son semblant d'être, l'âme morte qu'il traînait derrière lui.
Page 75 : L'art au péril de sa vie, qui pense à ça aujourd'hui ?
Page 93 : J'écris mal, dit le garçon. C'est la science des ânes, répond Simon.
Page 124 : La prétendue vocation nous trompe tout le temps. On pense être fait pour quelque chose. On est fait pour telle autre. Et encore, pas sûr.
Page 137 : On imagine, on se trompe, on invente dans les vides, les historiens font ça.
Page 166 : C'est comme ça, se dit-il, je paie, je paie déjà, je paierai autant qu'il le faudra, peut-être, j'aurai la paix, peut-être.
Sonny Rollins - Saxophone Colossus par madafonka2
Sonny Rollins, dessin et photo couleurs
En 2009, le livre a été adapté au cinéma par Jean Achache avec Thierry Hancisse dans le rôle de Simon Nardis. Elisa caron et Maryline Canto dans les rôles féminins.
Thierry Hancisse parle de l'histoire et du film dans l'entretien qui suit.
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