THEATRE DU PUZZLE

THEATRE DU PUZZLE

Pascal Marchand

 

    " undefined>"Hier ne m'appartient plus, le temps l'a rattrapé. Peut-être ne vivrai-je pas demain. Mais il me reste aujourd'hui."

 

 

Drôle de type que celui-là. Un doux rêveur qui cherche dans le théâtre à créer un monde bien différent de celui que nous connaissons. Y arrive-t-il ? Il faudrait le demander à ceux qui font vivre le Théâtre du Puzzle. Ce qui est sûr, c'est que le Puzzle existe depuis 1993 et que ce Théâtre est encore un gaillard plein d'énergie, preuve s'il en est  qu'un monde heureux et respectueux de ceux qui l'habitent est possible. Que ce bonheur se partage, qu'il est la résultante d'une rencontre, de rencontres, qu'il voyage vers d'autres gens, ceux avec qui le Puzzle collabore.

 

Je le connais ce type, Pascal Marchand. C'est lui qui m'a créé, moi Mamadou, l'employé africain avec son panneau William Shakespeare dans "L'Homme en Costard Cravate". Ce type, il est autant capable d'écrire des horreurs qu'il va noyer dans l'humour très noir ( par exemple "La Caisse du Docteur Pinchon") que de s'émouvoir pour de vrai pour des personnages à l'histoire quelque peu tragique (par exemple "La Grande Ceinture" ou "L'Homme-Puzzle"). Il peut autant délirer un soir de fête que de retrouver le calme et la solitude du lecteur et de l'écrivain. Et entre les extrêmes, le quotidien des gens qui travaillent et ont une vie de famille.

 

Ce type, il a plein de mots dans la tête. Il faudrait inventer un ordinateur intégré au cerveau avec branchement direct pour imprimante ou pour clé USB. Une invention spéciale pour des types comme lui. Alors il en sortirait des histoires, des histoires qui seraient lues ou pas, qui peut-être seraient rangées dans un grand classeur en attendant une occase. Ou une autre idée à complèter. Ou qui seraient oubliées là très longtemps.  

 

 

Des projets de pièces ? Un certain nombre végètent dans ses cartons, parfois depuis de longues années, en attendant la bonne occase, la bonne rencontre ou simplement la maturité. Avec l'âge qui avance, il devient le genre de gars qui accepte de laisser filer une idée, de considérer que ce n'était qu'une étoile filante. Il fut un temps où il se levait la nuit pour écrire sur un bout de papier la pensée fugitive qui ferait (aurait pu faire ?)  un bon texte. Maintenant il se satisfait plus souvent des instants qui se présentent sans retour possible, pour le plaisir, pour vivre heureux tout de suite plutôt que d'attendre raisonnablement qu'il soit temps de le faire. Je crois qu'au fond, il a peur, qu'à force d'attendre, comme dans le Désert des Tartares, on laisse filer sa vie et qu'à la fin, au moment de partir, il ne reste que les regrets. Comme le dit JMG Le Clezio "La vie ne se remonte pas, même dans les rêves."

 

Moi, je l'aime bien ce type. Normal. Il m'a créé. Mais ce n'est pas seulement pour ça. Il m'a permis d'exister devant les autres. J'ai pu dire à mon patron de l'époque, un (faux) régisseur qui donnait facilement des ordres, tout ce que j'avais à lui dire. Bon, le public a rigolé (c'était aussi mon but de personnage), mais le public m'a soutenu quand même !

 

 

En fait, je crois que, pour Pascal Marchand, sans le théâtre, sans l'écriture, sans le jeu, sans ces moments d'atelier et de folie, de cette forme d'ivresse, sans ces rencontres inattendues, la vie serait vraiment trop fade. Ce serait une longue route toute droite, ennuyeuse et sans surprise, sans espoir. La phrase de Delos W. Lovelace qui dit "Il y a des jours où il vaut mieux être heureux que raisonnable" lui correspond bien. Les élans de la vie, c'est ce qu'il recherche. Ces grandes vagues qui emportent dans le présent, qui balancent sur le visage un vent frais plein d'écume et qui racontent des histoires venues d'ailleurs. La vie des gens et leurs espoirs.  

 

Alors, sans qu'il le sache vraiment, je l'accompagne discrètement, avec les autres personnages qu'il a créés, Maureen et William,  Le Mercenaire, La Danseuse, le Peintre, Les vieux de la Maison de Retraite, Les Stagiaires du MD 30, les clients du Docteur Pinchon, , les Encavés du secteur 4, Nina et Nino, la Princesse Naïma et le Prince Mamadou, tous les autres, de pièce en pièce, d'année en année, pour qu'il garde sa vivacité d'esprit et qu'il crée d'autres compagnons qui viendront nous rejoindre à leur tour. Il ne le sait peut-être pas, mais le Docteur Pinchon et ses clients, s'ils sont nés un jour, c'est parce que nous, nous étions là avant eux. Nous, un peu leurs frères et soeurs, leur avons balisé le terrain. Nous avons donné à ce "père" les enfants  qui erraient dans ses rêves nocturnes. Ce n'est pas seulement lui qui nous a fait naître, c'est aussi un peu nous qui l'avons fait enfanter.

 

Et puis il y a l'énergie d'une troupe toute entière, de rencontres de troupes, de croisements de chemins, avec plein d'idées qui germent ça et là, d'autres créations, des mises en scènes faites par d'autres, d'autres directions de jeu où lui n'est qu'acteur. Et ça, il adore aussi.

 

En fait oui, Pascal Marchand, c'est un peu mon père. Et ce père j'y suis attaché, comme lui s'est attaché à nous, ses enfants de papier devenus enfants de scène.

 

Mamadou, employé de théâtre

 

 

 

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03/06/2008
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