THEATRE DU PUZZLE

THEATRE DU PUZZLE

Par une nuit où la lune ne s'est pas levée / Dai Sijie

 

"Par une nuit où la lune ne s'est pas levée"

de Dai Sijie

Ed Gallimard / nrf

307 pages

 

C'est un roman exceptionnel, un livre érudit, un livre d'érudit et surtout un récit envoûtant, obsédant. Un roman d'amour. Une initiation.

 

Dés la première page, on comprend que cette quête aura quelque chose d'exceptionnel de par l'histoire exceptionnelle de la relique recherchée.

"Appelons-le relique mutilée, ce petit bout de texte sacré écrit dans une langue déjà disparue sur un rouleau de soie qui, victime d'une violente crise de folie, fut déchirée en deux non par des mains, ni un poignard ou des ciseaux, mais bel et bien par les dents d'un empereur enragé". Ce sont les premiers mots du livre. Et commence alors l'histoire hors du commun d'une étudiante française à Pékin en 1978. Et pas seulement à Pékin.

Dans des espaces-temps qui remontent à l'époque des empereurs de la dynastie des Song dont Huizong (1082-1135), bien avant Puyi, le dernier empereur dont il est aussi question dans le livre.

 

 

 

Dans des espaces géographiques qui, au-delà de la France et de la Chine, nous emportent en Birmanie, au Laos, en Thaïlande, au Viet-Nam, au Tibet et même bien plus loin, en Afrique Noire (royaume Songhaï et Pays Dogon au Mali), au nord de l'Europe (Suède, Russie).

Dans des espaces philosophiques et spirituels qui font côtoyer l'esprit des grands voyageurs européens comme Marco Polo, des écrivains tels Rudyard Kipling, James Joyce, Byron, José Luis Borges dans des rencontres  presque improbables  avec l'extrême-Orient.

Sans cesse, on croit se perdre. Et sans cesse, tel le monolythe de "2001 l'Odyssée de l'espace", le rouleau de soie mystérieux en langue Tûmchouq revient, par un personnage, par un récit du passé, par un lieu ou un évènement politique, par une histoire de calligraphie et d'art. C'est lui le héros de l'histoire.

 

Ce livre emporte dans le monde des signes et des symboles. Il initie à la patience. Un récit où l'on croit se perdre pour mieux se retrouver.  

 

"Les noms ont une vie propre" et ici ils font rêver. Ils se font écho. Ils s'appellent et se répondent. Mandalay, Harivarman, l'auteur du Satyasiddhi-Sûtra, la rivière Irrawaddy, la rivière Lu, Chindwin, Samarkand, le roi Anawratha, Marco Polo et son livre des Merveilles du Monde, Pagan, les langues sanscrit, mandarin, tûmchouq, hébreu, bambara, la rue de la Petite Inde, les Hutong, petites ruelles de Pékin aux senteurs d'abricots aigres et sucrés, de galettes frites à l'huile, chaudes et craquantes, de crabes salés et épicés, de carottes séchées couvertes de piments, de brioches à la vapeur, de fromages de soja, de plantes aphrodisiaques... 

 

Dans cet univers, l'étudiante française rencontre Tûmchouq, le vendeur de légumes qui la guidera vers ce rouleau de soie que lui aussi recherche pour d'autres raisons. Un rouleau de soie qui recèle une certaine idée de la vie, de toute évidence pas seulement pour les asiatiques...

 

 

 

Extraits

 

(Page 31)    (A propos du rouleau  manuscrit) ... en restituant son parcours, si sinueux fût-il, je pourrais mieux parler des empereurs défunts sur lesquels il avait laissé son empreinte.

 

(Page 57) Je regardai les lumières trembler sous la pluie et s'éteindre les unes après les autres, mille-pattes fluorescent s'engouffrant peu à peu dans le noir avant de disparaître entièrement.

 

(Page 75) Ce professeur... me fait penser à un géographe qui consacre ses plus belles années, sinon sa vie entière, à étudier un fleuve, à le remonter jusqu'à sa source, en bateau ou à pied ; de temps en temps il arrête ses pas, se laisse guider par un affluent, le plus menu, le plus sauvage... pour finir par connaître tout le fleuve par coeur, tel un amoureux qui connaît du bout des doigts le corps de sa partenaire...

 

(Page 126) Les mots par lui murmurés sonnaient comme une formule secrète au son inconnu qui suscitaient en moi un léger vertige, une douce ivresse, comme des grains de sable flottant où baignaient tous mes sens...

 

(Page 177) (A propos de la Calligraphie) L'écriture se comparait à ces marins d'antan, qui, naviguant sur un fleuve, au coeur d'un continent inconnu, tombaient sur des tronçons  non encore explorés, dans le lit desquels des rapides déferlaient...

 

(Page 223) Tous nos amants, du premier au dernier, y compris le plus éphémère, font-ils partie de cet amour unique, et chacun n'en est-il qu'une forme, une variante, une version particulière ?

 

(Page 275) Ici le temps était immuable, immuable comme le dogme...

 

(Page 297) "Il n'y a que dans le sommeil que certaines choses ont cette manière de surgir à l'improviste" (Proverbe chinois)

 

 

 


Découvrez Various!


15/07/2008
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