THEATRE DU PUZZLE

THEATRE DU PUZZLE

Livre / "Finis Terrae" d'Isabelle Mutin - Editions Mutine

FINIS TERRAE

Isabelle Mutin

Editions Mutine – 25 mai 2019

164 pages

 

 

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Finis Terrae est un nom attaché d’abord au cinéma, un très beau film de Jean Epstein qui date de 1929. L’histoire d’un goémonier blessé sur l’île de Bannec et qui doit être soigné en urgence. Mais l’arrivée du médecin en provenance d’Ouessant, est retardée en raison de la tempête. Un récit poétique en noir et blanc qui rend hommage à l’océan, aux travailleurs de la  mer et aux populations îliennes de Bretagne dans un style cinématographique très en avance sur son temps, des cadrages audacieux, un tournage en extérieur  en conditions réelles. Une sorte d’OVNI de son temps.

 

 

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Île d'Ouessant, côte sauvage au nord de l'île 

 

 

C’est aussi le titre du roman d’Isabelle Mutin qui date de 2019. Ici, la Bretagne sert de décor vibrant et émouvant aux personnages des nouvelles de ce texte. Entre Dijon et le pays celtique, se tissent des liens de vie où les drames,  les tragi-comédies, les fuites, les douleurs et les espoirs sont transcendés par cet univers de roche et d’eau, de vent, de sable et d’écume. Le décor en devient un personnage lui-même. Directement ou indirectement, il offre un corps terrestre puissant pour soutenir  les histoires de ces personnages, récurrents sur l’ensemble des nouvelles. Ils ne se connaissent pas forcément, ne se rencontrent pas particulièrement, mais on entend parler d’eux, ici ou et là dans les récits. Quelqu’un connaît quelqu’un qui connaît un autre quelqu’un. Cela ressemble à une sorte de puzzle questionnant où chaque morceau trouve finalement sa place en toute cohérence quand on referme le livre à la fin.

 

 

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Théodore Gudin - Tempête sur les côtes de Belle-Île - Musée des Beaux Arts de Quimper

 

 

Certaines nouvelles peuvent sembler plus touchantes que d’autres selon le type de lectrices ou de lecteurs que nous sommes. Quelques unes possèdent même une certaine magie ensorceleuse comme « Soren Malsor » pour laquelle on pourrait citer Saint-Exupéry : « On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux ». Il en va de même pour « La Dame aux Éphélides ». Cette dernière laisse penser à la légende de la Vouivre en version océanique loin des marais du continent.

 

La Bretagne est partout omniprésente, un tapis en relief naturel sur lequel les histoires prennent corps, s’entrechoquent, parfois se brisent jusqu’à l’extrémité ultime, là-bas, vers les rochers où la terre se termine et laisse place à l’océan.

 

Finis Terrae… Infinitum mare…

 

 

 

 

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Extrait 

 

Page 148

J'habite une maisonnette pleine de charme, à un quart d'heure de marche de la plage sur laquelle je me rends, chaque soir, pour assister au coucher du soleil. Je suis loin d'être le seul mais la côte est assez grande pour ne pas subir la promiscuité. Le jeu des couleurs célestes est une inépuisable source d'inspiration. De l'éclat jaune au rose pastel, du bleu azur au paysage brumeux, du nuage noir au blanc immaculé des cumulus, des couleurs orangées, rougeoyantes aux nuances de gris de Payne, il y a là une palette infinie de tons que mon argentique tente de capturer. La quête de l'éphémère est une quête impossible. J'appuie avec frénésie sur le déclencheur, à m'en abîmer l'index, afin d'immortaliser le tableau en perpétuelle mouvance. J'obtiens de belles images, traces fossiles du temps qui passe, insaisissable. Parfois, vaincu, je pose mon appareil et profite du spectacle pour le graver ans ma mémoire.



14/11/2023
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