Et que le vaste monde poursuive sa course folle / Colum McCann
Et que le vaste monde poursuive sa course folle
de Colum McCann
Editions Belfond / 2009 / 431 pages
Au matin du 7 août 1974, le funambule Philippe Petit marchait sur un câble tendu entre les deux tours du World Trade Center, après une préparation illicite digne d'un thriller. C'est la base de ce roman magnifique qui fait d'un évènement extraordinaire un simple prétexte à s'intéresser non pas au funambule, mais à ceux qui l'ont vu, ou qui en ont entendu parler, pris dans leurs vies en bas qui, elles, deviennent le véritable sujet du roman.
L'évènement qui a réellement eu lieu ouvre les portes aux vies de multiples personnages dont les existences vont se mêler, d'un lieu à l'autre, d'une époque à l'autre.
C'est un roman de haute voltige, un grand puzzle où les pièces se posent aux limites de l'équilibre comme l'homme sur son fil.
Colum McCann, dans son style plein de verve et d'empathie, nous convie dans l'existence des prostituées du Bronx, d'un prêtre irlandais, d'artistes paumés, de femmes riches ou pauvres, blanches et noires, qui ont perdu leur fils au Vietnam. Leurs vies frôlent le précipice, peut-être plus que le funambule, à croire que le fil tendu entre les deux tours est plus sûr que celui que chacun tend au niveau du sol.
C'est un livre vibrant et prodigieux, une balade new-yorkaise pleine de d'émotion et d'amour des gens simples. L'écriture de Colum McCann est envoûtante. Comme à son habitude, ses mots deviennent des images puissantes qui restent vives dans l'esprit.
Et si chaque vie était un évènement aussi important que le passage d'un funambule entre deux tours qui n'existent plus ?
Extraits
(Page 32) L'humanité, dans ce qu'elle a de pire, n'ébranlait pas ses convictions. Il préférait mourir le coeur à nu, disait-il, et surtout ne pas finir du côté des cyniques.
(Page 71) Quand tu tournes en rond Frangin, le monde a beau être grand, il rapetisse forcément quand tu creuses ton sillon.
(Page 76) J'ai besoin de me saoûler le gueule (...) Dix ans sobre, et regarde où j'en suis.
(Page 99) Ses yeux sont encore plein des étés de sa jeunesse.
( Page 114) J'aime bien les pères. Tout le monde devrait en renier un.
(Page 166) Cette fille affichait son ennui comme on brandit un étendard.
(Page 288) La terre si y avait pas les gens, ce serait le truc le plus parfait du monde.
(Page 304) Sur le fil (...) il voulait que l'esprit accompagne la chair jusqu'au coeur du bien-être. Cela ressemblait à faire l'amour avec le vent.
(Page 328) Le vin est là pour glorifier les dieux et faire taire les idiots. Tiens, je t'en ressers une goutte.
(Page 324) Il m'a dit un jour qu'il n'y a pas de meilleure foi qu'une foi chancelante.
(Page 399) La vie vous dit parfois ce que vous avez à faire avec une telle clarté qu'on se passe de raisons.
(Page 419) Elles s'étaient plantées dans le bonheur avec l'intention de le garder (...) La seule chose qui valait une larme, ce sont toutes ces beautés que la vie peut offrir, et dont le monde n'a pas les moyens.
Jean Teulé parle du livre de Colum McCann
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