Livre / "La nuit de la Chouette" de Lucette Desvignes

LA NUIT

DE LA CHOUETTE

de Lucette Desvignes

Editions Nykta

2001 - 75 pages

A Dijon, tout le monde connaît la chouette censée porter bonheur quand on la touche, cette pièce sculptée sur une chapelle de l'église Notre-Dame, chapelle élevée à la fin du XVème ou au début du XVIème, plusieurs siècles après la construction de l'église. Une chouette presque sans visage, vandalisée en janvier 2001 à coups de marteau puis restaurée en février, ré-inaugurée en mai, ce qui lui donna une popularité encore plus importante. A présent, un système de vidéo-surveillance a été mis en place pour éviter une récidive et un parcours touristique, dit "de la Chouette", permet aux promeneurs de visiter le centre-ville historique. ça, c'est le fait véridique.

C'est dans la rue du même nom, près de la Maison Millière (vieille bâtisse moyenâgeuse transformée en café et boutique où ont été tournées certaines scènes du Cyrano de Jean-Paul Rappeneau avec Gérard Depardieu, Anne Brochet et Vincent Perez) que Lucette Desvignes a situé l'intrigue de son polar (longue nouvelle ou petit roman) sur le thème de la chouette vandalisée pour en proposer une explication, imaginaire évidemment.

Et voilà parti le lecteur sur les traces de deux clochards un peu bohêmes, Arsène et Globule, créchant dans cette petite rue, dans un renforcement de la Maison Millière.

La nuit où la Chouette est vandalisée, Globule disparaît. Arsène mène l'enquête avec son chien Lord Jim. Il est difficile pour un clochard d'être entendu de la police. Pourtant, les morts s'accumulant, l'affaire prend une autre tournure. Les choses ne sont pas aussi simples qu'il n'y apparaissait.

C'est l'occasion d'une balade dans ce Dijon historique, de la rue de la Chouette à la rue Chabot-Charny, en passant par la rue des Godrans, la place Suquet bien sûr (et son Hôtel de Police) jusqu'au magasin Casino de Fontaine-lès-Dijon. Cette errance de deux clochards dans la capitale bourguignonne donne même l'occasion de revenir près de soixante ans en arrière, dans la tout juste après-guerre, en 1945-46, quand les séquelles du conflit mondial faisaient affluer les clochards crasseux et les étudiants pauvres vers un centre de ravitaillement d'une petite rue donnant sur le boulevard Clémenceau, près de la place de la République. C'était le Secours Ménonite, alimenté entre autres par les libérateurs américains. Souvenirs de jeunesse d'Arsène, surnom qui lui vient de son patronyme : Lupin, Jean-Louis.

La célèbre Chouette de Dijon

Après quelques pages qui situent le duo et son mode de vie, on entre dans dans le vif du sujet. C'est concis et bien écrit. Trop court peut-être ?

Un chouette moment de lecture. Chouette, c'est le cas de la dire...

Extraits

Page 7

Il ne tenait pas la chopine, Globule. une expérience de toute une vie, pourtant. Mais on avait la nature pour, ou bien on ne l'avait pas. Globule ne l'avait pas, point final.

Page 10

Il était entré à la cloche comme on entre à la Trappe, à la minute même où il avait vendu son chronomètre pour se fournir en gros rouge.

Page 27

Passer aux pieds de la Chouette vandalisée, les débris ramassés, la voirie avait fait place nette ; le chouette était méconnaissable, les gens venaient voir, disaient Oh ! quelle horreur, c'est insensé, Mais où on va ? Ah ! on ne sent plus en sécurité quand on voit ça, Y faudrait arrêter ce maniaque, On laisse entrer n'importe qui dans l'hexagone, aussi, que voulez-vous ! un jour ou l'autre c'était fatal. Même si au fond de vous, vous étiez d'accord sur le vandalisme et la gratuité, ça vous donnait envie de hausser les épaules au passage ; Vous étiez revenu plusieurs fois sur les lieux, toujours la même chanson d'indignation vertueuse, mais ces citoyens-là, si vous les preniez au débotté, pouvaient tout aussi jeter leurs peaux de bananes ou leur chewing-gum dans la ruelle sans se soucier du civisme mimimal.